présentation des peintures synchronistiques
dimanche, octobre 15, 2006
ART ET SURNATUREL
Sous quelles formes ce que l’on appelle le surnaturel peut-il entrer dans notre philosophie et dans notre mode de vie ? Mais d’abord qu’est au juste le surnaturel ?
C’est évidemment tout ce qui n’est pas explicable par les mécanismes physiques et chimiques, tels que les a d’abord perçus l’observation empirique, puis que les sciences modernes ont modélisés. Ce sont :
- soit des phénomènes rares,
- soit des phénomènes ambivalents, qui sont très nombreux en particulier dans les manifestations du vivant en général, et de la psyché humaine en particulier.
Ambivalents, cela veut dire qu’ils ont un degré de complexité important, des contours flous, et des significations instables.
- Tout ce qui est déclaré par la science « phénomène aléatoire », peut aussi être rattaché à une sorte de parole naturelle (ou surnaturelle) qu’il est possible d’interpréter si l’on possède les arcanes des savoirs divinatoires. Ces savoirs sont par définition non scientifiques, et donc sujets à caution. Mais il n’en reste pas moins que cette sourde sensibilité synthétique, qui perçoit les relations mystérieuses qu’entretiennent tous les phénomènes du monde réel, cette sensibilité fait partie de notre esprit, comme on peut dire qu’elle a toujours joué un rôle dans les lentes métamorphoses des êtres vivants, depuis l’origine. C’est elle qui a présidé au développement de la pensée totémique et de la pensée religieuse ; mais dans le monde moderne, c’est aussi elle qui entre en jeu dans l’attrait mystérieux que l’on éprouve pour l’art et pour la poésie.
Disons, pour simplifier, que depuis la préhistoire jusqu’à l’aube contemporaine, et par l’intermédiaire de l’animisme, puis des religions à dogme, ce flux surnaturel qui nous traverse a été institué en système d’explication logique du monde, donc établi dans une relation fusionnelle avec la rationalité.
Le développement de la pensée scientifique a pourtant peu à peu consommé le divorce entre ces deux systèmes dynamiques de notre esprit que sont la pensée rationnelle et la pensée « magique » (que l’on pourrait encore appeler pensée poétique, ou pensée transversale). Divorce violent et non divorce à l’amiable, puisque, dans un premier temps, l’institution religieuse chrétienne a jeté l’anathème sur la science et ses découvertes sacrilèges, et que dans un second, non encore terminé, c’est la science qui a dénié toute légitimité à la pensée magique dans la connaissance du monde.
Il est grand temps aujourd’hui de calmer le jeu, et de montrer que si ces deux dynamiques de pensée ne peuvent plus être intimement unies comme elles le furent par le passé, elles n’en doivent pas moins se respecter mutuellement, et trouver un nouvel équilibre de leur relation au sein de la psyché. Toutes deux sont légitimes, parce qu’elles développent en nous une meilleure appréhension du monde :
- la science rationnelle comme connaissance des moyens (mécanismes de causalité),
- la conscience magique comme connaissance des champs de cohérence, des finalités (intentions – ou dynamiques - naturelles, significations globales).
Il faut aussi comprendre que ces deux aspects de la pensée humaine ne se développent pas sur les mêmes qualités :
- la pensée rationnelle se fonde sur la logique, la méthode, la discrimination des objets ;
- la pensée magique se fonde sur l’analogie, l’intuition, la polysémie et la résonance des formes.
L’une déconstruit pour comprendre l’intérieur, l’autre admire et se synchronise, pour comprendre par empathie. L’une offre une vérité unique mais à jamais évolutive, l’autre offre une vérité plurielle et infiniment mobile.
Notre monde occidental se meurt de n’avoir conçu, pour organiser et développer la pensée magique, aucun renouveau institutionnel en phase avec le développement global de la société. Cette pensée, autrefois si puissante, est soit reléguée dans l’appareil moribond et anachronique des religions historiques, soit pourchassée, quand elle s’accroche au discours véreux des sectes, soit encore morcelée, éparpillée, décomposée, et parfois pervertie, quand elle se fixe sur des pratiques artistiques et poétiques individuelles, dont l’unique but social semble être aujourd’hui la recherche d’une aura médiatique (cela justement parce qu’on ne leur reconnaît plus de véritable légitimité). Et pourtant tout indique que les musées et les monuments artistiques font l’objet d’une ferveur sans cesse grandissante, de la part d’un public de plus en plus nombreux.
C’est, j’en suis persuadé, l’art et la poésie, qui dans notre société moderne, doivent assumer -et assurer - le développement de la pensée magique. Mais encore faut-il que les artistes en prennent conscience, et ne s’enlisent plus dans les ornières conceptuelles, ou ne se fourvoient plus dans la frime branchouille, tels des bateleurs ou des camelots. L’art et la poésie doivent renouer avec la passion de la beauté, avec la force de l’imaginaire, avec la recherche d’une empathie profonde envers les dynamiques sous-jacentes qui illuminent le monde. Il ne s’agit évidemment pas de constituer de nouveaux dogmes, un nouveau clergé, ou même un quelconque sacerdoce artistique. En se dissociant de la pensée rationnelle, la pensée magique s’est aussi libérée de toute visée opérative. Elle s’est ouverte à une infinie diversité, à la liberté qui sied aux activités créatrices. Mais pour qu’émergent de toute cette création polymorphe, une compréhension plus profonde et plus intense des mystères de l’univers, et une ferveur partagée et enthousiaste, il faut que le mouvement brownien des œuvres individualistes finisse par se synchroniser et donner naissance à une communauté de l’art, de la poésie, ou de la magie (appelons-la comme on veut, aucun des termes n’étant vraiment adapté). Cette communauté sera comparable, par ces synergies et son importance dans le monde moderne du XXIe siècle, à la communauté internationale des scientifiques, qui elle s’est constituée depuis le XVIIe siècle.
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