Dieu est un mot, qui désigne dans
l'ensemble des cultures humaines une conscience supérieure influençant de
manière plus ou moins absolue le cours des événements, jusqu'à être présentée
dans les monothéismes comme l'origine et la finalité de tout ce que nous
percevons (la création). Cette conscience supérieure, qui voit tout et entend
tout, est dépositaire de ce qu'on appelle le Bien, et qui est l'ensemble des
comportements et des êtres considérés par les hommes comme bénéfiques à leur
évolution. Dans le polythéisme, plusieurs consciences supérieures se partagent
l'organisation du monde, et elles recherchent ce qui est bénéfique pour elles
et ce qui dépend d'elles dans le monde, les hommes devant les satisfaire pour
ne pas attirer leur courroux.
Face à Dieu, le Diable désigne
une autre conscience supérieure antithétique, qui est comme l'ombre de la
première, et qui est réputée chercher systématiquement à corrompre et détourner
les êtres de la recherche du bien collectif vers lequel ils doivent tendre.
Au stade de développement où est
arrivée aujourd'hui la conscience humaine, la croyance religieuse, la foi, pose
plusieurs questions.
1/ Existe-t-il dans l'univers une
ou des consciences supérieures capables d'influer sur notre vie et notre
existence, sans qu'aucun signe de leur présence ne soit perceptible
objectivement ?
2/ Si elles existent, que
signifie pour elle/elles la recherche du bien : ce qui lui/leur bénéficie, ce
qui bénéficie à l'évolution générale de l'univers sous leur influence, ce qui bénéficie
à l'ensemble des êtres terrestres dotés d'une conscience, ou ce qui bénéficie à
la seule communauté des humains ?
3/ Notre conscience individuelle
est-elle capable de savoir ce qui bénéficie à l'évolution générale de
l'univers, ou même à l'ensemble des êtres terrestres dotés d'une conscience ?
4/ N'y a-t-il pas des cas de
figures envisageables, où la pérennité de l'espèce humaine pourrait nuire à
l'évolution générale de l'univers telle que recherchée par la/les consciences
supérieures ?
5/ Plusieurs consciences
supérieures peuvent-elles s'affronter (à l'image des consciences humaines) et
rechercher pour l'évolution de l'univers des chemins différents ?
Comme personne ne peut répondre
rationnellement à ces questions, la foi n'est-elle pas juste un aveuglement qui
permet de justifier des valeurs morales collectives ? Les convictions
religieuses devraient donc aujourd'hui être dépassées, et ne plus avoir aucune
influence sur le développement des consciences.
Si le bien et le mal ne relèvent plus
de la religion, de quelles valeurs morales collectives peuvent-ils découler ?
Tout le monde sait que ce sont les idéologies (appuyées ou non sur les
religions) qui dictent les valeurs morales du monde contemporain. Elles se
prétendent toutes humanistes, allant de la formule un tantinet partisane de Benoît
XVI "une morale et une justice qui ne font pas référence à Dieu
dégradent l'homme, parce qu'elles le privent de sa mesure la plus exigeante, de
ses possibilités les plus hautes" à celle un peu hypocrite de Deleuze “Être
de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis
soi ; être de droite c’est l’inverse” en passant par celle déstabilisante
d'Amélie Nothomb “Le sens moral disparaît au-delà de 180 de quotient
intellectuel.”
Disons que la morale humaniste de
notre siècle se veut exempte d'égoïsme, c'est-à-dire qu'elle nous demande de
traiter de la même façon ceux qui nous sont antipathiques, sympathiques, indifférents,
proches, ou lointains... Donc contrairement à la morale religieuse, elle ne
nous demande pas d'aimer ou de haïr, mais de respecter les autres dans la
sphère la plus large possible (incluant pour certains les animaux – qui ont
comme nous une conscience – et pour les écologistes la nature entière)...
Mais c'est là un vœu pieu, car quand on élargit trop, la vie nous confronte à
des situations où il faut choisir qui on respecte le plus ! Et dans ces
choix difficiles, admettons, au regard de l'histoire, que la religion est une
fort mauvaise conseillère morale.
Mais revenons à la mort de Dieu.
On peut se libérer des œillères de la foi sans pour autant tomber dans les
travers d'un athéisme basique. En effet, il semble logique de penser que le
niveau de conscience des homo-sapiens modernes, rapporté à la globalité de
l'univers physique perceptible, n'est pas la forme la plus évoluée possible de
la conscience, et qu'il existe ailleurs, apparues sur d'autres mondes, des
consciences beaucoup plus abouties. Et il ne semble pas inimaginable que de
telles consciences puissent avoir un impact sur l'humanité terrestre, comme
nous même en avons un par exemple sur les végétaux, qui sont incapables de nous
percevoir directement, la conscience végétale étant à un stade d'évolution plus
rudimentaire.
Au-delà de ça, ne peut-on pas faire l'hypothèse que la
conscience est une forme d'énergie intrinsèque au Réel, indissociable du sens même
que l'on peut Lui attribuer... On se trouve alors conduit vers la notion de Transcendance,
qui pallie au handicap insurmontable qu'aura toujours la connaissance
scientifique, malgré ses fantastiques progrès, pour comprendre le réel et
l'imaginaire, l'être et le néant, l'existence et la disparition, l'espace et le
temps... Mais pour bien gérer les intuitions que nous inspire cette Transcendance
des choses, il vaut mieux, me semble-t-il, s'en remettre à la poésie, sous
toutes ses formes, plutôt qu'à la foi.