présentation des peintures synchronistiques

dimanche, septembre 01, 2013

La joyeuse compagnie






Gilles Chambon, "La joyeuse compagnie", huile sur toile 81 x 50cm, 2013

Rencontre du passé et du présent, de Vérone et de Saint Emilion, union improbable et joyeuse de personnes issues d'horizons différents, mais réunies par le lien familial, le goût du bonheur, et le plaisir des sens.
Ce tableau, qui montre une partie de ma famille, est au demeurant une commande d’un parent par alliance.
C’est aussi un hommage à Jan Steen, peintre leydois du XVIIe siècle, qui aimait intégrer les membres de sa famille dans ses compositions dont les sujets étaient le plus souvent des scènes festives et des anecdotes de la vie quotidienne. Ses peintures (on en connaît aujourd’hui quatre cents, mais il en réalisa au moins le double) sont généralement truculentes et rayonnent des couleurs de la vie ; cependant sous la spontanéité des moments relatés, se cachent toujours quelques allusions discrètes ou humoristiques rappelant les faiblesses humaines, le temps qui passe, la vanité des richesses, et l’évanescence des plaisirs terrestres… Mais qu’importe ! La magie de son pinceau a su conserver et transmettre au-delà des siècles l’intensité de moments rêvés et d’instants de bonheur disparus.

jeudi, août 08, 2013

BHL : Les (scabreuses) aventures de la vérité

BHL présentant la petite sirène aux philosophes martiens venus visiter son expo et patauger comme lui dans les bassins de la Fondation Maeght.

Vernissage de l’expo « Les aventures de la vérité » montée par BHL à la fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence :

« Pierre Bergé à ses côtés, suivi d’Olivier Kaeppelin, directeur de la fondation, et d’Adrien Maeght, le commissaire BHL, en maître des lieux, dévoile  à ses invités éblouis de salle en salle les 160 œuvres de son exposition {…} Olivier Kaeppelin, les galeristes Pierre Nahon, Daniel Templon, Jerôme de Noirmont et Kamel Menour, lui emboitent le pas {…} Seul grand absent: François Pinault, ami intime et père spirituel de BHL, retenu en Chine. {…} Claude Lanzman arrive, suivi de l’architecte Jean Nouvel, de l’artiste Bernar Venet et du maire de Nice Christian Estrosi. Jean-Pierre Elkabbach et Nicole Avril s’attardent sur une toile tandis que Johnny Pigozzi, à son habitude, prend en photos les invités. La maison d’édition Grasset, Olivier Nora en tête, est au grand complet. Avec Jean-Paul Enthoven* et Gilles Herzog, l’incontournable garde rapprochée de BHL n’est pas loin. Gérard Garouste, avant de prendre la route du Cap-Ferret pour assister au mariage de la fille de Philippe Stark, me parle de ses premiers pas d’acteur aux côtés de Catherine Deneuve dans «Elle s’en va» » (citation extraite de http://www.parismatch.com).
* père de Raphaël.

Pas de doute, il y avait là du beau linge (même si les philosophes martiens étaient repartis) ; et on est en droit de se demander quelle vérité inavouable se cache derrière cette expo très branchée.

Mais d’abord interrogeons-nous, comme le souhaite ouvertement notre commissaire philosophe, sur cette notion aventureuse de vérité, en nous gardant évidemment de faire une dissertation en règle avec citations chipées à droite et à gauche.

Commençons, pour traquer le mystérieux concept, par sa manifestation la plus facile à appréhender, la vérité historique.

La vérité de l’histoire tient à la reconstitution du réel passé, au plus près des faits. Mais il y a toujours des trous dans l’information qui parvient jusqu’aux historiens, et des documents divergents, voire même contradictoires…. Alors, la quête légitime de la vérité historique est condamnée à ne donner qu’une vérité toute relative. Les historiens doivent naviguer toujours entre deux écueils, ou, si l’on préfère, entre deux acceptions de la vérité :
  •     Soit ils se contentent de l’aridité d’une histoire descriptive, d’une simple relation de faits, sans récit reconstitué, et donc sans parti pris ; mais la vérité ne suppose-t-elle pas une compréhension plus globale ?
  •     Soit au contraire ils croient pouvoir restituer un sens caché dans la succession des épisodes de l’histoire, et ils réinventent un enchaînement de causes et d’effets. Ils débouchent alors sur une vérité visionnaire, apte à asseoir les espoirs du futur sur le sens des événements passés. Vérité noble éclairant l’action, vérité engagée, et donc seule vérité qui vaille, au regard de l’Histoire avec un grand H. Mais le récit visionnaire ne débouche en définitive que sur une vérité ad hoc, donc une vérité manipulée, qui s’apparente davantage au mensonge idéologique qu’à la compréhension impartiale du réel !

En art ou en philosophie, c’est encore plus compliqué. Et d’ailleurs la majorité d’entre nous, malgré les efforts qu’ont pu faire jadis nos profs de philo, ne voit plus très bien de quoi il s’agit, et à vrai dire, s’en contrefiche.

Laissons donc aux spécialistes le soin de démêler l’écheveau de cette belle idée, qui a sans doute fait beaucoup plus de tort que de bien à l’être humain. Lequel, comme nous le savons, adore se mentir à lui-même, et accessoirement aux autres.

Pour parler du concept de vérité, nous n’allons donc pas finasser, et nous nous contenterons d’affirmer que la vérité, en gros, c’est le réel (en art, ce serait, de fait, ce qui montre le mieux le réel). De cette équivalence fondamentale  vient la fable philosophique, rebattue et simpliste, qui oppose d’un côté les idéalistes platoniciens, c’est-à-dire ceux qui pensent que le réel véritable est dans le monde des idées ; pour eux les peintres et les artistes en général, rois du faux-semblant, ne peuvent par conséquent rendre compte de la vérité (ah ! si Platon avait connu Buren et son concept de rayure de 8,7 cm !). De l’autre côté, il y aurait les matérialistes, empiristes de toutes obédiences, ceux qui ne croient qu’à ce qu’ils voient et touchent, à ce qu’ils peuvent dessiner ou soupeser, et qui de fait n’ont rien contre les peintres, pourvus qu’ils soient fidèles à la vérité de leur observation.

On pourrait disputer longtemps de qui a raison ou tort, mais c’est là finalement un faux débat. La vraie question est de savoir si nous partageons bien tous la même réalité. Et là, ça se complique : la notion de réel, et donc de vérité, devient très glissante : en effet, est-on en présence du même réel si l’on est un vibrion cholérique, une paramécie, un dinosaure, un chimpanzé, BHL, Jésus-Christ, ou une femme de ménage ? Entre le vibrion et la paramécie, passe encore, mais entre BHL et une femme de ménage, là, le réel de l’un et de l’autre n’ont évidemment plus grand-chose de commun. Alors, autant de réels et de vérités que d’êtres différents, sauf à supposer un réel supérieur, celui d’une entité qui les comprendrait/superviserait toutes, qui baignerait dans un réel englobant toutes les choses et tous les êtres, de l’infime bestiole au plus savant philosophe, sur notre planète et aux confins de  l’univers, et même de tous les univers parallèles. Dieu, quoi. Lui (et lui seul) détient à coup sûr la Vérité.

À ce moment du raisonnement, il vaut mieux botter en touche et considérer que parmi toutes les petites vérités individuelles, il y en a quand même une qui vaut pour tous. Celle que, dans leur grand dévouement, nos scientifiques nous ont construite laborieusement brique par brique, siècle après siècle ; celle qui est non falsifiable, comme le disait Gödel. Certes, avec elle, on atteindra jamais la Vérité universelle, mais on sera maîtres de la vérité vraie du petit pré carré (de plus en plus grand) que les sciences dures ont réussi à mesurer et à modéliser. Manque de chance, cette vérité scientifique n’a pas grand-chose à nous dire sur les doctrines philosophiques. Laissons donc tomber la philosophie, et recentrons nous sur la vérité artistique.

Pour elle, les scientifiques n’ayant rien à nous dire non plus, je crains que nous soyons contraints à rester sur le vieil adage : « à chacun sa vérité ». Surtout depuis le XXe siècle, où l’on a pu voir que chez les artistes, ça part dans tous les sens, quand ça ne part pas carrément en quenouille !
Chaque créateur semble porter le petit drapeau de sa vérité intérieure, qu’il cherche désespérément à vendre. Les critiques d’art tentent alors, avec des efforts conceptuels surhumains – qui les poussent parfois jusqu’à l’incompréhensible, de rassembler les plus belles têtes du troupeau artistique,  la vérité de l’élection au rang d’artiste contemporain important, valant évidemment pour tout le monde. Ils laissent bien sûr sur le bord du chemin de la gloire les brebis égarées, galeuses ou pas, qui n’ont plus qu’à se refermer sur leur vérité étriquée. Et dans tout ce jeu, les amateurs, esbaudis par la profondeur des raisonnements de nos critiques et philosophes, opinent du chef, et se rallient au main stream ; à moins qu’ils se renfrognent, mais sans oser le dire, sur leur goût ringard petit bourgeois.

En fait, chacun cherche un récit valorisant pour justifier ses préférences, sa vérité artistique. Et je dois avouer que la vérité artistique de BHL n’est pas du tout la mienne ! Le récit qu’il raconte n’est pas mon récit. Lui, comme l’avait déjà fait il y a un siècle Marcel Duchamp, sépare résolument l’art de l’esthétique, préférant le voir comme un combat glorieux pour la vérité (concept glissant qui permet tous les dérapages). Il ne croit plus à « ce qui plaît universellement sans concept » (la vérité du jugement de goût selon Kant). Fin de l’absolutisme. Rideau sur l’art du beau (sauf pour les artistes des siècles passés, ça ne mange pas de pain), et cap sur le vrai. Pas le vrai scientifique, mais le vrai de notre société, le vrai qui a du sens, quoi !

OK pour le sens. Mais je crois pour ma part que le sens, dans un monde relativiste, peut, sans trop caricaturer, se résumer aux deux termes d’une alternative :
  1. Fait sens ce qui fait lien ; alors en art, toutes les chapelle des avant-gardes, et tout l’art contemporain dans notre monde globalisé d’aujourd’hui, sont autant de bannières qui relient glorieusement leurs adeptes « progressistes » autour d’un sens nouveau de l’art.
  2. Fait sens ce qui transcende les clivages, et donc ce qui éloigne des chapelles et du lien partisan. Quoi, par exemple ? En musique, Vivaldi, Mozart, Schubert…. Les Beatles ? En art plastique, Dürer, Léonard, Rembrandt…. Disney ? Qu’est-ce à dire ? Serait-on tombé si bas, depuis le XXe siècle, que l’art savant d’aujourd’hui aurait démissionné devant l’art populaire, et ne pourrait plus emporter l’adhésion du plus grand nombre ? Mais l’a-t-il jamais fait ? Un charcutier et un paysan du XVIIIe siècle, qui n’avaient reçu aucune instruction, étaient-ils en mesure de voir une différence entre une gravure de Goya et une image d’Epinal ? Non, bien sûr.

Alors il faut bien admettre que le temps décante l’art, et que les grands créateurs du passé, qui travaillaient pour la noblesse et les classes aisées, seules cultivées, plaisent maintenant à la plus grande partie des catégories « scolarisées », c’est-à-dire des classes moyennes. Peut-on en déduire que nos artistes conceptuels d’aujourd’hui, qui ne sont réellement appréciés que par les grands financiers, les intellectuels engagés (comme BHL ou Olivier Kaeppelin),  par pas mal de snobs aussi, et par quelques maniaques fondus du bizarre et de la nouveauté, peut-on en déduire qu’ils plairont  forcément demain au plus grand nombre, notamment quand les yeux des foules auront été dessillés par les expositions des FRAC ?

Les partisans d’une répétition de l’histoire, ceux qui rigolent en rappelant combien les impressionnistes étaient décriés de leur temps, pensent que oui. Ceux, dont je fais partie, qui continuent obstinément de croire que le monde peut être sublimement beau, pensent le contraire ; car la beauté surgit rarement dans les œuvres de ceux qui font profession de ne plus la rechercher (à moins qu’ils mentent et qu’ils la cherchent encore).

Mais revenons à notre exposition. Sous couvert de nous raconter une bataille en grande partie imaginaire entre philosophie et art, à propos de la vérité, BHL raccroche autour de sept thèmes/séquences inventés par lui, des tableaux anciens et des œuvres contemporaines. Outre le plaisir érudit qu’il a certainement pris pendant deux ans à phosphorer sur des convergences improbables et à rechercher des œuvres qui avaient marquées sa jeunesse - et dont je reconnais volontiers l’intérêt - il a aussi, à l’insu de son plein gré, cherché autre chose : bien enfoncer le clou de l’équivalence des temps en art, et ainsi, faire en douce la promotion de ces amis mécènes ou artistes de l’art estampillé contemporain ; sans oublier bien sûr, sa propre promotion…. Mais sans cela, BHL ne serait plus BHL…. La vérité si je mens !

La rencontre convenue, sur les cimaises de la Fondation Maeght, d’un Christ de Bronzino et du Crisis X de Basquiat - qui n’ont au demeurant absolument rien à se dire, montre s’il en était besoin, que BHL a définitivement tourné le dos à la formule de Lautréamont concernant la beauté provoquée par "la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie "– qui eux, je vous l’assure, ont énormément à se raconter, et à nous apprendre (cf. Cl Levi-Strauss, Le Regard éloigné, 1983, Plon, pp. 328-329).

dimanche, août 04, 2013

L’artiste dans son atelier

Gilles Chambon dans son atelier près de St Emilion, août 2013
 Pour les vacances, je vous propose un petit jeu hyper-facile : voici 22 noms d’artistes-peintres, dont 20 célèbres et 2 peu connus, et, en suivant, 22 photos de ces peintres dans leur atelier. Saurez-vous les reconnaître tous ?
(réponses en fin d’article)


James Rosenquist
Amedeo Modigliani
Edvard Munch
Francis Bacon
Paul Klee
Henri Rousseau
David Hockney
Salvador Dali
Max Ernst
Alain Bergeon
Kiko la Paluche
Nicolas de Staël
Albert Marquet
Claude Monet
Auguste Renoir
Maurice de Vlaminck
Henri Matisse
Lucian Freud
Camille Pissarro
Felix Ziem
Raoul Dufy
Giorgio de Chirico
A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

N

O

P

Q

R

S

T

U

V

Réponses :
James Rosenquist: I,  Amedeo Modigliani: N  Edvard Munch: P,  Francis Bacon: C,  Paul Klee: J,  Henri Rousseau: S,  David Hockney: G,  Salvador Dali: F,  Max Ernst: M,  Alain Bergeon: B,  Kiko la Paluche: T,  Nicolas de Staël: U,  Albert Marquet: L,  Claude Monet: O,  Auguste Renoir: A,  Maurice de Vlaminck: V,  Henri Matisse: D,  Lucian Freud: K,  Camille Pissarro: Q,  Felix Ziem: H,  Raoul Dufy: R,  Giorgio de Chirico: E.

mercredi, juillet 31, 2013

La citadelle de Villefranche-sur-Mer : un paysage exalté par sa fortification


Jean Cocteau, fresques de la chapelle St Pierre à Villefranche-s-Mer, 1956, détail de l'abside représentant la citadelle
La rade de Villefranche-sur-Mer, à côté de Nice, offre un site remarquable, une anse protégée par la presqu’île du Cap Ferrat, et surmontée au nord par les contreforts des Alpes. Elle fut utilisée dès l’antiquité par les Grecs et les Romains, sous la dénomination d’Olivula Portus.

Plan de la rade de Villefranche, 1699, BNF, source Gallica

Squattée par les pirates au début du Moyen-Âge, la rade est reprise et sécurisée par les comtes de Provence qui y installent une population fixe à la fin du XIIIe siècle, en créant une ville franche (exonérée de taxes), comme cela se pratiquait souvent à cette époque. Un siècle plus tard, après des guerres intestines entre les Anjou et les Duras, prétendants à la souveraineté des terres niçoises, une dédition est finalement accordée au duc de Savoie. Villefranche devient son port militaire et commerçant. La ville est la seule porte maritime des États de Savoie jusqu'à la construction du Port de Nice au XVIIIe siècle ; elle tire ses revenus de tous les navires marchands accostant au port (droit de Villefranche).

À la suite de l'occupation, en 1543, de la rade par la flotte franco-turque commandée par Khayr ad-Din Barberousse, le duc Emmanuel-Philibert de Savoie ordonne sa fortification. Le fort du mont Alban et la citadelle Saint-Elme vont être mis en chantier. Le port de la Darse est aussi aménagé à côté pour abriter la flotte des galères. Le plan de la citadelle St Elme est confié au milanais Gian Maria Olgiati « supremo ingeniero » et principal architecte de Charles Quint, présent dans le comté de Nice dès 1550. Benedetto Ala, ingénieur et architecte, collaborateur d'Olgiati, est le principal artisan de la construction de la citadelle. Il est appuyé par une équipe d'ingénieurs : Domenico Ponsello, Pietro Boiero, Orazio et Francesco Paciotto.

Plan ancien de villefranche et de la citadelle St Elme, source Gallica

Le Mont Alban et la citadelle St-Elme sont construits selon les nouvelles normes de fortification. À partir de 1430 était intervenu en effet un élément déterminant et révolutionnaire pour la construction des forteresses : l'apparition à peu près simultanée de pièces d'artillerie légères et puissantes, d'affûts plus maniables et de projectiles en fonte ou en bronze, capables de disloquer rapidement la maçonnerie des murailles traditionnelles. Les ingénieurs, après de nombreux tâtonnements, élaborèrent un nouveau type de fortifications reposant sur deux grands principes : le rempart rempli de terre et le tracé bastionné sans angle mort ; deux principes qui s'illustrent parfaitement dans la citadelle St Elme et le Mont Alban.

La citadelle de Villefranche a été achevée en 1557, et elle marque encore aujourd’hui de manière magistrale le paysage de la rade. Si sa conception défensive s’est vite montrée obsolète, la façon subtile qu’elle a d’adapter un quadrilatère bastionné aux éléments topographiques en font un objet paysager complexe, riche de mille points de vue et perspectives, l’associant à la fois à la rade, à la cité, et aux montagnes voisines. Les murs inclinés des bastions, aux angles arrondis surmontés d’échauguettes, la composition en terrasses et en masses, les corps de bâtiments multiples, le fossé périphérique creusé comme un ravin, les contrescarpes offrant une multitude d’angles et de talus qui taillent des ombres obliques, tout concourt ici à la magie subtile qui fait converger l’art et le lieu.

Vue aérienne de la citadelle St Elme, prise depuis de sud-ouest

Mais cependant cette magie est moins perceptible aujourd’hui : l’urbanisation a mis une barrière entre les flancs de collines et la forteresse, le fossé est devenu une route, et les contrescarpes et les terrasses ont été envahies par les arbres. Du coup la plupart des perspectives ont disparu. Il faut donc se tourner vers les témoignages plus anciens, ceux des peintres et des photographes qui, depuis le début du XIXe siècle jusqu’à la seconde guerre mondiale, ont immortalisé Villefranche.

Huile sur toile de Maxime Boulard de Villeneuve - datable entre 1920 et 1930. Elle  montre la rade vue depuis la contrescarpe du bastion sud-ouest de la citadelle, dont la terrasse est plantée d’un bouquet de palmier caractéristique (on le retrouve notamment sur la fresque de Cocteau, montrée en début d’article)
Carte postale 1926 prise du même endroit

On trouve sur Gallica, le site de la BNF, plusieurs photos anciennes de Villefranche et de sa citadelle. Les nombreuses cartes postales rendent compte aussi de l’attractivité qu’exerçait la rade où la flotte militaire a mouillé jusque dans les années 50. En voici quelques exemples :

Bateaux de guerre français, anglais, et américains, en rade de Villefranche, en oct. 1879, source Gallica
Rade de Villefranche, photo de 1883, détail, source Gallica
Darse de Villefranche, hiver 1892, détail d’une photo, source Gallica
La citadelle St Elme, bastion nord-ouest, source wikimedia
Photo de la rade de Villefranche en 1914, détail, source Gallica
Combat naval fleuri, photo de 1931, détail, source Gallica
La rade de Villefranche, vue des hauteurs du Castellet, photo source Gallica
Le bouquet de palmiers de la citadelle St Elme, vu de la contre escarpe, photo 1914, source Gallica
Vue de la rade avec bateaux de guerre au mouillage, photo ancienne

La première représentation picturale de la rade remonte sans doute au XVIIe siècle ; elle montre la citadelle Saint-Elme, la cité de Villefranche, et le fort du mont-Alban, en haut à gauche.

Dessin de la rade de Villefranche, XVIIe s ?,origine inconnue

Ces éléments seront repris sur les gravures romantiques et pittoresques du XIXe siècle (les vues étant prises depuis le cap-Ferrat ou les hauteurs de Castellet).

Gravure de 1812, source Gallica
Hercule Trachel, la rade de Villefranche, illustration d’un « voyage pittoresque » du XIXe s.

Au XIXe siècle, les peintres locaux Hercule Trachel, Augustin Carlone, Jacques Guiaud, Emmanuel Costa, et Victor Sabatier multiplieront les points de vue, souvent plus rapprochés, ne cherchant plus forcément à intégrer dans la même image l’ensemble des éléments emblématiques de la rade, mais, en bons peintres paysagistes, recherchant l'effet pictural.

Hercule Trachel (1820-1872), la citadelle St Elme et la rade, aquarelle
Augustin Carlone (1812-1873), villefranche, aquarelle, Bibliothèque de Cessole, Nice
Jacques Guiaud (1810-1876), Villefranche, aquarelle
Emmanuel Costa (1833-1921), Villefranche, aquarelle
Victor Sabatier, Vue de Villefranche, 1879, Dessin à l'encre noire et lavis d'encre à la sépia

À la fin du siècle, Eugène Boudin, malade, alla s’installer à Villefranche. On lui doit plusieurs beaux tableaux qui mettent en scène la rade depuis quelques points du rivage, au pied de la cité ou à proximité immédiate.

Eugène Boudin, Rade de Villefranche, le port
Eugène Boudin, Quai à Villefranche
Eugène Boudin, Rade de Villefranche,1885
Eugène Boudin, Rade de Villefranche, et Rade vue du quai de la Marine, 1892

Les peintres post-impressionnistes seront ensuite nombreux à s’intéresser au paysage villefranchois. Quelques peintres du pays niçois comme Raymond Thibésart, Raymond Tournon, ou Augustin Carrera, et beaucoup de peintres de passage, ayant séjourné dans la région plus ou moins longtemps. Parmi eux Henri Lebasque, devenu peintre de l’armée, la collectionneuse et artiste Anna Boch, Maxime Boulard de Villeneuve (peintre qui demanderait à être redécouvert), mais surtout Henri le Sidaner, qui a su rendre avec un grand raffinement chromatique le scintillement lumineux de la rade vue depuis ses fenêtres.

Raymond Thibésart vue de Villefranche
Anna Boch (1848-1936), Pêcheur devant le port de Villefranche-sur-mer, Huile sur toile
Augustin Carrera (1878-1952) Le port de Villefranche-sur-Mer, huile sur panneau
Raymond Tournon (1870-1919), Villefranche, la citadelle
Henri Lebasque (1865-1937), Rade de Villefranche vue de la fenêtre
Henri Le Sidaner (1862-1939), la rade de Villefranche vue de la citadelle
Henri Le Sidaner, Table et bouquet devant la rade de Villefranche
Henri Le Sidaner, Soleil dans la maison, Musée d’Orsay