présentation des peintures synchronistiques

jeudi, octobre 24, 2019

La peinture figurative a-t-elle encore un sens au XXIe s. ?

Ernest Pignon-Ernest - Pierre Lamalattie - Monika Ploghöft - Rémy Aron - Gilles Chambon - Igor Bitman
La fonction de la peinture, de l’antiquité jusqu’au XIXe s. avait été peu ou prou de représenter le monde, de fixer dans la mémoire sociale les événements, les personnages, les lieux, les mythes, et les symboles dont la transmission paraissait nécessaire à l’éducation, et à consistance de l’identité culturelle.
Et de Giotto jusqu’à l’impressionnisme, ce qui faisait pour chaque génération d’artistes une gageure et une affirmation de leur valeur, c’était la possibilité d’améliorer le rendu de cette réalité, tant en vérité qu’en beauté et en puissance suggestive, en s’appuyant sur les conventions de représentation existantes, mais aussi en s’efforçant de les faire évoluer.
Et à partir de la fin du XIXe s. cette quête de nouvelles formes et de nouveaux moyens de représentation a fini par prendre le pas chez les artistes sur le sujet même représenté. L’objet de la peinture est devenu alors l’expressivité de la peinture pour elle-même : elle a pu dès lors s’affranchir de la figuration, pour n’être plus qu’une savante déclinaison du travail de l’artiste (cubisme, abstraction).
Et sans le cadre que constituaient la représentation et ses conventions, la fuite en avant vers de nouvelles formes, très riche et fructueuse au début (avant-gardes du début du XXe s.), a fini par s’emballer jusqu'à s’autodétruire.
Elle a été remplacée tantôt par la réalisation d’actes symboliques plus ou moins stupides (art conceptuel post-duchampien), tantôt par l’utilisation snobe de formes de représentation populaires - street-art, BD, lowbrow -, récupérées, détournées et amplifiées jusqu’au grotesque (pop art de Warhol, kitsch de Koons ou de Murakami), ou reliées à un message militant, de façon à légitimer leur emploi (Banksy).
Cependant, parallèlement à cette expression artistique obsédée par l’attitude de l’artiste, et vidée de toute transcendance, de toute poésie, de toute utopie imaginative, on constate un engouement de plus en plus grand du public pour les musées, qui sont les conservatoires de ce que fût la peinture avant son naufrage dans ce qu’il est convenu d’appeler l’Art Contemporain.
Il y a donc bien toujours un désir et un plaisir à regarder des œuvres qui mettent la virtuosité artistique au service d’une image fixe chargée de sens, d’évocations multiples, et où le travail de l’artiste est d’abord la recherche d’une forme de beauté.

C’est pourquoi je pense que la peinture savante doit retrouver sa place dans l’expression artistique du XXIe siècle. 

Reste à comprendre quelles images peuvent aujourd’hui susciter l’intérêt d’un large public, par leur poésie, mais aussi par leur nouveauté et par la pertinence du message artistique qu’elles délivrent. Le fait est que l’imaginaire culturel occidental n’a plus l’homogénéité qu’il avait aux siècles passés. La mondialisation, l’affaiblissement des repères humanistes traditionnels, et leur contamination par les valeurs de la société de consommation, ont provoqué un éclatement de la culture de masse, diluée et fragmentée au hasard des parcours individuels, et soumise aux errements des modes qui produisent des imaginaires sans consistance et sans exigence artistique.
Les peintres contemporains ont donc à réfléchir sur ce qui peut entraîner l’adhésion et recréer le ciment d’une culture artistique commune. 
Dans cette entreprise, il me semble que le ressourcement est une étape essentielle. En effet les artistes, pour créer, doivent dialoguer avec les grands textes et les grandes œuvres qui ont jalonné l’histoire de la culture et de la pensée moderne. L’imaginaire artistique collectif se construit sur l’écume des siècles, et non sur les gadgets qui marquent le présent dans ce qu’il a de plus superficiel. L’image fixe est quelque chose qui s’inscrit dans la durée, et qui par nature tente d’échapper au temps qui passe. 

Voilà donc la règle à suivre : construire des images qui nous parlent de tout ce qui s’enracine profondément dans la culture de notre civilisation plus que millénaire, et qui cherchent la façon dont cet enracinement peut produire de nouvelles pousses artistiques, tournées vers les lumières du monde d’aujourd’hui, attachées à son ré-enchantement, après l’hiver doctrinal des conceptualisme, minimalisme, actionnisme, et autres transgressismes, vides de toute espérance... Et surtout vides de poésie.

J’ai pour ma part tenté d’ouvrir une voie en inventant la peinture synchronistique, dont l’objectif est de donner une figuration insolite à des thèmes liés à l’imaginaire occidental, en rapprochant et réinterprétant des fragments issus de peintures de différentes époques, utilisés comme phrases picturales de base. Bien d’autres chemins peuvent être trouvés par les peintres d’aujourd’hui pour ré-enraciner et ré-enchanter la peinture, et j’exhorte tous mes amis peintres à abandonner leurs recherches souvent trop idiosyncrasiques (trop autocentrées) pour se lancer dans cette ambitieuse quête d’un renouveau figuratif à portée universelle.

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