la construction d'une maison antillienne, huile sur toile marouflée, G. C. 1988
« Ce qui compte absolument pour l’architecte antillien, c’est une connaissance détaillée de la vie de l’individu pour qui il construit. Car toute construction est considérée comme une consolidation du passé, une sorte de pose, un point de récapitulation qui permet à celui qui fait construire de prendre du recul, et de repartir dans son existence sur des bases plus claires. Une maison, c’est un rappel, un regard différent porté sur le passé ; un peu comme chez nous une psychanalyse. Il faut sonder l’être en profondeur pour réaliser une véritable demeure correspondant à cet être, à un instant donné. Évidemment, cette façon de procéder fait beaucoup appel au symbolisme.
On pourrait penser que cette architecture, étant très personnalisée, risque d’être très difficile à reconvertir, quand change le propriétaire. Plus difficile encore que l’architecture fonctionnaliste, si décriée chez nous, en raison de sa rigidité et de la difficulté qu’il y a à modifier sa destination lorsque changent les besoins ou les exigences. Mais nous sommes accoutumés à voir les choses avec beaucoup d’étroitesse ; les Antilliens, eux, distinguent très clairement l’acte de construire, d’édifier, et l’acte d’habiter, d’occuper un lieu et de se l’approprier. Si l’acte de construire peut se comparer à une psychanalyse, et donc à la décision de marquer une étape dans sa vie en instaurant une relation spéciale avec un thérapeute – ici l’architecte –, l’acte d’habiter, lui, relève de la quotidienneté. Il peut se comparer à n’importe quel lien affectif banal, qui se tisse, au fi l des événements de la vie, avec toutes sortes de personnes. Le lien psychanalytique précise une relation de l’individu à soi-même, tandis que le lien affectif habituel résulte d’une relation spontanée à l’autre. Ainsi sur Antillia, l’architecte seul peut rendre possible la construction d’une maison, qui est la matérialisation révélée de la relation du maître d’ouvrage à lui-même. Tandis que l’habiter ne nécessite aucune condition spéciale : il est possible à chacun, au quotidien, de personnaliser sa relation avec toutes les maisons qu’il est amené à occuper temporairement, même si elles ne correspondent pas du tout à ce qu’il aurait réalisé s’il avait eu la volonté de construire. » Souvenirs d’Antillia, conte philosophique, à paraître cet été aux éditions Amalthée.
présentation des peintures synchronistiques
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