présentation des peintures synchronistiques

jeudi, septembre 27, 2012

E. ROBERT, un peintre provençal en quête d’identité



E. Robert, Paysage de garrigues, huile sur panneau, 33x52, collection privée

E. Robert est un peintre de la Provence et de la Côte d’Azur, actif au début du XXe siècle ; son style et sa signature sont reconnaissables sur une quinzaine de tableaux, passés en salle des ventes en France, en Suisse, en Allemagne, ou en Angleterre, depuis plus de vingt ans. Les images qui accompagnent cet article, même si elles sont souvent de médiocre qualité, donnent une idée du savoir-faire de cet émule méridional de l’école de Barbizon.

Le problème est qu’il porte l’un des patronymes les plus répandus en France, et que bien sûr d’autres artistes, mieux documentés que lui (il ne l’est pas du tout) portent aussi ce nom. C’est pourquoi la plupart de ses œuvres ont été ventilées par les commissaires-priseurs et les experts associés, un peu au hasard, comme appartenant à trois autres artistes signant aussi E. Robert, et qui sont pourtant l’un sculpteur sur pierre, l’autre sculpteur sur bois, et le troisième ferronnier d’art.

Peintures de E. Robert attribuées à ses homonymes

Le ferronnier est le plus connu et le mieux documenté : il s’agit d’Emile Robert, né en 1860 à Mehun-sur-Yère, dans une famille de ferronniers, et mort en 1924. Repéré pour son talent dès la fin des années 1880, il construit, en collaboration avec Karbowsky le pavillon des Arts décoratifs de 1900. Dans la génération montante des artistes des arts appliqués, il fait partie du groupe des Lalique, Gallé, Baffier, Dampt, Delaherche, qui forment une sorte d’avant-garde. On lui doit la grille du cimetière des Chartreux à Bordeaux, la porte du musée des Art Décoratifs au pavillon de Marsan, la grille du théâtre de Lille, certaines grilles du Sacré-Cœur à Monmartre,  ainsi que celles du musée de paléontologie, et celles du Consulat de France à Bruxelles ; ses œuvres sont conservées dans de nombreux musées : musée Galliera, musées de Hambourg, Christiana, Londres, Bâle, Lviv, etc. Jean Prouvé se formera notamment en 1916-18 dans son atelier d’Enghien. Emile Robert mourut alors qu’il était en train de mettre en place la prestigieuse exposition des Arts-déco de 1925.

Le second E. Robert, dont l'identité complète est Eloi Emile Robert, dit Emile Robert, est un sculpteur français né en 1880 et mort en 1948 ; représentatif du style Art Déco, il sculpte, généralement sur bois, des personnages et animaux aux formes quelque peu géométrisées, souvent inspirées par l’exotisme colonial.

Le troisième est Eugène Robert, sculpteur statuaire, né en 1831 et mort en 1912. On lui connaît deux participations aux Salons des artistes français : en 1880, avec "Jeune colporteur", statue en bronze haute de 1,25m ; et en 1882, avec le buste en plâtre de "Pierre Simon Bourzat, bâtonnier de l'Ordre des Avocats de la ville de Brive (Corrèze)", acquis par le Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Une sculpture de lui de 1894, intitulée « Le réveil de l’abandonné », est au Musée de l’Assistance Publique, à Paris. 

Ces trois artistes n’ont bien entendu rien à voir avec notre peintre provençal E. Robert. Est-ce un Emile ou un Eugène ?… Peut-être un Eric, un Edouard, un Edgar, ou un Edmond. Si, parmi ses descendants, certains lisent ces lignes et ont gardé suffisamment de traces de sa mémoire pour reconnaître ses peintures, qu’ils me le disent, afin de lui restituer enfin sa véritable identité. 


Autres peintures de E. Robert
C'est aujourd'hui chose faite : depuis 2013, les gens qui l'ont connu, et surtout sa petite nièce Ariane Svare (que je remercie vivement pour les photos de son grand oncle qu'elle a bien voulu me communiquer) m'ont apporté les éléments de biographie qui permettent de rendre un visage et une âme à cet artiste de talent injustement oublié.
 


Mise à jour 29 mai 2013:
Un lecteur amateur de E. Robert a mené des recherches et a trouvé un article paru dans "Le Mémorial d'Aix" le 5 avril 1936, commentant une exposition de soixante peintures de notre artiste, comprenant des paysages et marines de Provence, de Corse, des Baléares et de la Riviera italienne. L'exposition avait lieu dans le cadre de l'association "Les Amis des Arts", fondée en 1894, et où ont exposé notamment Paul Cézanne, Paul Clément, Marcel Arnaud, Marcel Sahut, Louise Germain, et Renée Jullien.
Le nom complet du peintre y est donné : Etienne Robert ; c’est un artiste établi à Marseille. L'article, très élogieux, précise que "Les Aixois connaissent depuis longtemps l'art si savant de ce paysagiste, réputé entre tous. On peut en saisir le secret dans quelques études superbement enlevées [...] Quelques traits rapides de mise en place, puis l'esquisse minutieusement abordée, où rien n'est négligé, recherche de la forme, des grandes lignes, des grandes masses dans les premiers plans, de l'équilibre des maisons, de l'attache des branches, de la perspective des routes et sentiers."


Mise à jour 11 septembre 2014:
Un autre lecteur, dont les parents et grands parents connaissaient Étienne Robert depuis 1913, l'a lui-même rencontré vers 1950, alors que le peintre habitait dans les collines Ruissatel et Garlaban, entre Aubagne et Marseille ; il signale également qu'Étienne Robert partait de temps à autres faire des expositions en Suisse. Voici deux tableaux dont il a eu l'amabilité de m'envoyer les photos.
E. Robert, Amandiers en fleurs près d'Allauch, 1913                                                    E. Robert,  l'arrivée vers la plage de  la Ciotat, 1920
Voici encore d'autres oeuvres d'E. Robert (photos glanées sur Internet) :

Mise à jour  2015 :
Contacté par les descendants d'Etienne Robert, notamment sa petite nièce, les précisions suivantes peuvent être apportées : 

Etienne Robert était Suisse, né à Le Locle dans le canton de Neuchâtel le 25 mars 1875, et mort à Marseille, fin juillet 1959, âgé de 84 ans.

Etienne Robert en 1920

Il était le cadet d'une famille nombreuse, dont le père possédait une petite ferme et travaillait à domicile à de l'horlogerie. Etienne a reçu une formation de dessin, de peinture, et de calligraphie. Probablement sur les conseils d'un de ses amis, il déménage à Marseille où se trouvait alors une importante colonie suisse. Il travaille comme calligraphe dans une entreprise, sur la Cannebière, et pratique la peinture sur le motif, avec d'autres amis peintres. Peu à peu, il fait de la peinture son activité principale. Il habite avec sa femme marseillaise une petite maison en haut du boulevard Vauban, dans laquelle il a installé son atelier. 
Etienne Robert peignait surtout la Provence. Disposant d'un cabanon au pied du Garlaban, il rayonnait dans la campagne à la recherche de sujets. Il dessinait une esquisse in situ, puis revenait dans son atelier pour réaliser les tableaux définitifs. Il a peint aussi l'Italie, la Corse, et un peu la Suisse, qu'il trouvait cependant trop verdoyante : "La Suisse, disait-il, est un grand plat d'épinards".

En 1922, il épousa Elisabeth Goldsmid, d'origine Suisse (sa famille était à Marseille depuis deux générations), qui lui donna trois enfants : Alice en 1924, Marie-Jeanne en 1927, et Charles en 1928. De 1920 jusqu'à la veille de la guerre, il exposait chaque année, alternativement à Marseille et en Suisse, où il avait une clientèle. Etienne a peint jusqu'à l'âge de 84 ans, et laisse derrière lui une importante production, presque exclusivement consacrée au paysage.

En 1960, après sa mort, exposition organisée autour de son autoportrait
Etienne Robert en juillet 1940
Etienne Robert sur la corniche marseillaise


Mise à jour septembre/octobre 2015 :
Encore deux oeuvres d'Etienne Robert passent en vente à Lauzanne le 6 octobre, et sont attribuées à tort à Emile Robert !

Chapelle Pleumna 27x41cm, 1922

Temps d'orage à Aix en Provence,  27x41 cm, 1922,
 

dimanche, septembre 16, 2012

La danse


Hyacinthe ROYET (1862-1926), La danse, huile sur toile 48 x 65cm, collection privée
Le Souvenir de Mnasidika


Elles dansaient l’une devant l’autre, d’un mouvement rapide et fuyant ; elles semblaient toujours vouloir s’enlacer, et pourtant ne se touchaient point, si ce n’est du bout des lèvres. 
 

Quand elles tournaient le dos en dansant, elles se regardaient, la tête sur l’épaule, et la sueur brillait sous leurs bras levés, et leurs chevelures fines passaient devant leurs seins. 
 

La langueur de leurs yeux, le feu de leurs joues, la gravité de leurs visages, étaient trois chansons ardentes. Elles se frôlaient furtivement, elles pliaient leurs corps sur les hanches. 
 

Et tout à coup, elles sont tombées, pour achever à terre la danse molle... Souvenir de Mnasidika, c’est alors que tu m’apparus, et tout, hors ta chère image, me fut importun.


extrait de Pierre Louÿs
Les Chansons de Bilitis, 1894