présentation des peintures synchronistiques

samedi, juillet 23, 2016

Apollon archer

Gilles Chambon, Apollon archer, huile sur toile 53x45cm, 2016
Apollon est un dieu aux multiples pouvoirs :

-    Le pouvoir divinatoire, qu’il a conquis en tuant le serpent Python ; ce pouvoir est généralement symbolisé par un trépied (trépied sur lequel s’asseyait la Pythie de Delphes pour délivrer ses oracles).

-    Le pouvoir d’inspiration, qu'il accorde à tous les artistes qui lui font allégeance (ce ne fut pas le cas de Marsyas le silène, qui fut écorché vif pour avoir voulu se mesurer au dieu). La lyre à sept cordes d'Apollon est l'emblème de son règne sur la musique et la poésie; elle accompagne tous les poètes.

-    Le dieu à la couronne de laurier est aussi connu pour son pouvoir de provoquer la mort violente, car ses flèches d'argent ne ratent jamais leur cible. En effet, Apollon-Phoebus est un dieu solaire, et rien ne peut échapper à la vue perçante du soleil. Ce pouvoir terrible est bien sûr symbolisé par son arc. 

-  Mais en contre-partie du pouvoir de tuer, il a aussi le pouvoir de guérir, et les Grecs le sollicitaient lors des grandes épidémies (c'est le père d'Asclépios, dieu de la médecine).

Parmi ses exploits guerriers, Apollon, aux côtés de Zeus, a notamment défendu l’Olympe contre les Géants… Et c’est aussi lui dont les flèches ont tué les trois cyclopes - Argès, Brontès, et Stéropès - en représailles à la mort d'Asclépios, abattu par Zeus à l'aide des carreaux de foudre forgés par les trois géants monoculaires.

Dans la petite peinture que je présente ici, Apollon, sorti du décor d’un cratère attique et antique (vers 460 av. J-C, Louvre), menace de sa flèche une cible inconnue… Qui tient-il ainsi en respect ?

Pour ma part, j'imagine Apollon en train d'accomplir un « braquage » divin, puisque le fond du tableau vient d’une nature morte de Braque (Nature morte sur une nappe rouge, 1934, Phillips Collection), accaparée et détournée par le dieu !

lundi, juillet 11, 2016

Le baiser volé


Gilles Chambon, Le baiser volé, huile sur toile 19x24cm, 2016
Il y a plusieurs façons de voler un baiser : en embrassant une personne par surprise, ou à la dérobée, ou sans que les autres sachent, en transgressant un interdit… Guy de Maupassant  disait qu’ « un baiser légal ne vaut jamais un baiser volé ». En effet, le baiser volé est synonyme d’aventure, d’inattendu, de révolte, de risque, de liberté.
En peinture, la plus grande liberté et la plus grande aventure aujourd’hui, est à mon sens de se révolter contre la pseudo transgressivité de l’art contemporain branché, qu’embrassent beaucoup de jeunes artistes, souvent par esprit moutonnier, ou pire, parfois, par opportunisme. 

Voici donc le goût sucré d’un vrai baiser volé, dérobé à une fresque de Giotto (1267-1337), ce merveilleux peintre toujours aussi jeune malgré ses sept cent quarante-neuf ans…

Cette petite peinture synchronistique mêle le baiser de Joachim à Anne, interprété des fresques de Giotto de la chapelle Scrovegni à Padoue, et une gouache de 1970 du subtil peintre madrilène Francisco Bores (1898-1972).

samedi, juillet 02, 2016

Le songe d'Orphée, ou les funérailles de la Licorne

Gilles Chambon, Le songe d'Orphée, ou les funérailles de la Licorne, huile sur toile 100x190cm, 2016
Ce tableau est un hommage hypnagogique à Nicolas Poussin et Pablo Picasso. Il a obtenu une médaille de bronze au 228e Salon des artistes français en février 2018.

Ce qui caractérise l’hallucination hypnagogique est le sens inattendu que peut prendre soudainement, au moment de l’endormissement, la succession vagabonde des images qui traversent l’esprit assoupi, entraînant ainsi la formation du rêve.

La signification du rêve n’est pas une signification rationnelle ; elle appartient au domaine non aristotélicien, comme tout l’imaginaire poétique, d'ailleurs. Pour autant, ce qu’elle nous révèle de la réalité n’est jamais anodin (d'où les termes de sur-réalité et de surréalisme forgés pour désigner cette poésie onirique aux accents incongrus et énigmatiques). Le rêve, en particulier sous la forme du songe, est un oracle derrière lequel se cache une compréhension transversale du monde. Il met en relation des choses à l’apparence éloignée, mais qui entretiennent une proximité hors de l’espace-temps. Exactement comme la peinture synchronistique, qui met en relation des univers picturaux sans lien apparent.

Donc, Orphée fait un songe… Tandis que la fumée d’un sacrifice ou d’un incendie lointain s’élève vers le ciel en colonnes sombres, défilent dans sa tête :

-    Son retour des enfers, lorsqu’il s’est malencontreusement retourné, perdant pour toujours sa compagne adorée ;

-    L’image d’Eurydice s’évaporant à jamais sous le voile de mariée ;

-    Celle d'un cortège distordu de Ménades, prémonition sans doute du supplice qu’elles lui infligeront (selon la légende, Orphée a en effet péri déchiré et démembré par les sauvages prêtresses de Dionysos)… 

-    Et enfin au centre, l’imposante stature du Minotaure, qu’avait occis son ami Thésée, mais qui resurgit ici du Tartare en portant la dépouille d’une Licorne… Peut-être le symbole du triomphe de la violence passionnelle sur l’amour chaste ? Car c’est certainement sous l’emprise de la passion qu’Orphée, n'y tenant plus, s’est retourné trop tôt…

Comme les lecteurs l'auront facilement reconnu, ma peinture est une composition synchronistique, instaurant un dialogue intime entre Poussin et Picasso.

De Picasso, viennent :

-    le Minotaure sortant de la grotte et l’image d’Eurydice sous le voile (Le Minotaure et jument morte devant une grotte, 1936, gouache et encre de Chine - 50x65 cm Musée Picasso, Paris - C’est en fait sa femme Marie-Thérèse, dont il se détache à cette époque au profit de Dora Maar, qui est évoquée sur sa gouache par Picasso)


-    le personnage à tête de griffon, à gauche, qui dérive de « La dépouille de Minotaure en costume d'Arlequin », que Picasso avait conçu, également en 1936, avec Luis Fernandez, pour la pièce "14 Juillet" de Romain Rolland


-    Le cortège des Ménades, qui est une réinterprétation d’un fragment de « La Bacchanale » - août 1944, aquarelle et gouache sur papier 30,5x40,5 cm (second état), collection privée - elle-même réinterprétée par Picasso à partir du « Triomphe de Pan » de Nicolas Poussin (National Gallery, Londres)


De Nicolas Poussin viennent :

-    Le paysage de fond, adaptation du « Paysage avec Orphée et Eurydice », 1650-1653, huile sur toile, 124 x 200 cm (Louvre)


-    L’Orphée sortant de la gueule de l'enfer en se retournant; le personnage est repris du Joseph de « La Fuite en Egypte », 1657-58, huile sur toile 98x133cm attribuée à Poussin, conservé au musée des beaux-arts de Lyon


-    Et enfin, au second degré, à travers le premier filtre de Picasso, le cortège des Ménades du Triomphe de Pan...

Picasso admirait Poussin, et c’est justement sa Bacchanale, issue du Triomphe de Pan, qui marque en 1944 le début des séries faites à partir de tableaux des maîtres anciens, auxquelles se livra souvent par la suite le peintre espagnol.
De Poussin, il réinterpréta aussi L'enlèvement des Sabines.