présentation des peintures synchronistiques

vendredi, novembre 22, 2024

Hymne à la maternité

 

Gilles Chambon, Hymne à la maternité, huile sur toile 56 x 81cm, 2024

Depuis la nuit des temps, la vie se transmet, chez les mammifères, par un acte d'amour que le corps des créatures femelles est seul capable de transformer en une vie nouvelle. Cela est un merveilleux mystère, une magie faite d'attention, de douceur, et d'espoir. 

 

Le corps de la femme et celui de l'enfant, d'abord fusionnels pendant neuf mois, restent encore physiquement reliés après la naissance, par l'allaitement. Mais si le lait maternel permet au bébé de grandir, c'est bien sûr l'amour et la tendresse de sa mère qui l'arment pour affronter le monde. 

 

J'ai tenté dans ce tableau d'exprimer la beauté calme et intemporelle des mères aimantes avec leur bébé. Je les ai imaginées à partir de celles d'Anto Carte (1886-1954) et de Jean Souverbie (1891-1981), synchronistiquement associées à un paysage évanescent interprété d'une composition abstraite de Gérard Anezin (1948-2000).

mardi, novembre 12, 2024

Don Quichotte, la quête illusoire

 

Gilles Chambon, "Don Quichotte, la quête illusoire", huile sur toile 38 x 61 cm, 2024

Don Quichotte et Sancho Pança personnifient la quête illusoire d'aventures, de vérité, et de justice qui anime les âmes rêveuses, et leur fait souvent perdre le sens des réalités.

 

Leurs silhouettes opposées ont été imaginées par de nombreux peintres, parmi lesquels Fragonard, Goya, Delacroix, Gustave Doré, Daumier, Cézanne, Dali, Picasso, Masson, Hopper, etc... Mais c'est sans conteste les peintures d'Honoré Daumier qui ont fixé le stéréotype le plus actif dans notre mémoire collective.

 

C'est donc de lui que j'ai repris les personnages de mon tableau synchronistique. Et le moulin à vent qu'ils prennent pour un géant et s'apprêtent à combattre, est emprunté à Van Gogh. Mais il était important que la scène se déroule dans un paysage à même de générer des mirages. J'en ai donc composé un en interprétant une toile abstraite d'André Lanskoy, pour en extraire une virtualité figurative ; exactement comme de tout paysage réel, on peut faire surgir le mirage qui correspond le mieux à notre quête.

samedi, novembre 02, 2024

L'arbre de vie

 

Gilles Chambon, "Auprès de l'arbre de vie", huile sur toile 75 x 52 cm, 2024

L'arbre de vie, ou arbre cosmique, est un symbole universel que l'on retrouve dans toutes les traditions mythologiques, depuis le "pilier Djed" (arbre-monde) en Egypte, jusqu'à Yggdrasil chez les Vikings, en passant par l'"arbre de vie" du paradis dans la tradition judéo-chrétienne, et sans oublier tous les autres : le "Kien Mou" chinois, le "KisKanu" mésopotamien, le chêne oraculaire grec, l'arbre cosmique des chamans, etc...

Plus près de nous, Georges Brassens a aussi rappellé, dans sa célèbre chanson, qu'il ne faut jamais s'éloigner de son arbre !

 

Donc l'arbre de vie nous protège, et connecte le monde d'en haut avec le monde d'en bas ; il est l'arbre généalogique qui relie les générations, l'axe du monde autour duquel gravitent toutes les sociétés humaines. 

 

Dans ma peinture, j'ai emprunté cet arbre à Van Gogh, et je lui ai fixé pour tâche accessoire (et synchronistique) de relier deux peintres que j'aime : Christine Boumeester (1904-1971) et André Maire (1898-1984).

jeudi, octobre 03, 2024

Charybde et Scylla

Gilles Chambon, Charybde et Scylla, huile sur toile 50 x 65 cm, 2024


Charybde et Scylla personnifient deux grandes angoisses des navigateurs du monde antique : les maelströms et les récifs, qui pouvaient entraîner les pires naufrages... Alessandro Allori les a représentés au plafond du palais Portinari Salviati (Florence), dont les fresques illustrent l'Odyssée. Le navire d'Ulysse échappe à Charybde, énorme gueule vomissant des flots déchaînés, mais Scylla, représenté par un monstrueux chien à cinq têtes, dévore six de ses compagnons. 

Je lui ai emprunté ces deux monstres, ainsi qu'une barque et des sirènes issus de son tableau "Les pêcheurs de perles" (Palazzo Vecchio). Le tout s'intègre dans une composition abstraite d'Oliver Debré, que j'ai renversée et modifiée pour en faire un signe paysage, selon la dénomination qu'aimait employer le peintre lui-même.  

Quant à la signification de ma peinture, elle est facile à décrypter : toutes nos joies sont embarquées sur un frêle esquif qui doit slalomer entre les multiples dangers auxquels nous confronte l'existence. Ces joies sont parfois dévorées par les malheurs, mais peuvent aussi être renforcées par les perles imprévues que nous offre la vie.


mardi, septembre 24, 2024

L'esprit des générations à venir

 


Les générations qui viennent vont avoir une construction psychique très différente de la nôtre. En effet, la mémoire virtuelle, celle des disques durs qui conservent tout : images de leur enfance, images de leurs parents et grands-parents dans leurs contextes familiaux, sociaux, professionnels, avec toutes les reconstitutions et renseignements les rendant aussi présents dans leur représentation mentale que les parents et amis directs avec lesquels ils vivent...

 

Toute l'histoire récente (et plus tard tout ce qui ne sera pas préhistoire d'avant l'IA) devient rémanente, elle ne s'évapore plus peu à peu comme c'était le cas pour nous. Pour nous seuls restaient présents dans la mémoire les faits importants, les autres disparaissaient pour toujours, et sollicitaient l'imagination pour leur réinvention.

 

Nos chers descendants n'auront plus ce souci, ce plaisir ou cette peine. Ils n'auront plus besoin non plus de faire des choses extraordinaires pour rester gravés dans les mémoires. Il y aura une forme d'éternel retour nietzschéen, l'espace et le temps des autres sera toujours convocable à tout moment dans le présent de chacun. Je ne sais quelle forme d'esprit cela va donner, mais probablement très différents des nôtres. L'oubli est l'envers de la mémoire, et tous deux sont les faces janusiennes de l'imagination.

 

Dans la nouvelle psyché cependant, l'imagination ne disparaîtra pas : mais le facteur "oubli" sera remplacé par le facteur "choix" ; en effet, la mémoire tendant vers l'infini, c'est le choix parmi ses éléments qui forgera la forme d'imagination des générations futures. La différence est importante car la conscience de l'oubli s'accompagne toujours de nostalgie/mélancolie, tandis que la conscience du choix, elle, s'accompagne de doute.

 

Je ne sais donc ce que tout cela donnera... j'espère seulement que la poésie restera une clef de voûte dans l'expression de l'être.

dimanche, septembre 15, 2024

Le jugement de Pâris


Gilles Chambon, "Le jugement de Pâris", huile sur toile  66 x 120 cm, 2024
 

Tout le monde connaît la légende : Eris, déesse de la discorde, a promis une pomme d'or à la plus belle des déesses, et c'est Pâris, le prince troyen qui garde les moutons sur le mont Ida, qui est choisi par Zeus pour juger laquelle des trois postulantes Héra, Athéna, et Aphrodite doit remporter le titre. Jugement pipé puisque chacune l'a soudoyé en lui promettant l'une le pouvoir sur tous les hommes, l'autre la victoire à tous les combats, et la dernière, l'amour d'Hélène, la plus belle des mortelles. C'est évidemment Aphrodite qui est désignée par le jouvenceau : et conformément à sa promesse, elle permettra à Pâris d'enlever la belle Hélène, provocant la terrible guerre de Troie.

 

Les pommes ont toujours joué un rôle important dans l'imaginaire occidental : pommes tentatrice d'Adam et Ève entraînant leur éviction du paradis, pommes d'or du jardin des Hespérides dérobées par Héraclès puis restituées grâce à Athéna, pomme de discorde lancée par Éris, pomme de danger, visée par par Guillaume Tell sur la tête de son fils... auxquelles il faut ajouter la pomme d'amour entourée de sucre rouge, inventée vers 1900, et les fameuses pommes de Cézanne dont il dira, en faisant un clin d'œil au jugement de Pâris : "Avec une pomme, je veux étonner Paris !".

 

Pour mon "jugement de Pâris", synchronistique comme il se doit, j'ai donc emprunté trois pommes à Cézanne, et les ai placées sur la tête des déesses, incarnées par "trois femmes nues" (August Macke). Tel Guillaume Tell, un petit Cupidon, inspiré de Raphaël, aide Pâris à se décider, en visant l'une d'entre elles, qui sera forcément la pomme d'amour ! J'ai remplacé le mont Ida par un décor abstrait interprété d'une composition de Pierre Pen-Koat (né en 1945). Quant à Pâris, il fait directement référence au tableau de Nicolas Poussin sur ce thème.


jeudi, août 29, 2024

La conjonction de Vénus et de Vesta

 

Gilles Chambon, la conjonction de Vénus et de Vesta, huile sur toile 54 x 65 cm, 2024

La planète Vénus et l'astéroïde Vesta seront alignées dans le ciel, en conjonction, le 3 septembre 2024. Les déesses Vénus et Vesta représentent deux aspects diamétralement opposés de la féminité : Vénus personnifie la sensualité érotique, tandis que Vesta, déesse du foyer, incarne la bienveillance maternelle. Leur conjonction témoigne du mystère essentiel de la double nature féminine, et de la coexistence indispensable de ces deux qualités, que d'aucuns voudraient séparer.

 

Cette peinture synchronistique est donc un éloge de la conjonction paradoxale : Vénus et Vesta sont personnifiées par deux silhouettes d'Henry Moore (1898-1986), dans un décor où les univers de juan Gris (1887-1927) et d'Hubert Robert (1733-1808) paraissent inextricablement mêlés... La conjonction des deux astres, elle, est bien sûr inspirée des étoiles de Van Gogh (1853-1890).

samedi, août 17, 2024

C'est la lutte finale

 

Gilles Chambon, "C'est la lutte finale", huile sur toile 50 x50 cm, 2024

Héraclès terrassant Antée grâce au maintien hors-sol, c'est comme la lutte finale promettant la victoire de l'utopie moderniste sur la tradition. Le fils de Zeus vainc en effet le fils de Gaïa en l'empêchant de se ressourcer au contact de la terre, symbolisant le progrès humain rendu possible par une entrave aux vieilles recettes qui s'ancrent dans la glèbe millénaire.

 

C'est comme en art, où la peinture d'avant-garde du XXe siècle, qui veut faire table rase, asphyxie la représentation académique figurative, et pense l'avoir définitivement tuée. Mais elle-même finit aussi par s'éroder et son dernier avatar, sous le vocable d'art contemporain, se complait dans des procédés encore plus insipides et ressassés que ceux reprochés à l'académisme du XIXe siècle.

 

Alors imaginons que l'étreinte mortelle qu'Héraclès inflige à Antée se transforme miraculeusement en étreinte affectueuse ; que l'avant-garde s'unisse enfin à la tradition... C'est évidemment ce que tente la peinture synchronistique... Et ici, dans ce petit tableau, c'est en mêlant l'"Hercule et Antée"(1475) d'Antonio Pollaiolo, qui appartient à la tradition figurative, avec l'adaptation d'un tableau abstrait d'Albert Gleizes ("composition pour jazz", 1915), pris comme métaphore du combat artistique en marche au début du XXe siècle.

mardi, juillet 16, 2024

Temps et Vérité

Gilles Chambon, Le Temps et la Vérité, huile sur toile 65 x 46 cm, 2024
 

Temps et vérité sont liés : Sénèque disait que "le temps révèle la vérité", et plus tard Johannes Kepler et Francis Bacon utilisèrent la formule : "la vérité est fille du temps". Les artistes se sont abondamment emparés de ses sentences pour créer des allégories anthropomorphes en peinture ou en sculpture. 

Parmi elles, un dessin disparu du Bernin, dont une copie est au musée du Prado, a capté mon attention, et je m'en suis servi pour créer ma propre version de ce dévoilement de la vérité par le temps... 

 

Mais curieusement je ne suis pas sûr de la vérité de cette déclaration, le temps pouvant aussi brouiller les pistes, et instiller le doute. Comme ma peinture synchronistique brouille les pistes en mélangeant les temps... Toutefois, pour ceux qui veulent la vérité sur ce tableau, il associe au dessin de Bernin du XVIIe s., une composition abstraite du XXe s., due à d'Albert Gleizes, dans laquelle s'incruste une horloge empruntée à Giorgio de Chirico.

vendredi, juin 28, 2024

Les pensées d'Arlequin

Gilles Chambon, Les pensées d'Arlequin, huile sur toile 44 x 50 cm, 2024

Arlequin est un personnage familier de la commedia dell'arte, dont l'origine pourrait remonter aux mimes des certains spectacles ambulants dans la république romaine... 

 

Comme son costume, il a de multiples facettes, incarnant divers sentiments et attitudes avec humour, de façon kaléidoscopique, entre naïveté et roublardise. Watteau, Cézanne, et plus près de nous Picasso et les peintres de la première moitié du XXe s. lui ont rendu de beaux hommages.


Dans cette peinture synchronistique qui s'amuse à rêver sur l'ambivalence et l'humour d'Arlequin, j'ai détourné un dessin d'Edgar Scauflaire ("Portrait d’arlequin" 1938), et je l'ai placé dans un décor fait de facettes de couleurs, dérivé d'une peinture contemporaine (Jahb, "Matin d'été"). Ses pensées sont matérialisées par les célèbres "Petits Pois Sont Verts, Petits Poissons Rouges..." de Yves Laloy (1959, musée des Beaux-Arts de Rennes).

vendredi, juin 21, 2024

Un autoportrait au luth

 

Gilles Chambon, "autoportrait synchronistique au luth", huile sur toile 46 x 65 cm, 2024

Les portraits de personnages jouant du luth sont très nombreux au XVIe et surtout au XVIIe siècle... Le Caravage, Artemisia Gentileschi, Frans Hals, Hendrick Jansz Terbrugghen, Simon Vouet, et des dizaines d'autres peintres. Au XXe siècle, depuis le "vieux guitariste aveugle" de Picasso (1904), beaucoup de peintres, notamment cubistes, ont intégré guitare et parfois luth dans leurs compositions... 

Mon nouvel autoportrait synchronistique lève donc son verre pour rendre hommage à cette tradition, en s'appuyant sur un "joueur de luth tenant un verre de vin" de Frans Hals (1625-26), et sur une peinture de Louis Marcoussis ("nature morte devant un balcon" vers 1930) librement recomposée.

vendredi, juin 14, 2024

Découper les rêves

 

Gilles Chambon, "Rêverie découpée", huile sur toile 54 x 73 cm, 2024

Pendant le sommeil, les rêves découpent notre passé pour recomposer des histoires bizarres et mystérieuses... un peu comme les enfants qui découpent leurs revues pour inventer de nouvelles configurations. Les surréalistes, et particulièrement Max Ernst, faisaient ça aussi.

 

Dans cette peinture synchronistique, j'ai représenté ma fille aînée endormie pendant que son fils prépare un collage, sur un fond tiré d'une composition de Georges Valmier, qui est elle-même un collage papier avec gouache et encre ("Fugue", 1920, Guggenheim Museum). Ajoutons que G. Valmier est né en 1885 à Angoulême, là où habite aujourd'hui ma fille et ses enfants ! Clin d'œil synchronistique !

jeudi, mai 23, 2024

Face à face, jeunesse et vieillesse

 

Gilles Chambon, "Avant et après, tôt ou tard", huile sur toile 50 x 65cm, 2024

La jeunesse et la vieillesse se regardent, mais le gouffre de la vie les sépare. 

 

Dans ce tableau synchronistique, la jeunesse est incarnée par une fille nue issue d'une de mes anciennes toiles représentant Vénus, et la vieillesse par la réinterprétation d'un croquis aquarellé de Van Gogh (musée Van Gogh, Amsterdam). Quant au monde interposé entre elles deux, il est construit sur la fusion de deux œuvres, l'une de Serge Charchoune (1888-1975) et l'autre de Christine Boumeester (1904-1971).

lundi, mai 13, 2024

Chevalier contre dragon

 

Gilles Chambon, Chevalier contre dragon, huile sur toile 46 x 61 cm, 2024

Le combat du chevalier et du dragon est un des thèmes les plus répandus dans l'imaginaire universel. En Occident, on le retrouve dans le combat de Saint Michel contre Satan, et de Saint Georges contre le dragon (lui-même reprenant l'image égyptienne d'Horus terrassant Seth). On le voit aussi dans la légende nordique de Sigurd-Siegfried tuant Fafnir, ou dans la mythologie hindoue où Indra tue Vritra...

 

Les significations symboliques de ce conte sont multiples, mais j'y vois personnellement une métaphore du combat de la civilisation contre la barbarie, dont malheureusement le XXIe siècle nous rappelle chaque jour l'actualité.

 

Cette peinture synchronistique réinterprète le St Georges et le dragon de Vittore Carpaccio, avec deux édifices empruntés à Giogio de Chirico pour exprimer les règles civilisatrices, qui apportent la stabilité figurative à un environnement pictural abstrait. Celui-ci est inspiré d'une peinture de Giuseppe Ajmone, et est en train de se transformer en vrai paysage, entérinant la victoire du chevalier civilisateur.

vendredi, mai 03, 2024

Une vie pèse lourd

 

Gilles Chambon, "Une vie pèse lourd", huile sur toile 61 x 52 cm, 2024

La vie de chaque être humain est inconsciemment portée par ses superstitions et par ses rêves. Le poids des années alourdi la charge, les superstitions s'affaiblissent, et les rêves s'évaporent peu à peu...

 

Pour exprimer cette fatalité douloureuse, j'ai synchronistiquement eu recours au "vol des sorcières" de Francisco Goya, planant dans un désordre abstrait inspiré de Giuseppe Ajmone ("Tempête", 1958), et d'où émerge quelques fragments d'une rêverie architecturale du védutiste  Apollonio Domenichini (XVIIIe s., Venise).

samedi, avril 20, 2024

Descente de croix

Gilles Chambon, Descente de croix, huile sur toile 60 x 81 cm, 2024
 

La treizième station du Chemin de croix est la descente de croix, où Joseph d’Arimathie et Nicodème détachent et déposent le corps de Jésus.

 

Fin d'une épopée, et lamentations crépusculaires, avant que l'espoir ne renaisse par la résurrection. Dans ce monde qui vient de perdre son dieu et qui n'a pas encore les éléments pour croire en une vie nouvelle, tout se délite et se mélange, les visages et les paysages ont perdus leurs traits expressifs.

C'est comme une terre qui se ravine sous la pluie avant que les graines enfouies ne germent et lui redonnent sa beauté.

 

Pour exprimer cette dissolution des figures, j'ai intégré synchronistiquement un fragment de descente de croix de Luca Cambiaso (sanguine - on pourrait le dire précurseur du cubisme, dans la mesure où les personnages de ses esquisses ont des têtes cubiques sans faciès !) dans un mélange fait de morceaux inspirés de Georges Braque (Violon et chandelier, 1910) et de Geer Van Velde (Composition, circa 1966).


vendredi, mars 22, 2024

Theatrum Mundi

Gilles Chambon, Theatrum mundi,

huile sur toile 50 x 65 cm, 2024

Le théâtre du Monde : « la vie de l'homme sur Terre est une comédie, où chacun oublie qu'il est en train de jouer un rôle » (Jean de Salisbury, Le Policratique, Genève, 1372).


... Et dans cette grande tragi-comédie humaine, civilisation et barbarie ne cessent, depuis l'origine, de s'entremêler, de s'affronter, et de conduire les plus brillantes sociétés vers la décadence et la catastrophe finale. L'Atlantide en fut un symbole. C'est pourquoi elle est présente dans cette peinture synchronistique, faite de la rencontre (et de l'affrontement) entre un tableau d'une série sur l'Atlantide que j'avais composée en 2000, et d'une toile de André Lanskoy (1902-1976) «Composition circa 1974», huile sur toile 14x18 cm. Quant aux deux Colosses, qui symbolisent les violentes forces antagonistes ébranlant de plus en plus notre Theatrum mundi contemporain, je les ai empruntés à Francisco Goya : celui du Prado (huile sur toile 116×105 cm, après 1808) et une gravure à l'aquatinte (entre 1814 et 1818).

lundi, mars 18, 2024

Galatée

 

Gilles Chambon, Galatée, huile sur toile 73 x 50 cm, 2024

Galatée, à la peau blanche, est une nymphe marine dont Ovide nous raconte qu'elle aimait Acis le berger. Le cyclope Polyphème tua celui-ci par jalousie, et Galatée, voyant des filets de sang sous le rocher qui avait écrasé son amant, les changea en rivière pour s'y baigner tous les jours.

C'est sans doute les petites taches rouges que l'on devine sur ce tableau synchronistique.

 

Il réinterprète une Galatée de Paolo de Matteis (1662-1728), et la fait évoluer dans un paysage désagrégé, reconstruit à partir d'une peinture abstraite d'André Lanskoy (" Les soucis des insouciants", 1960). 

 

Ce conte mythologique m'a inspiré la symbolique suivante : Polyphème représenterait les tempêtes qui font périr de nombreux marins amoureux de la mer... et les reflets rougeoyant des couchers de soleil sur les eaux parcourues par les frissons du vent, sont une façon d'évoquer les âmes défuntes, de leur faire un clin d'œil posthume.

jeudi, février 29, 2024

Le ciel hostile

 

Gilles Chambon, Le ciel hostile, huile sur toile 180 x 170 cm, 2024


"...J’écoute les bruits de la ville
"Et prisonnier sans horizon
"Je ne vois rien qu’un ciel hostile
"Et les murs nus de ma prison...

 

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

 

 

Dans toutes les légendes, les dieux ont souvent puni les hommes, en leur envoyant des cataclysmes pour purger leur incurie. Ainsi l’histoire du déluge, mythe universel, grand nettoyage cathartique qui met fin à un monde corrompu. On le retrouve dans toutes les traditions : l’Epopée de Gilgamesh, le Mahâbhârata, la Bible, les Métamorphoses d’Ovide ; et ces mythes reprennent évidemment des traditions orales beaucoup plus anciennes encore. Plus près de nous, le rationalisme des XIXe, XXe, et XXIe s. s’en est aussi emparé et l'a réintégré dans ses récits scientifiques (cataclysmes météorologiques, impacts de météorites géantes, et aujourd'hui catastrophe écologique).

 

Ce tableau synchronistique est une rêverie sur ce thème, s'inspirant pour les dieux d'une gravure de Bernard Picart ("Le Déluge avec Zeus au-dessus des nuées", 1733, Amsterdam), pour les hommes de deux dessins de Maximilien Luce ("la révolte", dessin 43 x 30 cm) et de Nicolas Czinober (peintre d'origine hongroise, "La Révolte de Budapest", 1956, encre, 25 x 21.5 cm)... Pour le paysage, il y a du Zao Wou-Ki ("1.11.86", huile sur toile 89 x 116 cm) et du Nicolas Poussin ("La Translation miraculeuse de sainte Rita de Cascia", huile sur panneau de bois, 48,8 xx37,8 cm, Dulwich Picture Gallery).

dimanche, janvier 28, 2024

Diane et Actéon

Gilles Chambon, "Diane et Actéon", huile sur toile 73 x 54 cm, 2024

 

Actéon, le chasseur transformé en cerf et dévoré par ses chiens pour avoir profané la nudité d'Artémis/Diane :

- ce mythe a été interprété par Hans Biedermann (philosophe autrichien, 1930-1990) comme le souvenir d'un rituel ancien de sacrifice humain en hommage à Artémis ;

- Sartre y avait vu pour sa part une illustration du complexe du savant, pareil au « chasseur qui surprend une nudité blanche et qui la viole de son regard » ; donc l'homme détruit par sa soif de lumière, comme Icare se rapprochant trop du soleil.

 

Dans cet esprit on pourrait encore y voir une préfiguration symbolique de la violence révolutionnaire : ainsi Robespierre, icône de la Terreur, chassant et faisant guillotiner par la Convention tout supposé ennemi de la Révolution, avant que celle-là, ayant compris l'engrenage fatidique de l'idéologie révolutionnaire, se retourne contre lui pour le guillotiner le 9 thermidor de l'an II.

 

Ce tableau synchronistique détourne et réinterprète quelques fragments du Diane et Actéon du Cavalier d'Arpin (Louvre), ainsi que de la fresque de la chambre de Diane du château de Fontanellato (Le Parmesan). Deux des chiens dérivent aussi d'une fontaine de Diane et Actéon (jardin du Palais Royal de Caserte, Italie). Quant au paysage, il est une transposition personnelle d'un tableau de Claude Maréchal (1925-2009)  Printemps exubérant, 1982.

mardi, janvier 09, 2024

Jonas, ou la seconde naissance

 

Gilles Chambon, "Jonas, ou la seconde naissance", huile sur toile 50 x 73 cm, 2024


Si la baleine a recraché Jonas, c'est parce qu'il a enfin accepté de dire aux habitants de Ninive la vérité sur leurs mauvaises mœurs. Devant cette mission difficile que lui avait confiée Dieu, il avait d'abord voulu fuir, mais jeté par-dessus bord lors d'une tempête, le cétacé envoyé par le Seigneur l'avait englouti... pour qu'il se ravisât, durant les trois jours et trois nuits dans les entrailles du monstre, vécus comme une mort.

Devant l'épreuve on a en effet parfois envie de fuir, ou de se recroqueviller, comme dans le ventre de la mère.

C'est ce qui est arrivé à Jonas, dans le ventre de la mer, car comme le dit Carl Gustav Jung, plonger dans le ventre de la baleine, c’est revenir à l’enveloppe protectrice maternelle.

La sortie hors de la gueule du monstre est donc comme une seconde naissance : c'est prendre ses responsabilités, s'exposer aux regards malveillants, et ne plus avoir peur de clamer sa pensée, même si elle ne cadre pas avec la bienséance de l'idéologie dominante.

La peinture synchronistique est selon moi une seconde naissance de la peinture contemporaine, parce qu'elle fait comme Jonas, et ne craint plus de dire aux artistes conceptuels qu'ils sont égarés sur le mauvais chemin, et qu'il faut revenir aux fondamentaux !

 

Ce tableau synchronistique transpose un personnage du "Martyre de saint Matthieu" (Caravage, entre 1599 et 1601 chapelle Contarelli de l'église Saint-Louis-des-Français de Rome) et une baleine d'un Jonas de Paul Bril ("Jonas et la baleine", c. 1590, huile sur toile 128 cm x 175.5 cm Collection Wawel Castle, Cracovie), dans un paysage réinterprété de Henri Hayden ("Paysage méditerranéen", 1921, huile sur toile 66 x 92 cm)

jeudi, janvier 04, 2024

Le Sacré dévoyé

 

Matthias Grünewald, Crucifixion, retable d'Issenheim, entre 1512 et 1516, tempera et huile sur bois de tilleul, musée Unterlinden, Colmar

 

Andréa Serrano « Piss Christ »,  représentant un crucifix plongé dans un fluide orangé composé d'urine et du sang de l'artiste, 1987

Le sacré, nous a dit Jean Clair (La beauté et le sacré, communication mai 2011), c’est la façon de ressentir et de traiter le numineux, les forces et les choses qui signifient et semblent agir sur nous en dehors des banales explications rationnelles ou matérialistes. La religion est une des façons de traiter le sacré. Notre monde contemporain l'a de plus en plus remplacé par une sacralisation collective et obsessionnelle du ludique, c’est-à-dire de l’inverse du numineux. Toutes les formes de star system, de footballomanie, sont significatives de ce phénomène mondial qui marque notre temps : le désir de foi partagée et de rituel collectif s’est cristallisé non plus sur le divin (le transcendantal des religions), mais sur le surhumain ordinaire, mondain, sur la magie que représentent pour les foules, les humains au charisme ou aux dons exceptionnels. Foi et adulation se confondent ; non pas idolâtrie comme dans les temps anciens où certains croyants confondaient le divin avec sa représentation matérielle, mais véritable dévotion envers des humains semblables à nous. Le sacré n’est plus un monde à part, transcendant, mais une contrée particulière du monde profane. Ce n’est plus un sommet élevé d’où l’on communique avec le ciel, au risque d’être anéanti par le feu divin, mais une simple colline d’où l’on contemple avec délectation, comme au-dessus de la mêlée, la populeuse plaine humaine et ses marécages. 

 

Évidemment, les médias et leur exceptionnelle expansion depuis un siècle, sont à l’origine de ce renversement : chaque soir, la comédie humaine est maintenant présentée et mise en scène en temps réel sur le petit écran, et l’espace virtuel de la télévision, qui pénètre chaque foyer, devient cette sorte d’espace sacramentel, pseudo divin, où sont élus les demi-dieux humains dans lesquels chacun rêve de se reconnaître. Le paradis qui, dans les religions, était promis après la mort – c’est à dire hors de la matérialité humaine et du monde géographique, fait son retour sur terre et devient accessible à chacun, pourvu qu’il sache manœuvrer et se propulser en haut de la scène médiatique.  Et une autre vérité nouvelle se fait jour : la réussite médiatique attire l’argent, et l’argent attire la fascination médiatique ; César et Dieu se confondent. On n'essaie plus désespérément d’acheter, comme au moyen âge, l’indulgence divine à un intercesseur clérical, mais on compte sur le pouvoir magique de la fortune pour attirer le divin, pour le susciter, le produire. Le sacré contemporain a donc ceci de nouveau qu’il se gagne avec de l’argent, et qu’il produit de l’argent. 

 

Et l’Art, là-dedans, me direz-vous ? Et bien voilà : il fut jadis un acte de ferveur, dirigé vers dieu ou vers la beauté; Jean Clair rappelle cette phrase des Confessions de Saint Augustin : « Pour les interroger [les créations divines qui assaillent nos sens], je n’avais qu’à les contempler et leur réponse, c’était la beauté. » ; aujourd’hui, l’art est devenu acte de ferveur à soi-même, ou démonstration d’une capacité, d’une prétention de chaque artiste impétrant à être starisé, et donc divinisé selon le rituel de la sacralité médiatique. On admirait autrefois les œuvres d’art parce qu’elles renvoyaient à une transcendance, on admire aujourd’hui les objets d’art contemporain parce qu’ils renvoient à la personnalité divinisée – ou simplement héroïsée – d’un artiste.