présentation des peintures synchronistiques

dimanche, octobre 04, 2020

La perplexité de l’architecte

Gilles Chambon,

La perplexité de l’architecte, huile sur toile 50 x 65 cm, 2020

Ce tableau est une sorte d’allégorie de l’architecture. Tous les savoirs de l’artiste bâtisseur y sont résumés : connaissance de la nature et de ses formes, de la géométrie et de ses proportions harmoniques, de l’homme et de ses façons d’habiter, sans oublier bien sûr les sciences de la construction… 
 
Conformément aux principes synchronistiques, le personnage au premier plan est réinterprété d’un portrait d’architecte dessiné par Dürer en 1506 (Berlin, SMB, Kupferstichkabinett) ; la silhouette à la main levée, au centre de la composition, provient d’une peinture de Le Corbusier exprimant sa divine proportion, le « modulor » ; et le tout est baigné par un foisonnement de figures anguleuses ou sphériques, inspirées d’un paysage d’Albert Gleizes ; enfin sur la droite, on reconnaît vaguement l’élévation de l’église baroque St. James, à La Valette, construite au XVIIIe s. par Romano Carapecchia.

jeudi, septembre 24, 2020

Eurynomé, Ophion, et l’œuf cosmique

Gilles Chambon, Eurynomé, Ophion, et l'œuf cosmique, huile sur toile 43 x 55 cm, 2020

La Grande Déesse primordiale des Pélasges, Eurynomé, façonna le serpent Ophion, auquel elle s’unit. Ayant pris la forme d’un oiseau, elle couva l’œuf qu’elle avait pondu. Ophion s’enroula autour de l’œuf qui, en se brisant, donna naissance à tout ce qui existe.

Ce mythe a notamment été réapproprié par les mystères orphiques, dans lesquels l’œuf désigne le récipiendaire qui va donner naissance à l’initié, tandis que le serpent fait référence aux mystères.
J’ai utilisé dans ce tableau synchronistique la représentation traditionnelle de l’œuf orphique enlacé par le serpent (gravure anglaise du XVIIIe s.). L’oiseau (Eurynomé) est emprunté à une peinture de Jean Metzinger (1883-1956), et le décor général est la fusion d’un paysage d’André Lhote (1885-1962) et d’une composition abstraite de Ferdinand Vonck (1921-2010).

jeudi, septembre 10, 2020

Léda et Swan, les mystères d’un couple ovipare

 

Gilles Chambon, Léda et Swan, les mystère d'un couple ovipare, huile sur toile 55 x 70 cm, 2020

Le mythe de Léda, femme de Tyndare roi de Sparte, rapporté par Homère, Hésiode, et Callimaque, prend des formes différentes suivants les narrateurs, mais ils s’accordent tous les trois sur le fait que sa progéniture (Hélène, Castor et Pollux, Clytemnestre) éclot à partir d’un ou deux œufs. Selon Hésiode et Homère, c’est Zeus changé en cygne, qui en la fécondant, la rend ovipare ; selon Callimaque, c’est Némésis, elle-même changée en oie, qui subit les assiduités du cygne olympien et pond un œuf près de Sparte, œuf remis à Léda par le paysan l’ayant découvert.

 

Selon Hésiode, seul l’œuf contenant Hélène et Castor est issu de Zeus, l’autre, abritant Clytemnestre et Pollux, est dû à la fécondation par Tyndare.

 

Mythe énigmatique, donc. J’ai personnellement imaginé que Léda, troublée de se voir devenir ovipare, développa une obsession des coquilles, et ne sut plus très bien si son époux était un homme ou un cygne… 

Ce tableau synchronistique réinterprète l’éclosion des Tyndarides à partir d’une peinture de Francesco Bacchiacca (Léda et le Cygne, c.1525, 42,9×31,8 cm, huile sur bois, New-York, Metropolitan Museum of Arts), le col du cygne à partir de la Léda de Cesare da Sesto (1447-1523), tandis que le paysage dérive d’un tableau de Sébastien Bourdon (Paysage, huile sur cuivre, 20,3 × 31,8  cm, Fitzwilliam Museum, Cambridge).

lundi, août 31, 2020

Les amants schizophrènes (allégorie de l’amour comestible)

Gilles Chambon, Les amants schizophrènes (allégorie de l'amour comestible), huile sur toile 54 x 65 cm, 2020
L’amant et l’amante n’ont pas la même façon d’envisager la consommation de l’acte charnel. Celle-ci se projette dans le temps et imagine de nombreux œufs dans un panier posé près de son ventre, tandis que lui est dominé par la pensée du plaisir oophage immédiat, les deux œufs sur le plat se substituant aux seins de sa partenaire, et le troisième, suspendu dans le vide, évoquant peut-être sa vulve.

 

Ce tableau synchronistique, pour mettre en scène la symbolique sexuelle de l’œuf, mélange les « œufs au plat sans le plat », de Dali (1932), un « panier d’œufs » de Henri-Horace Delaporte (1724-1793), et le paysage lointain d’un « St Jérôme » de Giovanni Bellini (1505). Quant aux deux personnages, ils dérivent de statuettes antiques de Tanagra.


dimanche, août 23, 2020

L’énigme de l’œuf à la coque (allégorie chronienne)

Gilles Chambon, Allégorie chronienne, ou l'énigme de l'œuf à la coque, huile sur toile 56 x 80 cm, 2020

Tout le monde aura reconnu, dans le lointain de ce tableau, une reprise du paysage de "l’Allégorie chrétienne" de Giovanni Bellini (musée des Offices). La rencontre synchronistique de cette œuvre de la Renaissance, au symbolisme énigmatique, et de « L’œuf » d'Odilon Redon pris au piège d’un coquetier, donne ici naissance à une nouvelle allégorie, chronienne plutôt que chrétienne, mais néanmoins tout aussi obscure.

 

L’œuf à la coque, dont l’origine se perd dans la plus haute antiquité, m’est apparu être un symbole adapté à l’angoisse contemporaine du temps qui s’accélère, et que nous avons tant de mal à maîtriser (Chronos est dieu du temps, d’où le qualificatif chronienne).

 

S’il ne faut que trois minutes pour faire cuire un œuf à la coque, la maîtrise de ce bref laps de temps n’est pas des plus faciles : le blanc doit être entièrement solidifié, et le jaune pas du tout. Or la grosseur de l’œuf, sa température initiale, l’épaisseur de sa coquille, le rapport entre le volume de blanc et de jaune, l’importance relative de la poche d’air, le temps qui s’écoule entre la sortie de l’eau et l’ouverture de la coquille, sont autant de variables qui influencent le résultat et peuvent faire échouer un cuisinier qui s’en tiendrait strictement aux trois minutes théoriques. La préparation de l’œuf-coque est donc une sorte de chef d’œuvre culinaire minimaliste.

La forme de l’œuf, qui rappelle celle de la tête humaine (et l’œuf d’Odilon Redon fait même penser à un visage masqué de l’année 2020 !), est d’une géométrie parfaite et d’une couleur douce et ambrée, malgré qu’il sorte du cul de la poule. C’est peut-être pour ça que l’œuf est le symbole universel du monde engendré à partir du néant.

 

On se demande toutefois si le Créateur n’a pas eu autant de mal que le cuisinier à en parfaire la cuisson, ce qui expliquerait les multiples imperfections de l’univers dans lequel nous évoluons, et dont on peut dire métaphoriquement que certaines composantes sont bien trop cuites, et d’autres pas assez…

Mais que cela ne vous empêche pas de tremper allègrement vos mouillettes imaginaires dans ce tableau, même si lui aussi est imparfait !


vendredi, août 07, 2020

Mary Cassatt dame de pique

Gilles Chambon, Mary Cassatt dame de pique, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Mary Cassatt termine ma série des tableaux/cartes synchronistiques en hommage aux grands peintres. Elle incarne la dame de pique, à travers son autoportrait de 1878 (Metropolitan Museum of Art, New York).

Mary Cassatt est peut-être la plus cultivée des femmes peintres de son temps, ce qui convient à la dame de pique appelée traditionnellement Pallas (en référence à la déesse Athéna). Américaine, elle a voyagé dans toute l’Europe pour parfaire sa connaissance des grands maîtres de la peinture, s’est attachée les conseils d’Edgard Degas, s’est nourrie des inventions impressionnistes, et plus tard des estampes japonaises.  

 

Je l’ai associée ici synchronistiquement à une autre femme peintre moins connue, Christine Boumeester (1904-1971), dont j’admire les nombreuses aquarelles abstraites, qui révèlent équilibre, mouvement, et douceur raffinée.

samedi, juillet 25, 2020

Giorgio de Chirico valet de carreau

Gilles Chambon, Giorgio de Chirico valet de carreau, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Ma série de tableaux-cartes synchronistiques en hommage aux peintres célèbres ne pouvait ignorer Giorgio de Chirico, l’un des peintres qui m’a le plus marqué, et que j’ai souvent sollicité dans mes œuvres synchronistiques. Il sera donc mon valet de carreau, lui qui s’est si souvent représenté de façon théâtrale. 

J’ai choisi ici un autoportrait de 1925 (62 x46 cm, Galleria Nazionale d’arte moderna, Rome), quand il avait 37 ans, et dans lequel on devine l’influence qu’il a pu avoir notamment sur Magritte. Je l’ai associé à une composition du peintre-graveur James Guitet (1925-2010), dont la géométrie aigüe évoque un miroir brisé ou un kaléidoscope : le peintre qui se représente ne brise-t-il pas symboliquement le miroir dans lequel il se regarde, ouvrant l’image réfléchie sur mille évocations mystérieuses ?

mardi, juillet 21, 2020

Gauguin valet de cœur

Gilles Chambon, Gauguin valet de cœur, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
 
Paul Gauguin est mon valet de cœur.  Il est le maître des riches harmonies colorées, qui s’exacerbent dans ses peintures jusqu’à l’extase. Il est aussi le découvreur des constantes naturelles, douces et oniriques, qui organisent les formes dans une sorte de rêve éveillé.
J’ai utilisé l’autoportrait de 1889 qu’il dédicaça au peintre Eugène Carrière (Washington, National Gallery of Art).
Et je l’ai associé à la violence primitive du peintre abstrait Alberto Burri (1915-1995), qui inventait formes et textures en brûlant des plastiques, craquelant des résines, et collant sables et tissus sur ses tableaux…

samedi, juin 27, 2020

Albrecht Dürer roi de trèfle

Gilles Chambon, Albercht Dürer roi de trèfle, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Dürer est un des artistes les plus complets de l’histoire de la peinture : une technique hors pair, une inventivité sans pareil pour les compositions religieuses et les gravures mythologiques, un dont précoce de paysagiste et de dessinateur animalier, observant la nature dans ses plus infimes détails, mais surtout portraitiste incomparable, sachant saisir la vérité des caractères. On a dit qu’il était le véritable inventeur de l’autoportrait, et en effet Il a fait de lui trois tableaux magistraux, auxquels s’ajoutent quelques croquis et dessins, le premier à l’âge de treize ans.

J’ai choisi un dessin à la plume de 1504, où il s’était représenté nu, dans sa singularité, peut-être en réponse à l’homme idéal de Vitruve. Il incarne donc le roi de trèfle, et dialogue dans ce tableau synchronistique avec une composition revisitée de Afro Basaldella.

vendredi, juin 19, 2020

Van Gogh valet de pique

Gilles Chambon, Van Gogh valet de pique, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Nous avons tous joué un jour au « Pouilleux », ce jeu dans lequel le valet de pique est appelé le pouilleux, le vieux garçon, le mistigri, le pissous, le puant, le paille-au-cul, ou encore le valet noir…

J’ai choisi Van Gogh pour l’incarner, peintre maudit s’il en fût, et j’ai utilisé son autoportrait au chapeau de paille (HST 40.6 x 31.8 cm, 1887, Met Museum), qu’il avait peint au revers d’une « éplucheuse de pommes de terre » de 1885, en se regardant dans un miroir. Je l’ai associé à une composition abstraite de 1967 du peintre italien Afro Basaldella, que j’ai aussi un peu réinterprétée pour la mettre en résonance avec le portrait.

lundi, juin 15, 2020

Artemisia Gentileschi dame de carreau

Gilles Chambon, Artemisia Gentileschi dame de carreau, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Artemisia est la première femme peintre de l’histoire (et l’une des seules) à s’attaquer avec talent aux sujets bibliques habituellement réservés aux hommes.  Sa célébrité dans la première moitié du XVIIe siècle fut internationale. Dans notre culture contemporaine, elle symbolise aussi la lutte des femmes pour leur émancipation, notamment en raison de sa force de caractère dans le procès qui suivit son viol par le peintre Agostino Tassi. Artemisia est donc bien une reine parmi les peintres.

J’en ai fait la dame de carreau, carreau dont les quatre côtés rappellent quatre qualités qui la caractérisent : le courage, la fierté, le talent, et la sincérité.

Son apparence est reprise d’un de ses premiers autoportraits, l’autoportrait au luth (vers 1617-1618, huile sur toile, 65 × 50,2 cm, Minneapolis, Curtis Galleries). 

Mon tableau/carte, synchronistique, la place dans un décor issu d’une toile d’Albert Bitran (1931-2018), où transparaissent violence, énergie et beauté… Comme dans tout l’œuvre d’Artemisia.

samedi, juin 06, 2020

Francisco Goya roi de pique

Gilles Chambon, Francisco Goya, roi de pique, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Parmi les figures de mes tableaux/cartes synchronistiques à l’effigie de peintres, Goya occupe maintenant la carte du roi de pique. 

Qu’il règne en maître sur l’histoire de la peinture, nul ne peut en douter. Mais  si je l’ai associé à la couleur « pique », c’est sans doute parce qu’elle est symbole de combat, de force, de violence, et que Goya s’est mesuré dans ses peintures, aux terribles monstres tapis au fond de notre inconscient. 

J’ai choisi le petit autoportrait (18 x 12 cm) de 1795, période où, suite à la grave maladie qui l’avait rendu sourd en 1793, il avait commencé à s’intéresser aux forces obscures qui taraudent les individus et les sociétés. 
En fond de carte, le décor abstrait est interprété d’un peinture de Zao Wou-ki. Chez cet artiste aussi on ressent, de façon sourde et plastique, le grand combat de l’ombre avec la lumière.

dimanche, mai 31, 2020

Picasso roi de carreau

Gilles Chambon, Picasso roi de carreau, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Je continue ma série synchronistique des figures du jeu de cartes, personnifiées par des peintres. 
C’est Picasso, initiateur du cubisme avec ses Demoiselles d’Avignon, qui m’a semblé le plus approprié pour représenter le roi de carreau (le carreau c’est comme le carré et le cube, et de plus, avant d’être « carreau », il était « denier », ce qui convient somme toute aussi à Picasso !). 
J’ai choisi l’Autoportrait de 1907, de la même année que les Demoiselles d’Avignon, parce qu’il est déjà cubiste. Je l’ai associé à une composition réinterprétée de Jean Deyrolle, peintre de l’abstraction géométrique, mais tenant, comme les cubistes, de la « vision multiple ».

vendredi, mai 22, 2020

Élisabeth Vigée Le Brun dame de cœur

Gilles Chambon, Elisabeth Vigée Le Brun dame de cœur, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Élisabeth Vigée Le Brun, grande portraitiste des cours aristocratiques européennes, représente la réussite exceptionnelle d’une femme de talent, n’ayant jamais rien renié de sa féminité. Peintre officielle de Marie-Antoinette, elle a fui la Révolution mais a continué à vivre de son talent de portraitiste en Italie, en Autriche, en Russie, en Hollande, et en Angleterre, avant de revenir en France au début du XIXe siècle. C’est l’une des rares femmes à avoir été admise à l’Académie Royale de Peinture (1783). Elle fut aussi une mère attentive et une amante aux nombreuses aventures. D’extraction relativement modeste (son père était pastelliste et sa mère fille de paysan), elle s’éleva grâce à son talent et à son sens des relations humaines, et profita de la liberté conquise au siècle des Lumières par les femmes éduquées. C’est sans doute ce féminisme aristocratique qui agaçait Simone de Beauvoir et lui fit écrire des âneries sur son compte dans « Le deuxième sexe », prétendant en gros que c’était une dilettante narcissique, ce qui est totalement erroné.

Je l’ai donc choisie comme reine de cœur pour mon jeu de carte synchronistique, en utilisant son autoportrait de 1790 (musée des Offices) fait en exil en Italie, et où elle s’est représentée telle qu’elle était quelques années plus tôt, en train de peindre la reine Marie-Antoinette. J’ai marié synchronistiquement ce portrait à une composition abstraite d’un peintre italien, Giuseppe Ajmone (1923-2005), aussi peu connu qu’Élisabeth Vigée est célèbre !

samedi, mai 16, 2020

Cézanne valet de trèfle

Gilles Chambon, Cézanne valet de trèfle, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Suite de mon jeu de cartes synchronistique sur les peintres :

Le valet de trèfle est incarné par Cézanne, trait d’union entre l’impressionnisme et le cubisme, grand peintre de pommes, mais aussi de sa pomme (on lui connaît une cinquantaine d’autoportraits, si l’on compte les études). J’ai repris, ici inversé, le visage du « portrait de l’artiste vers 1875 » - musée d’Orsay, qui est doublement intéressant par l’expression, mais aussi parce qu’il s’agit véritablement d’un tableau synchronistique : en effet le paysage de fond peint par Cézanne dans cet autoportrait reprenait un paysage réalisé par son ami Armand Guillaumin. 

Je l’ai personnellement associé dans ce tableau-carte à une composition du peintre espagnol Orlando Pelayo, qui fréquenta Camus en Algérie, puis les peintres de Montparnasse après la guerre de 40. Peut-être parce qu’on y retrouve, comme chez Cézanne, une ode à la lumière méditerranéenne, et une volonté kaléidoscopique de diffracter l’image peinte.

jeudi, mai 07, 2020

Berthe Morisot Dame de Trèfle

Gilles Chambon, Berthe Morisot, Dame de Trèfle, huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Dans mon projet d’associer un/une peintre à chaque figure des cartes à jouer, j’ai choisi Berthe Morisot (à travers le plus célèbre des portraits qu’en a fait Manet) pour personnifier la dame de trèfle. L’enseigne trèfle symbolise traditionnellement les choses de l’esprit, ce qui me semble convenir tout-à-fait à cette artiste rebelle, figure de proue de l’impressionnisme. Ma composition synchronistique la met en résonance avec une peinture abstraite d’Afro Basaldella.

jeudi, avril 30, 2020

Rembrandt Roi de Cœur

Gilles Chambon, "Rembrandt Roi de Cœur",  huile sur toile 61 x 50 cm, 2020
Si l’on mettait les peintres sur les jeux de cartes, Rembrandt serait à n’en pas douter le Roi de Cœur ! Le voici donc encarté par mes soins dans cette peinture-à-jouer synchronistique. Son visage, repris en miroir de son autoportrait aux deux cercles (c.1665-69), se décline sur un fond inspiré d’une composition du peintre libanais Shafic Abboud (1926-2004, école de Paris).

samedi, avril 25, 2020

Les lavandières

Gilles Chambon, Les lavandières, huile sur toile 55 x 40 cm, 2020
L’hommage rendu par les peintres aux travaux féminins du quotidien commence en Hollande au siècle d’or (laveuses, brodeuses, balayeuses, cuisinières, etc., accompagnent souvent les représentations réalistes des intérieurs bourgeois). Au XVIIIe s., Boucher, Fragonard, H. Robert, se plaisent à représenter des lavandières dans un cadre plutôt bucolique et idéalisé, tandis que Chardin, avec sa « Blanchisseuse », commence à prolétariser le thème. Et c’est dans la seconde moitié du XIXe siècle que Daumier fera de la blanchisseuse une icône de la difficile condition des ouvrières urbaines.
Pour ce petit tableau synchronistique, je suis parti d’un dessin de Daumier, mais je l’ai associé à la délicatesse d’une aquarelle de Christine Boumeester. Une volonté de ma part de rendre hommage à la vaillance des jeunes femmes qui depuis la nuit des temps s'échinent aux tâches domestiques, mais aussi à la grâce et la légèreté de leur éternel féminin.

vendredi, avril 17, 2020

Confinement

Gilles Chambon, "Grand air", huile sur toile 54 x 65 cm, avril 2020
En ces temps confinés, chacun rêve de grand air.
Dans ce tableau synchronistique, le paysage se déplie à partir d’une toile abstraite de Georges Guido Filiberti (1881-1970), et un groupe de baigneurs de Cézanne s’active sous le regard absent d’une beauté de Gauguin.

mardi, avril 07, 2020

Vierge aux cerises

Gilles Chambon, Vierge aux cerises, huile sur toile 50 x45 cm, avril 2020
J’ai traité ici un thème classique de la peinture Renaissante et baroque (par exemple Vierge aux cerises de Giampietrino, Repos pendant la fuite en Égypte de Federico Barocci). C’est que la cerise, premier fruit du printemps, et rouge comme le sang, annonce la venue d’un monde nouveau : Passion du Christ, mais aussi promesse de paradis.

Aujourd’hui nous attendons avec impatience le temps des cerises, qui verra sans doute la fin du confinement, et qui sait, peut-être aussi l’émergence d’une ère nouvelle.
Ma vierge aux cerises est synchronistique, réinterprétant un dessin de Bronzino et un autre du Guerchin, réunis dans un univers « de lumière et de vent » inspiré d’une toile du potier et peintre japonais Hajime Kato (1925-2000).

vendredi, avril 03, 2020

Petit rêve confiné

Gilles Chambon, Petit rêve confiné, huile sur toile 30 x 30 cm, avril 2020
Le confinement actuel m’évoque toutes ces princesses et martyres enfermées ou emmurées dans leur tour, et dont la patronne est Sainte Barbe. Elles rêvent d’escalier magique, de jeu en plein air, de montagne ou de pâturages… Ou encore d’un œuf miraculeux, symbole du confinement premier dont a jailli un jour l’univers.

Dans ce petit tableau synchronistique, il y a fusion/réinterprétation de deux esquisses que j'avais fait en 1999, mêlées à une composition d'Albert Bitran.

mardi, mars 31, 2020

L’âne dans l’imaginaire occidental

Marc Chagall, L'âne vert, gouache sur panneau 32,4 x 41,3 cm, Tate UK
Parmi tous les animaux ayant une valeur symbolique positive dans le bestiaire occidental, l’âne n’est pas le mieux loti. En témoignent le classique bonnet d’âne dont on affublait les cancres, et la qualification d’ânerie pour toute parole particulièrement stupide. Mais au-delà, il existe encore une longue litanie de contes, de fables, et autres proverbes assimilant l’âne à la bêtise, à la paresse, à la lubricité, à l'entêtement, à l'ignorance, à la folie, à la disgrâce, à l'hébétude, au comportement ridicule ou retord, au manque de dons et d’aptitudes, tout juste bon qu’il serait à porter le bât et recevoir des coups de bâton. 
C’est dur pour cet animal si familier, si aimé des enfants, et si utile à l’homme depuis la plus haute antiquité.

Hommes battant un âne, Saqqara, tombe du superviseur de la pyramide Ti - Mastaba, Ancien Empire, fin de la 5e dynastie, vers 2400 av. J.-C.
Alors il est nécessaire de comprendre comment s’est incrusté tant de haine symbolique (haro sur le baudet), mais aussi, peut-être, de plaider sa cause en ouvrant les yeux sur les quelques contre-exemples dans lesquels l’âne a pu jouer un rôle positif.

Dans l’Antiquité égyptienne et Moyen-orientale, deux images de l’âne semblent s’opposer, l’une négative, associée au dieu égyptien du désert, Seth, frère et assassin d’Osiris, et l’autre plutôt positive, que véhiculent l’Ancien et le Nouveau Testaments. Et cette opposition peut se superposer au sexe et à la couleur du quadrupède. L’âne mâle roux sauvage est maléfique, tandis que l’ânesse blanche domestiquée est un symbole de noblesse et de richesse.

Dieu Seth, Détail de la statue du groupe de granit d'Horus et de Seth entourant le roi Ramsès III, trouvée dans le «Temple des millions d'années» du roi Ramsès III à l'ouest de Thèbes. Musée du Caire
Le rouge est maléfique en Égypte ; et les troupeaux d’ânes sauvages qui vivent dans le désert, chassés par le Pharaon, sont naturellement associés au dieu Seth. Plutarque rapporte que « les Égyptiens pensent que l’âne est un animal impur, possédé par un mauvais génie, à cause de sa ressemblance avec Typhon (Typhon est l’équivalent gréco-romain de Seth). […] L’âne portait la peine de sa ressemblance avec Typhon, tant à cause de sa stupidité et de sa lubricité, que de la couleur de son poil » (De Is., 30-31). Sur les représentations, Seth-Typhon peut en effet prendre la forme d’un âne, et on y associe généralement un couteau planté dans l’épaule, pour désamorcer tout maléfice que pourrait entraîner la représentation.

Bas-relief de Seth avec un couteu dans l'épaule,  déambulatoire est, temple d'Edfou, Égypte
Dans la Bible, l’âne, qui est évoqué 90 fois, est montré généralement comme la monture des personnages importants ; comme l’atteste Déborah, dans le Livre des Juges, en parlant aux puissants d’Israël : « Vous qui montez des ânesses blanches, vous qui siégez sur des tapis, et vous qui marchez sur la route, parlez ! » (Juges, 5, 10). Pour les Israélites, la qualité de l’âne est la patience, l’humilité et le service. Il est soumis à son maître, comme l’homme doit être soumis à Dieu.

Hans I Collaert d'après Maerten de Vos, La femme sunamite part avec le serviteur d'Élisée (Rois 4 -8), gravure 20,6 x 28,4cm, c. 1600

Cornelis Cort, d'après Frans Floris, Le retour de Jacob à Canaan (Genèse 33:18-20), gravure, détail, c.1563
On trouve l’âne associé à Abraham et Isaac, à Moïse et à sa famille, à Jacob, et à Balaam, le puissant devin. Arrêtons-nous un instant sur l’épisode de l’ânesse de Balaam recevant la parole de l’ange, qui est certainement l’anecdote impliquant un âne la plus représentée dans la peinture occidentale (Nombres, 22:22-35) :

Balak le roi des Moab ennemis d’Israël, fait venir le devin Balaam, pour qu’il maudisse les troupes Israéliennes afin de lui assurer la victoire. Celui-ci, après avoir d’abord refusé par crainte de Dieu, se rend finalement chez le roi, montée sur son ânesse. En chemin un ange envoyé par Dieu vient pour le détourner, mais seule l’ânesse le voit, l’entend, et lui obéit, ce qui lui vaut d’ailleurs des insultes et des coups de bâton de la part de Balaam, qui lui n’a rien vu et rien entendu. Mais l’ânesse soudain se met à lui parler, et elle lui montre l’ange ; le devin comprend son erreur et s’excuse.
Ainsi, dans cette fable, l’âne, avec ses grandes oreilles, apparaît comme plus ouvert à la parole de Dieu que le devin. La plus connue des peintures relatant cette histoire est celle que Rembrandt a peint dans sa jeunesse, mais il en existe beaucoup d’autres ; en voici quelques-unes :

L'ânesse de Balaam, Michiel van der Borch (enlumineur), bible de Jacob van Maerlant, 1332, Utrecht, Manuscrit MMW, 10 B 21, fol. 36r, Nationale bibliotheek van Nederland, La Hague
Rembrandt van Rijn, L'Ânesse de Balaam, 1626, peinture sur bois, 65 × 47 cm, Musée Cognacq-Jay
Pieter Pietersz. Lastman, L'Ânesse de Balaam, 1622, huile sur panneau, 41 x 60 cm, Israel Museum, Jerusalem
Jacopo Vignali (1592-1664 Florence), L'Ânesse de Balaam, Huile sur toile, 180 x 228 cm
Nicolaes de Bruyn, L'ânesse de Balaam, 1641, Gravure 65,6 x 46,4cm

_______________________________

L’âne joue également un rôle positif dans une anecdote concernant l’exode des Juifs d’Égypte, rapportée par Tacite (Histoires. Liv. V, 3) :
Les Juifs suivaient Moïse dans le désert et, « tout près d'expirer, ils s'étaient jetés par terre et gisaient dans ces vastes plaines, lorsqu'ils virent un troupeau d'ânes sauvages, revenant de la pâture, gagner une roche ombragée d'arbres. Moïse les suit, et, à l'herbe qui croit sur le sol, il devine et ouvre de larges veines d'eau ». Ce sont donc les ânes qui montrent à Moïse le chemin du salut.

La charge symbolique positive de l’âne se renforce encore dans l’histoire du Christ :

-       il est né dans la crèche sous la protection bienveillante du bœuf et de l’âne, ce que nous montrent des milliers de peintures illustrant la nativité :

Nativité avec l'arrivée des rois mages, c. 1150, mosaïque, Chapelle Palatine, Palerme
Nativité, peinture romane XIIIème siècle, Avia, Catalogne – musée d’Art roman catalan de Barcelone
Carlo Crivelli, Natitité, 29 x 37 cm, panneau de la prédelle du retable dit "Vierge à l'hirondelle", 1490, National Gallery, Londres
Sandro Botticelli, La Nativité, c. 1473-1475, fresque transposée sur toile, Columbia, Museum of Art

-       la Sainte Famille, accompagnée d’un âne qui porte Marie, va se réfugier en Égypte pour échapper au massacre des Innocents :

Sano di Pietro (Sienne), Fuite en Egypte, 1450, prédelle d'un retable, Musée du Vatican
Le Greco, Fuite en Égypte, c. 1570,  huile sur panneau 15.9 cm × 21.6 cm, musée du Prado, Madrid
Ajouter une légende
Georges Rouault, Fuite en Égypte, 1946, Vatican (localisation à confirmer)
      -  Pour la Pâque, Jésus entre dans Jérusalem monté sur une ânesse ou un ânon, réalisant la prophétie de Zacharie (9 : 9-16) « Tressaille d’allégresse, ô communauté de Sion ! Pousse des cris de joie, ô communauté de Jérusalem ! Car ton roi vient vers toi, il est juste et sauvé, humilié, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. Je ferai disparaître du pays d’Ephraïm tous les chariots de guerre et, de Jérusalem, les chevaux de combat ; l’arc qui sert pour la guerre sera brisé. Ce roi établira la paix parmi les peuples, sa domination s’étendra d’une mer jusqu’à l’autre, et depuis le grand fleuve jusqu’aux confins du monde. » L’âne devient donc le symbole d’une royauté faite d’humilité, de paix, et de douceur, opposé au cheval qui symbolise la guerre.

Voici quelques peintures représentant l’entrée à Jérusalem :

Fresque de l'église de l'ermitage de San Baudelio de Berlanga, début du XIe siècle (province de Soria (Espagne), conservée au musée d'Indianapolis, EU

Maître du retable de Thuison, Entrée du Christ à Jérusalem, XVe s. , Retable de la Chartreuse de Thuison près d'Abbéville, conservé au musée de l'Ermitage, St Petersbourg
Giotto, L'entrée du Christ à Jérusalem, 1303-1306, fresque, 200 x 185 cm, Eglise de l'Arena, Padoue
Theodor Galle, Jesus entrant à Jerusalem. Gravure, circa 1585.
Peter-Paul Rubens, L'Entrée du Christ à Jérusalem, huile sur bois, 82 x 79 cm, panneau de prédelle d'une Cène conservée à la Brera de Milan (enlevé de la chapelle du Saint-Sacrement de l'église Saint-Rombaut de Malines) Musée des beaux-arts de Dijon
-       Pour terminer sur le rôle positif des ânes dans le christianisme primitif, notons l’importance qu’ils ont dans Les Actes de Saint Thomas : « Le rôle joué par l’âne dans les Actes de Thomas est étonnant. Au cours d’un voyage fatigant, Thomas rencontre un ânon qui s’offre à le porter ; cet animal affirme être un des ânes de Balaam, et raconte que l’un de ces frères aurait porté le Christ (§chap. 39). À un autre endroit (chap. 70), nous voyons un troupeau d’ânes sauvages se presser όμοθυμαδον autour de Thomas, sur son ordre, et tous ses membres demander à être attelés à son char. Au chap. 74, l’un des ânes tient aux démons un sermon en bonne et due forme ; au chap. 78, il se tourne vers Thomas, et le prie de faire usage de sa puissance divine ; au chap. suivant, il prêche longuement au peuple. » (Lukas Vischer, Le prétendu culte de l’âne dans l’église primitive, revue de l’histoire des religions, 1951)

L’âne « est donc tantôt divin, vénéré et bénéfique, tantôt démoniaque, honni, et maléfique. Cette ambivalence des fonctions est fréquente et, pour ce qui le concerne, existe dans toute l’antiquité, depuis l’Inde védique, en Égypte, en Grèce, à Rome, et persiste dans le moyen-âge chrétien. Celui-ci lui donne une place honorable, en souvenir de son passé biblique.[…] On le promenait en procession, on l’introduisait même dans les églises, et il a été « spiritualisé par les liturgistes des XIIe et XIIIe siècles », au point de devenir peut-être « le symbole de Jésus-Christ » lui-même, et de paraître, dans « la Prose de l’âne », par Pierre de Corbeil, du XIIIe siècle, qui chante ses vertus, « le symbole de Jésus-Christ », comme d’autres animaux, l’agneau, le lion, le pélican, la colombe. […] L’église voit aussi en lui le symbole de ceux qui n’ont pas connu la parole salvatrice, de la synagogue, du peuple juif. Et il est le diable. » (W. Deonna, Lavs Asini. L'âne, le serpent, l'eau et l'immortalité, Revue belge de Philologie et d'Histoire 1956 34-3 pp. 623-658).

_______________________________________

Mais revenons à l’Antiquité, et à un conte très ancien, puisqu’on en trouve les traces en Mésopotamie 3000 ans avant notre ère ; repris par le fabuliste latin Phèdre au premier siècle, puis transformé par Boèce au VIe s., il nous parle d’un âne jouant de la harpe, motif qui sera abondamment exploité dans les sculptures romanes de nos églises, et dans les enluminures des manuscrits médiévaux ;

Détail de l'ornement d'une harpe royale provenant d'Ur,  c. 2550 av JC
Pierre gravée de Samarie,avec âne musicien, taureau (symbolisant le prêtre d'heliopolis) et scarabée (symbole du soleil levant), Moyen Empire Egyptien, Louvre
Âne musicien, détail d'un chapiteau de colonne, XIIe s., entrée de l’église de Meillers, Allier
Petrus Comestor, Sermones, détail lettrine, début XIIIe s., abbaye Saint-Aubin, Angers, Bibliothèque municipale, codex sur parchemin BM,MS 0242 folio 1

Voici l’histoire : « Un roi et une reine sont malheureux de ne pas avoir d'enfant. À force d'implorer les dieux, la reine accouche d'un ânon qu’ils nomment Asinarius et qu'ils élèvent comme leur héritier. Il est instruit, aime particulièrement la musique et apprend à jouer de la lyre et à chanter. Voyant son image dans une rivière et honteux de sa laideur, il part au bout du monde. Il tombe amoureux de la fille d’un roi. Moqué tout d'abord sur son apparence, il joue si merveilleusement de la lyre et a tant de distinction qu'il épouse la princesse. La nuit de noces, Asinarius enlève sa peau d'âne et se transforme alors en un magnifique et vigoureux jeune homme, et finit par régner sur les deux royaumes. »

Cette histoire exploite le paradoxe, ou le drame, qui associe au son harmonieux de la harpe l’animal qui a le cri le plus disgracieux, et dont la constitution physique le rend incapable de jouer de la musique ou de produire un son harmonieux, bien que la nature l’ait doté de grandes oreilles qui le supposent capable d’entendre les sons les plus subtils. Cette malédiction est surmontée dans le conte par le prodige de l’éducation qu’il reçoit de ses parents aimants, et qui lui permet en définitive de transcender sa nature disgraciée. Le symbole de l’âne jouant de la harpe ou de la lyre peut donc être pris comme une parabole de l’élévation de l’homme ordinaire par l’initiation ou par l’éducation. Mais il peut au contraire être interprété au premier degré, et moquer le rustre qui se pique d’être cultivé.

Dans la mythologie gréco-romaine, on retrouve aussi la confrontation de l’âne et de la musique, à travers la légende du satyre Marsyas s’opposant à Apollon dans une joute musicale arbitrée par les Muses et par le roi Midas. Avant d’en donner le résumé, il faut se rappeler que les Satyres, comme Pan, Priape, et Silène, sont des divinités qui font partie du thiase de Dionysos, et qui pratiquent les arts et la musique sur un mode « débridé », s’opposant donc à la lyre d’Apollon qui préside à l’harmonie et à la mesure universelle. Par ailleurs l’âne est la monture et l’animal « totem » de Silène (dieu de l’ivresse) et de Priape (Dieu de la fertilité et de la puissance génésique masculine). Remarquons aussi que l’instrument favori des satyres est la flûte (aulos), souvent réalisée avec l’os du canon postérieur de l’âne, une façon de rendre à cet animal la musicalité que son braiment n’a pas (la lyre d’Apollon est à l’origine fabriquée par Hermès avec la carapace d’une tortue – animal muet, à qui est redonné ainsi également la capacité sonore).
Mais revenons à l’histoire : Marsyas était vanté par tous les paysans pour la beauté des mélodies qu’il sortait de sa flûte, plus belles que celles de la lyre d’Apollon. Le dieu se mit alors en colère et proposa à Marsyas un concours, avec pour juges les Muses et le roi Midas. Ils n’arrivaient pas à se départager, quand Apollon demanda à Marsyas de chanter en jouant, comme lui. Cela était évidemment impossible au joueur de flûte… Il perdit donc la joute et fut écorché par le dieu en guise de punition — comme on écorchait les ânes pour prendre leur peau. Son sang forma alors le fleuve Marsyas. Et comme Midas avait malgré tout déclaré le Satyre vainqueur, Apollon l’affubla d’oreilles d’âne. On retrouve donc en filigrane la confrontation et l’opposition entre l’âne et la lyre, entre la beauté céleste et la beauté terrestre.
Bernard Picart, Apollon contre Marsyas, et le roi Midas, 1722, gravure

Le braiment de l’âne pouvait aussi parfois se révéler utile. Pendant les combats, les anciens disaient qu’il avait le pouvoir d’effrayer l’ennemi… Il pouvait aussi prévenir d’un danger : ainsi dans une légende concernant Vesta, déesse vierge et protectrice du foyer chez les romains. L’âne était un animal qui lui était traditionnellement associé. Ovide raconte donc, dans les Fastes (6 : 319-348) que suite à un banquet des dieux organisé par Cybèle, Vesta s’était endormie sur le gazon non loin d’un ruisseau. Priape voulu profiter de l’occasion pour abuser d’elle, mais non loin de là, l’âne de Silène se mit à braire et réveilla la déesse juste à temps ; le dieu ithyphallique dut s’enfuir sous les quolibets des autres convives. Pour remercier l’âne, des colliers de pains sont accrochés aux ânes lors des fêtes de Vesta. Exactement la même histoire est aussi racontée par Ovide un peu avant dans les Fastes (1 : 415-440) mais c’est alors la nymphe Lotis qui en est la protagoniste. Cette fois, l’âne, en représailles, est sacrifié au Dieu Priape, et Lotis est métamorphosée en lotos (jujubier sauvage). La fable d'Ovide a été illustré par Giovanni Bellini dans un célèbre tableau titré Le festin des dieux, qui fût terminé après sa mort par son élève Tiziano Vecellio (le Titien):

Giovanni Bellini, Titien (1514 pour Giovanni Bellini, 1529 pour Titien), Le Festin des Dieux, huile sur toile 170,2 × 188 cm, National Gallery of Art Washington D.C. EU
Monogrammiste IB, Priape et Lotis, gravure , Nuremberg 1520-30,  Albertina Vienne
Attribué à Pieter van der Heyden, d'après Lambert Lombard, Sacrifice d'un âne au dieu Priape, 1533 gravure burin 28,4 x 40,3cm

Parmi les contes anciens consacrés à l’âne, Le grand roman initiatique d’Apulée (c. 125 - c. 170 après J-C) intitulé Métamorphoses, ou L’Âne d’Or, reprend le symbole de l’âne comme parabole de l’élévation de l’homme ordinaire par l’initiation : métamorphosé en âne pour avoir voulu prendre par un baume magique l’apparence d’un hibou, le héros Lucius part, sous sa nouvelle forme de quadrupède, à la recherche de roses, dont la consommation peut seule lui rendre sa forme humaine. Les nombreux récits-gigogne de ce roman (certains sont à l’origine de contes comme la belle et la bête) ont une signification ésotérique liée aux convictions gnostiques d’Apulée. Lucius finit par recouvrer son apparence humaine grâce à la déesse-mère Isis, qui l’initie à ses mystères. Il part à Rome et devient prêtre d’Isis et d’Osiris.
Les Métamorphoses ou l'Ane d'Or" d'Apulée, édition Compain-Bastien 1787
Shakespeare, dans Le songe d’une nuit d’été, fait vivre à l’un de ses protagonistes une mésaventure comparable : le naïf tisserand Bottom se voit affublé, par un sortilège, d'une ridicule tête d'âne ; il devient cependant grâce à un philtre magique l'objet de tous les désirs de la reine des fées Titania.
Joseph Noel Paton, Titania amoureuse de Bottom, illustration du "Songe d'une nuit d'été", édition 1850

Un autre conte de l’antiquité faisant intervenir un âne a été repris à la Renaissance (il est illustré par Rosso Fiorentino dans la Grande Galerie du château de Fontainebleau, voir image ci-dessous). Nicandre de Colophon (IIe siècle) raconte comment, ayant reçu de Zeus la jeunesse, les mortels, trop paresseux pour s’en préoccuper, confièrent à un âne ce cadeau précieux ; mais l'âne altéré voulut boire à une source gardée par un serpent (une dipsade, représentée par un dragon dans la peinture de Rosso). Pour être autorisé à se désaltérer, il remit au serpent la jeunesse des hommes qu'il portait sur son dos. Le serpent obtint ainsi la jouvence. C’est pourquoi depuis ce jour les hommes vieillissent et meurent tandis que les serpents changent de peau et gardent ainsi la jeunesse.
Rosso Fiorentino, Illustration du conte de Nicandre, c. 1530, fresque, Grande Galerie du château de Fontainebleau

_____________________________________


L’âne, animal ambivalent par excellence, courageux mais têtu, affectueux mais ridicule, résistant et opiniâtre mais lubrique, intelligent mais indécis, a été très tôt associé à de nombreuses manifestations, dont les plus connues sont la Fête de l’âne, et l’asouade (ou asinade).

Au moyen-âge (depuis le IXe siècle et parfois jusqu’au XVIIe) la fête de l’âne était une manifestation urbaine populaire dans laquelle les rites de la religion chrétienne étaient parodiés.
En certaines églises, elle constituait l'élément principal d'une fête spéciale ; dans d'autres, elle n'était qu'un intermède de la Fête des fous. L'âne, tantôt vivant et tantôt mannequin, représentait, soit la monture de Balaam, soit l’âne associé au Christ (crèche, fuite en Égypte, entrée à Jérusalem). Il venait en procession et pénétrait dans l’église, jusqu’au sanctuaire. Une messe était alors célébrée, en laquelle les répons (refrains) de l'Introït, du Kyrie, du Gloria in excelsis, du Credo, etc., étaient remplacés par un « Hi-han » trois fois répété. Après l'épître, on chantait la Prose de l'âne, pendant laquelle on essayait de faire braire la bête. La messe terminée, le prêtre, au lieu de dire : Ite missa est, disait trois fois « Hi-han » ; et le peuple, au lieu de Deo gratias, répondait aussi trois fois « Hi-han ».

Les asinades ou asouades étaient des sortes de charivaris, au cours desquels ont promenait dans les rues à califourchon à l’envers sur un âne une personne moquée et vilipendée pour son comportement (individu ou couple adoptant un comportement sexuel ou conjugal contraire aux normes de la société — par exemple les hommes battus par leur femme, et les couples dans lesquels la femme était beaucoup plus âgée que l’homme, pouvaient faire l’objet d’une asinade !). Lorsque la personne ne se soumettait pas à cette humiliation publique, quelqu’un d’autre prenait sa place pour la pantomime.


Chevauchée à l'envers, ou asinade, mosaïque trouvée à Volubilis, d'époque romaine

Asinade, gravure de 1609
L'asinade, ou le parcours infamant d'une maquerelle juchée sur un âne, d'après une gravure XVIIIe s., conservée aux Archives Nationales, ad-III-7, Paris


La charge symbolique négative de l’âne vient aussi de sa comparaison avec le cheval : ce dernier est une monture « noble », rapide, et de belle apparence, tandis que l’âne est la monture du pauvre, plus petit, plus lent, moins harmonieux avec sa croupe maigre, ses grandes oreilles, et son braiment disgracieux…

De fait, l’âne est associé à toutes les moqueries et toutes les parodies.
On en trouve par exemple trace sur une fresque d’un lupanar de Pompéi, où l’on voit un âne célébré par une victoire ailée, qui sodomise un lion…
Fresque de Pompéi, âne couronné par la Victoire quand il sodomise un lion, Cabinet secret, Musée national d'archéologie de Naples

Dans la littérature, l’âne personnifie souvent les vices et les comportements répréhensibles. Et cela depuis le haut moyen-âge. Dans le roman de Fauvel, poème satirique français composé vers 1310 - 1314, les lettres du nom de l'âne (Fauvel) désignent chacune un vice : F = Flatterie, A = Avarice, U (V) = Vilenie, V = Variété (inconstance), E = Envie et L = Lâcheté. Ce roman moralisateur est aussi un pamphlet contre les trois ordres (aristocratie, clergé, tiers-état).

Histoire de Fauvain par Raoul le Petit, 1326, Manuscrit, 350 x 255 mm 1326, Valenciennes Paris, BnF, département des manuscrits, Français 571 f° 146

La légende du roi Midas sert aussi de lien entre l’âne et la cupidité. Ce roi de Phrygie avait offert l’hospitalité à Silène (toujours associé à l’âne) et s’était vu récompensé par Dionysos en recevant le pouvoir de transformer en or tout ce qu’il touchait. Il faillit en mourir, toute nourriture se transformant en or à son contact. Le dieu du vin mit fin à son calvaire en lui prescrivant de se laver les mains dans le fleuve Pactole, qui depuis charrie des pépites du métal précieux. Dans le conte populaire de Peau d'Âne, l'âne dont la princesse porte la peau était un âne magique qui déféquait des pièces d'or, et faisait la richesse du roi. La dot pour le mariage incestueux qui souille la princesse est la peau de l’âne, liant ainsi l’âne, l’or, et la souillure. " Parfois des larrons vendent à leurs dupes, en leur faisant accroire qu'ils possèdent ce don, un vieux cheval ou une vieille jument, auxquels ils ont mis un louis sous la queue " (Paul Sébillot). L’âne déféquant des pièces d’or se retrouve ainsi dans beaucoup de dessins humoristiques :

Johann Theodor de Bry, d'après un anonyme, "d'énormes tas d'or seront chiés par ce baudet", 1596,  gravure 105 × 97 mm

Au XVIIe siècle, quelques fables de La Fontaine, calquées souvent sur les fables d’Ésope, mettent en scène l’âne, et lui donnent généralement le mauvais rôle. Voici leur titre (avec le lien Internet pour y accéder) :

Dans la peinture et le dessin humoristique, l’âne est de toutes les parodies :

-       Francisco Goya, dans les « Caprichos » (gravures à caractère à la fois satyrique et onirique) utilise le symbole de l’âne pour désigner les folies et incohérences des comportements humains :


Francisco Goya, six gravures des séries "Caprichos", édités en 1799

-       En 1863, Courbet l’anticlérical, pour se moquer des curés qui font bombance, réalise un grand tableau (aujourd’hui détruit) qui met en scène sept curés ivres dont le plus gros est assis sur un baudet, parodiant ainsi les peintures mythologiques représentant la procession de Silène, lui aussi associé à l’âne. La position et le visage du curé assis sur l’âne sont directement inspirés du Triomphe de Silène de Rubens (musée du Prado).
Cliché pris en 1881 du tableau perdu de Courbet "Retour de la conférence" (1863, huile sur toile 2,30 m x 3,30m), Bibliothèque Institut Gustave Courbet
Gustave Courbet "Retour de la conférence", aquarelle, juin 1862, 23,3 x33,4 cm retouchée par un anonyme (visages) - collection privée
Peter-Paul Rubens, Le Triomphe de Bacchus (détail) 1636-38 huile sur toile, 180 x 295 cm, Musée du Prado, Madrid
Agostino de Musi, dit Agostino Veneziano, La procession de Silène, c. 1520, gravure, 18.4 x 25.7 cm, National Gallery of Art, Washington

-       Tout le monde connaît aussi le supposé âne de Buridan (du nom du philosophe français du XIVe siècle Jean Buridan), qui symbolise une expérience de pensée dans laquelle une injonction contradictoire rend toute décision impossible : l’âne affamé et assoiffé placé à égale distance entre un seau d’eau et une botte de foin se laisse mourir, ne sachant vers quel côté se diriger en premier. Au XIXe siècle, l’âne de Buridan, comme l’asinade, servent de matrice à beaucoup de dessins humoristiques :

L'âne de Buridan entre deux opinions (1859) par A-C-H de Noé (1819-1879) alias Cham
Dessin humoristique anglais parodiant Napoléon, Imprimé par J Phillips, Londres, Mai 1814

Parfois, l’âne peut prendre une valeur positive en symbolisant les qualités du peuple opposées aux dérives de l’aristocratie. « Eloge de l'Asne, par un Docteur de Montmartre », petit ouvrage parodique de Joseph Cajot,  paru en 1769, se moque de l'histoire naturelle de Buffon, et ironise en opposant les ânes de Montmartre aux ânes de Babylone, « allusions aux ridicules et aux travers du jour ».
Joseph Cajot conclut ainsi sa parabole :

« Puissent mes lecteurs ne voir désormais dans le lion qu’un monstre féroce et redoutable ; dans le cheval qu’un animal agréable, quelquefois utile, souvent dangereux. Dans le reste des animaux que des êtres d’une utilité médiocre, ou qui n’ont d’autre mérite que leur figure ou leur rareté. Dans l’âne enfin un animal facile à élever, facile à nourrir, facile à conserver ; un animal utile et nécessaire ; un animal qui mérite à juste titre le rang de roi des animaux.

Ce qui doit surtout fixer leur attention, c’est de ne plus confondre les ânes à courtes oreilles avec ceux de Montmartre. Ce sont deux races absolument différentes ; elles n’ont ni la même forme extérieure, ni les mêmes inclinations. Les premiers sont frivoles, stupides, gourmands, paresseux, insolents : la gravité, l’esprit, la modestie, l’amour du travail, l’humanité, voilà les attributs des seconds ; ils sont des ânes véritables, des ânes accomplis, au lieu que les autres, soit mâles, soit femelles, ne sont qu’une race bâtarde, qu’une race dégénérée, digne plutôt de commisération que de mépris. Revenez donc, ô Babyloniens, revenez de vos préjugés sur les habitants de ma patrie et ceux de la vôtre. Ayez pitié des seconds, respectez les premiers, c’est le moyen de rendre justice à tout le monde. »


Chez Victor Hugo, l’âne représente l’âme généreuse des gens simples, opposée à la fatuité et l’hypocrisie des bourgeois. Dans « Le crapaud » Victor Hugo s’exprime ainsi :

« Le baudet qui, rentrant le soir, surchargé, las,
Mourant, sentant saigner ses pauvres sabots plats,
Fait quelques pas de plus, s'écarte et se dérange
Pour ne pas écraser un crapaud dans la fange,
Cet âne abject, souillé, meurtri sous le bâton,
Est plus saint que Socrate et plus grand que Platon.
[…]
La bonté, pur rayon qui chauffe l'Inconnu,
Instinct qui dans la nuit et dans la souffrance aime,
Est le trait d'union ineffable et suprême
Qui joint, dans l'ombre, hélas! si lugubre souvent,
Le grand ignorant, l'âne, à Dieu, le grand savant.
 »

Hugo a également écrit en 1857-58 un long poème raconté par un âne confronté aux vanités prétentieuses du savoir académique et aux incertitudes métaphysiques générées par l’esprit critique des Lumières (L’ANE, publié en 1880).
L’âne Patience y déclare :

« Par l'honneur que m'a fait Christ en montant sur moi
Comme si l'âne était un degré de Calvaire,
Je le jure devant l'aube et la primevère,
Devant la fleur, devant la source et le ravin,
Digne Kant, je suis prêt à proclamer divin,
Vénérable, excellent, et j'admire et j'accepte
L'enseignement duquel on sortirait inepte,
Ignare, aveugle, sourd, buse, idiot ; mais bon.
[…]
Et, philosophe ! au fait, comment tous ces monceaux
De tomes, gravement contemplés par les sots,
Pourraient-ils enfanter un résultat quelconque ?
Un rien les dépareille ou les brouille ou les tronque.
Puis ils se font la guerre entre eux, je te l'ai dit.
[…]
L’homme manque à sa tâche divine.
Je cherche un édifice et je trouve une ruine. »


_______________________________________


Pour finir, je voudrais citer trois peintres modernes qui ont établi un lien particulier avec la figure de l’âne : d’abord Salvador Dalí, puis Marc Chagall, et Gérard Garouste.

Dans "L'Âne pourri", article publié dans Le Surréalisme au service de la révolution en 1930, Salvador Dalí fixe les bases de sa méthode paranoïaque-critique qu'il décrit comme « une méthode spontanée de connaissance irrationnelle basée sur l'association interprétative-critique des phénomènes délirants ». Il raconte dans « la vie secrète de Salvador Dalí » son attirance/répulsion/fascination, quand il était enfant, pour un hérisson en putréfaction, grouillant de vers. Cette obsession paranoïaque s’est ensuite incrustée en lui à travers les nombreux ânes morts rencontrés dans les paysages desséchés de l’Ampurdan. Fascination pour deux expressions de la mort, à travers les formes molles des créatures disloquées autour desquelles grouillent asticots et fourmis, et à travers les formes squelettiques immobiles, renvoyant à l’architecture sous-jacente de la vie. Avant d’écrire son article, Dalí avait titré une de ses peinture « L’âne pourri » (1928), et la tête décomposée d’un âne apparaissait sur le clavier d’un piano dans une scène du Chien andalou (réalisé avec Luis Buñuel en 1929), reprise aussi dans la partie supérieure de sa toile Guillaume Tell (1930). L’obsession pour l’âne pourri a valu à Dalí l’estime de Georges Bataille, qui voyait en elle l’écho de son esthétique de l’informe.
Salvador Dali, L'âne pourri, huile sur toile 612 x 50 cm,  1928,  musée d'Art Moderne, collections Centre Georges Pompidou, Paris

Dans les œuvres de Marc Chagall, se manifeste l’attachement du peintre à ses origines, à travers de nombreuses références explicites à la culture juive de Russie. S’intéressant particulièrement à la Thora, Chagall transforme ces sources textuelles en visions métaphoriques et poétiques, dans lesquelles les animaux jouent le premier rôle. L'âne peut représenter dans certains tableaux l’artiste lui-même avec son caractère doux et paisible ; on le retrouve ainsi dans de nombreuses œuvres, aux côtés de sa femme Bella. Chagall développe toujours plusieurs registres symboliques, et son identification à l’âne renvoie à la spiritualité hassidique, dans laquelle l’animal est comme une parcelle du divin.
Le peintre a pris aussi plaisir à illustrer plusieurs fables de La Fontaine qui mettent en scène certains de ses animaux fétiches, parmi lesquels l’âne est toujours en bonne place.

Marc Chagall, Le cheval et l'âne, (FABLES DE LA FONTAINE) gouache et encre sur papier 51 x 41,4 cm, c. 1927

Marc Chagall, L'âne et le chien, (FABLES DE LA FONTAINE) gouache et encres sur papier 51,1 x 40,5 cm, c. 1927

Gérard Garouste a bâti dans sa peinture un lien particulier et érudit à la Thora. Son rapport à la culture juive s’est construit sur la base du traumatisme qu’a constitué pour lui la relation à son père, marquée par la honte et la colère, ce dernier ayant été profiteur des biens juifs confisqués pendant la seconde guerre mondiale. Garouste, marié à une femme juive, s’est converti et a appris l’hébreu pour mieux s’imprégner de cette culture. L’âne lui est donc familier pour son importance symbolique dans le Talmud, mais aussi parce que le jeune Gérard, peu assidu à l’école, fut souvent affublé du bonnet d’âne, scène que l’on retrouve d’ailleurs dans certains de ses tableaux.
L’artiste se met en scène, mais aussi les siens : il se portraiture sous la forme d’un malade, d’un héros biblique ou d’un âne-chimérique. Ces figurations subliminales intègrent souvent des éléments hétéroclites venant de Hergé, du Talmud, des fables de La Fontaine ou de contes ashkénazes.
Voici quelques œuvres du peintre mettant en scène âne ou ânesse (lien ici pour l'interprétation) :

Gérard Garouste, L'ânesse et la figue, (intégrant un portrait de Modiano) huile sur toile, 2006

Gérard Garouste, Le passage, (autoportrait) huile sur toile 260 x 205 cm, 2005
Gérard Garouste, L’étudiant et l’autre lui même (2007) Huile sur toile 195 x 160 cm