présentation des peintures synchronistiques

dimanche, août 23, 2020

L’énigme de l’œuf à la coque (allégorie chronienne)

Gilles Chambon, Allégorie chronienne, ou l'énigme de l'œuf à la coque, huile sur toile 56 x 80 cm, 2020

Tout le monde aura reconnu, dans le lointain de ce tableau, une reprise du paysage de "l’Allégorie chrétienne" de Giovanni Bellini (musée des Offices). La rencontre synchronistique de cette œuvre de la Renaissance, au symbolisme énigmatique, et de « L’œuf » d'Odilon Redon pris au piège d’un coquetier, donne ici naissance à une nouvelle allégorie, chronienne plutôt que chrétienne, mais néanmoins tout aussi obscure.

 

L’œuf à la coque, dont l’origine se perd dans la plus haute antiquité, m’est apparu être un symbole adapté à l’angoisse contemporaine du temps qui s’accélère, et que nous avons tant de mal à maîtriser (Chronos est dieu du temps, d’où le qualificatif chronienne).

 

S’il ne faut que trois minutes pour faire cuire un œuf à la coque, la maîtrise de ce bref laps de temps n’est pas des plus faciles : le blanc doit être entièrement solidifié, et le jaune pas du tout. Or la grosseur de l’œuf, sa température initiale, l’épaisseur de sa coquille, le rapport entre le volume de blanc et de jaune, l’importance relative de la poche d’air, le temps qui s’écoule entre la sortie de l’eau et l’ouverture de la coquille, sont autant de variables qui influencent le résultat et peuvent faire échouer un cuisinier qui s’en tiendrait strictement aux trois minutes théoriques. La préparation de l’œuf-coque est donc une sorte de chef d’œuvre culinaire minimaliste.

La forme de l’œuf, qui rappelle celle de la tête humaine (et l’œuf d’Odilon Redon fait même penser à un visage masqué de l’année 2020 !), est d’une géométrie parfaite et d’une couleur douce et ambrée, malgré qu’il sorte du cul de la poule. C’est peut-être pour ça que l’œuf est le symbole universel du monde engendré à partir du néant.

 

On se demande toutefois si le Créateur n’a pas eu autant de mal que le cuisinier à en parfaire la cuisson, ce qui expliquerait les multiples imperfections de l’univers dans lequel nous évoluons, et dont on peut dire métaphoriquement que certaines composantes sont bien trop cuites, et d’autres pas assez…

Mais que cela ne vous empêche pas de tremper allègrement vos mouillettes imaginaires dans ce tableau, même si lui aussi est imparfait !


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