Gilles Chambon, La tentation de Saint Aintoine, huile sur toile, 80 x 80 cm, 2006 |
Ce sujet a été très apprécié par les peintres depuis Jérôme Bosch, parce qu’il se prête a la représentation des délires de l’imagination, où convergent les monstres pittoresques sortis des contes de l’enfance, et les symboles de sexualité, omniprésents dans l’esprit d’Antoine torturé par une trop longue solitude. Dans ma peinture, Saint Antoine est à l’intérieur d’une grotte qui n’est autre que la caverne intérieure de Platon, où viennent se projeter les reflets déformés d’une réalité à jamais inaccessible. Dans une caverne, l’ombre des torches crée des fantômes ailés, et le moindre relief ainsi éclairé capte l’imaginaire et entraîne les visions délirantes : la forêt de stalactites et de stalagmites devient une ville extraordinaire, l’ombre même d’Antoine devient un spectre féminin à tête d’oiseau. Malgré l’image positive que la tradition catholique nous en a transmise, et qu’a immortalisé Flaubert, Antoine est ici un SDF, déchu de tout statut social, qui vit dans la crasse (comme en témoigne sa promiscuité avec le cochon). Il tente d’oublier sa déchéance en s’adonnant à la boisson, comme le font beaucoup de clochards, et cela facilite grandement ses visions. Ce qui sauve Saint Antoine est justement la qualité de son imagination délirante ; ainsi le tire-bouchon devient facilement un crucifix, et lui rappelle que le vin est bien « un petit Jésus en culotte de velours qui descend dans l’estomac ». Il comprend que ce breuvage sacré peut être à la fois Dieu ou le diable, ce dernier n’étant en définitive que la déformation délirante du premier, comme les visions de la caverne sont la déformation de la réalité. On peut alors supposer que fort de cette découverte, il trouva l’énergie pour prêcher ces mystères, et il ne serait pas impossible que parmi son auditoire de plus en plus nombreux, figura le non moins célèbre saint Emilion… Mais ceci est une autre histoire.
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