présentation des peintures synchronistiques

mardi, mars 30, 2021

L'aporie

Gilles Chambon, L'aporie, huile sur toile 55 x 50 cm, 2021

Ces trois personnages empruntés à trois tableaux du Greco (Saint Thomas, Saint Jacques le Majeur, et Marie Madeleine) dissertent, tels des philosophes, à propos d’un crâne tout droit sorti de la « Vanitas » de Philippe de Champaigne…

 

La vie, la mort, l’hypothèse hasardeuse de la résurrection… Faut-il choisir entre l’art de vivre et l’art de mourir ? Faut-il se réjouir ou s’angoisser ? Le raisonnement bute sur une aporie… Alors laissons le dernier mot au poète : « comme cela nous semblerait flou, inconsistant et inquiétant une tête de vivant s'il n'y avait pas une tête de mort dedans » ! (Jacques Prévert).

 

La scène se déroule synchronistiquement dans un paysage où les nuages qui passent filtrent la lumière, et semblent effacer peu à peu les montagnes… Il s’agit d’un des derniers tableaux de Gustave Courbet, représentant le lac Léman ; il date de 1876, juste avant que la mort ne le prenne, sans pour autant l’effacer.

mardi, mars 23, 2021

Tropiques

 

Gilles Chambon, « Tropiques », huile sur toile 40 x 60cm, 2017

L’imagination de l’exotisme tropical, qui a notamment donné naissance à l’orientalisme, a trouvé à s’exprimer, se diversifier, et se complexifier, à travers les voyages que de nombreux artistes effectuèrent dans les empires coloniaux entre le milieu du XIXe et le milieu du XXe siècle. André Maire, le gendre d’Émile Bernard, fut l’un de ces artistes globe-trotters, observateurs assidus, et un peu ethnologues. Il voyagea en Indochine, en Afrique noire, en Egypte, à Madagascar, en Martinique… C’est à ses peintures et carnets de croquis que j’ai emprunté les personnages de mon tableau. 

 

Ils trouvent place dans une composition abstraire d’un Russe contemporain d’André Maire, mais qui n’a strictement rien à voir avec lui : Serge Charchoune:

 


Ce peintre dadaïste qui évolua vers le cubisme et l’abstraction, est même l’exact inverse de Maire. Il dessine mal et pense que le dessin est l’ennemi de la peinture, il cherche à exprimer non la richesse du monde extérieur, mais celle des sensations intérieures. Cubisme ornemental et purisme alimentent ses recherches picturales. C’est peut-être grâce à cette quête instinctive du pouvoir expressif des formes et des couleurs qu’il peut rejoindre momentanément l’esprit des civilisations tropicales… C’est en tout cas le pari de ce tableau !


vendredi, mars 19, 2021

La nourriture du poète

 

Gilles Chambon, La nourriture du poète, huile sur toile 60 x 60 cm, 2021

On dit que la bouillabaisse (accommodation des restes de poissons invendus) fut inventée par les pêcheurs phocéens au VIIe siècle avant J-C… La poésie culinaire marseillaise se relie donc à la mythologie antique. Selon certains, Vénus aurait même servi une bouillabaisse à son mari Vulcain pour l’endormir pendant qu’elle le trompait avec Mars.

 

Dans cette toile synchronistique, qui mêle l’Estaque de Georges Braque (L'Estaque, octobre 1906'', Georges Braque, Centre Pompidou, Paris) avec une nature morte au homard de Giorgio de Chirico ("Nature morte au homard et moulage", 1922, huile sur toile, 77 x 99 cm), j’ai ajouté une bouche divine et pimentée, qui révèle au pêcheur la dimension poétique intense et intemporelle des plats marseillais à base de poissons et crustacés !

vendredi, mars 05, 2021

La tête coupée, ou l’oracle d’Orphée

 

Gilles Chambon, "La tête coupée, ou l'oracle d'Orphée", huile sur toile 60 x 80 cm, 2021

Couper la tête d’un homme est une action barbare et hautement symbolique, et cela depuis la nuit des temps, si l’on en croit les nombreux mythes et légendes qui courent à travers le monde sur ce sujet. S’emparer d’une tête coupée, la brandir au bout d’une pique ou au contraire la recueillir et la sacraliser, c’est s’emparer du pouvoir effrayant de la mort.

 

C’est pourquoi souvent les têtes coupées recueillies se mettent à parler : ce sont les têtes oraculaires. Elles constituent une sorte d’interface entre le monde des vivants et le monde des morts, entre l’ici-maintenant et l’au-delà de l’espace et du temps.

 

Dans la légende d’Orphée, dont l’épisode le plus connu est sa descente aux Enfers pour tenter vainement de ressusciter sa bien-aimée Eurydice, il y a aussi sa fin tragique : ne pouvant se remettre de la perte de son amour, il se retira dans la solitude, dédaignant la compagnie des humains, de leurs passions, et de leurs fêtes. C’est alors qu’il fut pris à partie par des Ménades en furie : elles le déchiquetèrent, coupèrent sa tête, et la jetèrent dans l’Hèbre (fleuve de Thessalie) ; de là elle dériva jusqu’à l’île de Lesbos, où elle fut recueillie dans une grotte, et se mit à délivrer des oracles (jusqu’à ce qu’Apollon y mette fin).

 

Mon tableau est une sorte de synthèse symbolique entre la grotte oraculaire d’Orphée et les Enfers, où trônent Hadès et Perséphone, accompagnés de Minos, juge suprême des âmes défuntes. J’ai emprunté synchronistiquement l’ambiance et la tête oraculaire à l’un des « rois » d’Antoni Clavé, et pour les trois personnages de droite, je me suis inspiré d’un dessin préparatoire de Jacob Jordaens pour « le jugement de Midas ».