présentation des peintures synchronistiques

lundi, octobre 09, 2017

Petit manifeste de la figuration synchronistique

Gilles Chambon, 100 titres - cène synchronistique, huile sur toile 77 x 200cm, 2014
L’heure n’est plus aux grands manifestes qui ont scandé l’histoire des avant-gardes de l’art moderne, et je n’ai plus non plus, depuis longtemps, l’âge du romantisme révolutionnaire qui incite les jeunes créateurs à se démarquer de leurs prédécesseurs en se regroupant sous un nouveau credo.

Mon petit manifeste de la figuration synchronistique est donc moins un point de départ qu’un aboutissement. Il est le résultat de mes longs tâtonnements intellectuels, pour cerner les causes de la crise d’identité qui frappe les arts plastiques depuis un demi-siècle, et de mes non moins longs tâtonnements pratiques, pour tenter de trouver des réponses picturales qui permettent de sortir de cette crise. Bien sûr ce manifeste aurait eu davantage de lustre s’il avait été signé collectivement… Mais il s’inscrit dans une démarche personnelle et solitaire, témoignant de l’isolement malheureux auquel sont réduits la plupart des artistes qui résistent aux courants dominants imposés par les fonctionnaires de la culture, les critiques d’art, les galeries, et les médias.

Je ne sais s’il restera une simple « curiosité » artistique sans lendemain, lié à ma seule personne, ou s’il trouvera une audience auprès de critiques qui en relaieront le message, ou auprès d’autres artistes qui auront envie d’en approfondir les préceptes…

Quoi qu’il en soit, il aura au moins eu le mérite d’exister ! 

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P e t i t   m a n i f e s t e   d e  l a  f i g u r a t i o n   s y n c h r o n i s t i q u e
p a r  G i l l e s  C h a m b o n


En ce début de XXIeme siècle, la disjonction entre peinture et « art contemporain » paraît définitivement consommée. L’art contemporain, qui joue toujours sur la transgression des limites, n’utilise plus que de façon très accessoire le médium que constitue la peinture, tableau ou fresque. Il se développe plutôt comme une culture hors sol : ses installations, vidéos, et performances, faute de pouvoir plonger leurs radicelles dans le riche substrat de l’imaginaire pictural du passé, les laissent flotter au gré des ondes de la mode, se raccrochant ici où là, pour mieux se nourrir, aux concepts évanescents qui flottent dans l’air du temps. On peut bien sûr aimer et défendre cet art à la dérive - ce que font la plupart des critiques spécialisés - mais on a aussi le droit de s’en défier et d’espérer un réenracinement, une renaturalisation (nature humaine) de l’art, un réenchantement poétique de la création plastique, dans lequel les peintres devraient jouer un rôle de premier plan. Mais aujourd’hui, si la plupart d’entre eux ne se sont pas laissés entraîner dans la dérive de l’art contemporain, ils n’en sont pas pour autant au mieux de leur forme : les artistes restés fidèles à la peinture – et ils sont légion, peinent à trouver des repères solides. Le foisonnement tous azimuts de leurs expressions idiosyncrasiques ne parvient pas à masquer le grand vide sémantique que le monde artistique contemporain tente de conjurer en multipliant les expositions.

Nos sociétés mondialisées, avec leurs mégalopoles qui ressemblent à des tours de Babel, sont soumises à une profusion d’images, jusqu’à l’indigestion. Trop d’images tue l’image. Et comme aux temps bibliques du roi Nemrod, où personne ne comprenait plus personne, les langages plastiques de la peinture se sont multipliés confusément dans la seconde moitié du XXe siècle, et les artistes ont oublié toute langue de vérité. Depuis, la création picturale est devenue une vaste et assourdissante cacophonie. Malgré les tentatives de fédérer les démarches postmodernes sous les bannières de la nouvelle figuration, de la figuration narrative, de la figuration libre, du street art, ou du lowbrow, etc., chaque Salon d’art vrombit comme une ruche du mouvement brownien de créateurs désorientés, incapables de communiquer au-delà des quelques cercles de supporters qui les entourent. Les temps héroïques de la grande peinture qui émerveillait souverains collectionneurs et intellectuels eux-mêmes artistes, sont révolus. Révolu aussi le temps des mouvements picturaux d’avant-garde, ceux qui ont marqué la fin du XIXe siècle et le début du XXe, bouillonnant au rythme des révolutions de la pensée et de la poésie modernes. Ils ont cédé la place au temps des contorsions, des postures que tentent de prendre les artistes pour se faire remarquer des médias, des critiques, ou d’une clientèle devenue trop rare.

Alors une question se pose : peut-on encore aujourd’hui créer de la nouveauté en peinture ? Dans cette forme d’art qui, depuis vingt mille ans, s’évertue à fixer sur un support matériel pérenne et plus ou moins plan, des représentations synthétiques et symboliques d’une réalité vécue ou rêvée ? Y a-t-il encore un sens à vouloir traduire par une image peinte immobile élaborée manuellement cet univers contemporain si agité, que notamment le cinéma, la photographie numérique, et les images virtuelles peuvent tellement mieux restituer ou réinventer ? Alors où trouver encore pour le pinceau un territoire inexploré ? Quelles facettes du monde réel ou imaginaire peut-il encore découvrir ?

Les créateurs contemporains ont jugé qu’au bout du compte, il était temps de laisser la représentation du monde aux arts visuels issus des nouvelles technologies, et que la peinture, si tant est qu’elle doive survivre, avait mieux à faire, en se consacrant, par exemple, à traduire la fêlure de notre rapport au monde. D’où cette déréliction, voire cette folie qui a gagné la peinture contemporaine. Depuis plus d’un demi-siècle, elle délire et semble se dévorer elle-même. Elle s’observe comme artefact, elle s’amuse à démonter toute sa machinerie interne : déconstruction de la figure, déconstruction du sens, déconstruction de la beauté, de la matière, de la couleur, du support, et en fin de compte du métier lui-même… Elle n’en finit pas de se désintégrer, de sucer ses propres os, sans parvenir pourtant ni à disparaître, ni à renaître.

Pour échapper à cet état ectoplasmique, il faut aujourd’hui que la peinture trouve en elle-même la force de se ressourcer, qu’elle puise dans les profondeurs de son histoire, et recommence un nouveau cycle de vie figurative, glorieuse et mouvementée, en phase avec le siècle qui commence. Quand on se penche sur son histoire, on découvre qu’elle a toujours mené de front deux objectifs : d’une part rendre compte, à travers les thèmes imposés par les commanditaires, de l’imaginaire d’une époque, et le glorifier ; d’autre part élaborer, à partir de l’étude des maîtres du passé, et avec la connaissance actualisée des mécanismes de la vision, une esthétique picturale optimisée. Aujourd’hui, le premier de ces objectifs n’a plus vraiment de sens : l’imaginaire contemporain est multiple, et les commanditaires manquent, ou ne demandent plus à l’artiste la glorification de leur propre imaginaire, mais plutôt la glorification de sa critique, qui conduit, en fin de compte, à la destruction pure et simple de la dimension imaginaire de l'œuvre. Reste le second objectif, qui à mon sens est le seul à justifier la pérennisation de l’art pictural. Si la peinture n’a plus lieu d’être un discours sur les imaginaires qui animent la société, elle est par contre tout à fait légitime à discourir sur elle-même et sur la dimension poétique de son histoire, sur l’imaginaire spécifique qu’ont su créer depuis la Renaissance l’étude et l’amour de la peinture même.

Reste à comprendre la dynamique de la machine poétique humaine. Dans le cas de l’imaginaire pictural, tout semble se passer comme s’il existait des méridiens secrets, une carte invisible des convergences d’énergies imaginales dégagées par les tableaux, dont il serait nécessaire de suivre les reliefs naturels, les courants, pour avancer de façon efficace, à l’instar des navigateurs qui doivent s’appuyer sur les vents, ou des sondes spatiales qui ont besoin de profiter de l’attraction des planètes pour s’élancer vers des espaces cosmiques plus vastes.
La force du peintre d’aujourd’hui - dont la véritable spécificité est qu’il lui est enfin possible, grâce à Internet, d’avoir un accès quasi immédiat à l’ensemble des œuvres du passé sauvées de l’oubli - cette force est peut-être simplement sa capacité à saisir, sélectionner et recomposer selon son art, les images, ou autres signaux, émis par ses prédécesseurs. S’il respecte les méridiens secrets, l’assemblage produira alors certainement un choc poétique et sémantique, de nature inédite et imprévisible.

C’est cela, la figuration synchronistique.

La synchronicité est un concept forgé par le psychanalyste Carl Gustav Jung. Il avait fait l’hypothèse qu’une signification insolite et profonde pouvait surgir spontanément de configurations particulières d’événements se présentant à nous, sans que cette signification soit d’aucune façon liée à un enchaînement de causalités (évènements dus au hasard, convergence de phénomènes dépourvus de toute logique temporelle). Il avait nommé cela la synchronicité.

La peinture synchronistique se propose donc de réensemencer notre imaginaire pictural ramolli par un demi-siècle d’errance, en faisant coexister en une association nouvelle et mystérieusement signifiante, des fragments ou des réminiscences de peintures plus ou moins connues de l'histoire de l'art, avec parfois des styles et des périodes historiques très éloignés. C’est ainsi qu’en s’appuyant sur les béquilles que leur prêteront les maîtres du passé, les peintres de la figuration synchronistique sortiront leur art de l’ornière où il s’était enlisé. Le public s’étonnera de ces rapprochements et de ces mises en scène picturales produisant un sens nouveau et une prégnance esthétique inattendue.

En renouant avec l'histoire de la peinture, en rendant hommage aux artistes qui l'ont marquée, ou en remettant en lumière des artistes oubliés, la démarche synchronistique introduira aussi en peinture une dimension qui était jusqu’à présent plutôt associée à la musique : celle de l’interprétation. Il ne s’agit pas de la simple copie, pratiquée jadis par les plus humbles peintres comme par les plus grands maîtres ; mais d’une relecture, d’une recomposition, plus en phase avec la créativité et l'imaginaire contemporains.

Mes premiers travaux de figuration synchronistique ont été commencés en 2014. Ils se sont beaucoup appuyés sur des œuvres cubistes, parce que le cubisme a été à mon sens la plus grande révolution dans le domaine de l’espace pictural : il l’a libéré du continuum de la représentation spatiale, et de la fidélité aux figures, qui étaient depuis l’antiquité les deux piliers de la peinture. En faisant cela, il a ouvert la représentation picturale à une esthétique rythmique autonome, de type musical, et distanciée volontairement de la représentation du réel. Cette beauté musicale incontestable des œuvres cubistes avait cependant une faille : la diffraction géométrique systématique des figures à laquelle les peintres cubistes se livraient rendait celles-ci moins actives, leur ôtait la force onirique et sentimentale pourtant si importante pour l’accomplissement total de la magie picturale. 

Mon travail synchronistique a donc fait le pari de jouer sur les deux tableaux : profiter de la musicalité spatiale cubiste, et également de la prégnance onirique des œuvres antérieures de l’histoire de la peinture. J’ai aussi par la suite associé des peintures abstraites comme celles de Picabia, de Zao Wou-ki, d’Albert Bitran ou d’Alberto Burri, à des personnages maniéristes, romantiques, symbolistes, ou expressionnistes. J’ai réuni l’esthétique distanciée du réel, propre à l’art moderne, avec la prégnance de figures hypersuggestives, propres à la tradition picturale des maîtres du passé.  Cette nouvelle association musicalité / dramaturgie en peinture peut être comparée à celle que produisirent l’opéra et la comédie musicale dans le domaine du théâtre.
Le rapprochement d’éléments disparates a toujours été à l’origine de la nouveauté. Mais il peut être chaotique et destructeur si l’abîme qui les sépare est trop grand ; il peut aussi être insignifiant et infécond si aucun dialogue n’arrive à se nouer entre ces éléments. La figuration synchronistique tente d’éviter ces deux écueils.

Je livre donc à l’appréciation du public les premiers exemples de peintures composées selon les principes de la figuration synchronistique (sur ce lien de mon site, ou en consultant les articles de la rubrique "nouvelles peintures" de ce blog) ; elles donnent une idée concrète, et j’espère convaincante, des potentialités de cette façon nouvelle d’aborder l’art pictural aujourd’hui.

vendredi, septembre 29, 2017

Le vol de sept notes célestes

Gilles Chambon, Le vol de sept notes célestes, huile sur toile 55 x 45cm, 2017
Mes tableaux synchronistiques sont à la fois vol (larcin) et vol (envol). J’ai en effet besoin, pour que s’envolent sur ma toile les notes d’une nouvelle mélodie picturale, de chiper à mes prédécesseurs leurs belles compositions, quitte à les froisser un peu pour les faire épouser mon projet.

Dans cette peinture, le vol de sept notes célestes – correspondant certainement aux sept cordes de la lyre d’Apollon, est initié par une déesse aux yeux mi-clos qui n’est autre que l’aurore… Ce qui est somme toute assez logique, puisque l’aube ouvre la voie au dieu solaire qui inonde chaque matin la nature de beauté.

J’ai emprunté l’Aurore à Jean Souverbie (huile sur toile, 1929), et à Francisco Bores une nature morte, avec pomme et compotier, de 1958, que j'ai transformée en une table d’harmonie picturale. 
 

jeudi, septembre 21, 2017

La Vierge, l’archange Saint Michel, et les signes célestes

Rogier van der Weyden, partie centrale du polyptyque du Jugement Dernier, 1446-52, huile sur bois, 215x560cm, Musée de l'Hôtel Dieu, Beaune
Ce 23 septembre 2017, certains astrologues nous prédisent l’accomplissement de la vision du chapitre XII de l’Apocalypse de Jean :

" 1 Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ;
" 2 elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l'enfantement.
" 3 Puis un second signe apparut au ciel : un énorme Dragon rouge feu, à sept têtes et dix cornes, " chaque tête surmontée d'un diadème.
" 4 Sa queue balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre. En arrêt devant la Femme en travail, le Dragon s'apprête à dévorer son enfant aussitôt né.
" 5 Or la Femme mit au monde un enfant mâle, celui qui doit mener toutes les nations avec un sceptre de fer ; et son enfant fut enlevé jusqu'auprès de Dieu et de son trône,
" 6 tandis que la Femme s'enfuyait au désert, où Dieu lui a ménagé un refuge pour qu'elle y soit nourrie mille deux cent soixante jours.
" 7 Alors, il y eut une bataille dans le ciel : Michel et ses Anges combattirent le Dragon. Et le Dragon riposta, avec ses Anges,
" 8 mais ils eurent le dessous et furent chassés du ciel. »
Illustration du Chapitre XII de l'Apocalypse de Jean, Beatus d'Osma, XIe siècle, f. 117v
Anonyme roumain, La vision de la femme de l'Apocalypse de Jean, c. 1510-1520, panneau de côté du retable de Szentbenedek, 74x120cm, d'après une gravure de Dürer (voir infra)

Selon ces astrologues, le 23 septembre 2017, nous pourrons voir dans la constellation Virgo, (analogie avec la femme de l’Apocalypse que l’on assimile à la Vierge Marie, notamment dans les représentations de la Vierge de Guadalupe), le soleil proche de sa tête, et la lune proche de ses pieds. La constellation de l'Hydre, à côté de Virgo, renforce l’analogie avec la femme de l’Apocalypse. Au-dessus de la tête de Virgo, la constellation du Lion, contenant neuf étoiles, se verra renforcée le 23 septembre de cette année par la proximité des planètes Mercure, Mars et Vénus, le nombres d’étoiles au-dessus de la tête de de la Vierge passant ainsi à douze comme dans le premier verset chap. XII de l’Apocalypse. Exactement au même moment, Jupiter, l’astre-roi, se trouvera proche du ventre de Virgo, rappelant symboliquement l’enfant mâle dont elle accouche et qui doit mener toutes les nations (verset 5). 


Je laisse bien évidemment aux astrologues la responsabilité de leurs vérités imaginaires, mais je voudrais profiter de l’occasion pour montrer comment se sont nouées au cours des siècles, à travers l’imaginaire des peintres, les rapprochements entre la Vierge Marie, les constellations de la Vierge (Virgo), et de la Balance (Libra), et l’archange Saint Michel. 

Pour bien comprendre, il faut d’abord se pencher sur le signe astrologique de la Balance (elle fut créée comme constellation qui suit la Vierge, au moment de la mise au point définitive du zodiaque par l’astronome grec Hipparque, au IIe s. av J-C).

Globe céleste de Mercator, 1551, détail montrant la Balance et le Scorpion, Harvard College Library
Intercalée entre le signe de la Vierge et celui du Scorpion (les étoiles formant les plateaux de la balance sont les mêmes qui forment les pinces du scorpion), il avait pour fonction de créer un douzième signe pour faire correspondre les constellations aux divisions du calendrier. Le symbole de la balance a sans doute été choisi parce que, se situant à l’équinoxe d’automne, il indiquait l’équilibre entre les jours et les nuits.
La roue du zodiaque, in Recueil médical du XIe s., Manuscrit MS Lat. 7028, Bibliothèque Nationale

Mais dans l’imaginaire des anciens, la balance était déjà associée à la pesée des âmes, à la justice, et au jugement.
On voit ainsi de nombreux bas-reliefs et papyrus égyptiens qui reprennent un épisode du Livre des Morts : le défunt est incliné devant les plateaux d’une balance ; sur l’un repose son cœur, et sur l’autre une plume d’autruche, symbole de Maât, déesse de la justice. Anubis, le dieu psychopompe à tête de chacal, réalise la pesée, tandis que Toth, inventeur de l’écriture, enregistre le résultat. La monstrueuse déesse Hammout, à tête de crocodile et corps d’hippopotame, attend pour dévorer le cœur de celui qui aurait été jugé impur. Si le cœur du défunt est jugé pur, celui-ci sera conduit par Horus devant Osiris qui lui ouvrira le séjour des bienheureux.
Papyrus de Ani, la pesée du cœur de Ani, XVIIIe dynastie, vers 1200 av J-C, British Museum

Revenons à la balance du zodiaque ; dans certaines des plus anciennes représentations romaines qui nous sont parvenues, la balance est tenue par un homme.

Mosaïque zodiacale de la synagogue de Hamath-Tiberiade, détail de la Balance, VIe s.
Mais par la suite, ce sera plus souvent une femme, peut-être par rapprochement avec Thémis, déesse grecque de la justice qui tient aussi une balance ; ou par assimilation à la déesse Aequitas, qui figure sur de nombreuses monnaies de l'empire romain, et qui tient en plus de la balance une corne d'abondance (à rapprocher de l'épis porté par la Vierge zodiacale) :

Monaie frappée sous Nerva, montrant la déesse Arquitas

La proximité entre le symbole d'Aequitas et la constellation de la Vierge, est confirmé par l'assimilation de celle-ci, dans la mythologie, à Astrée (elle aussi divinité grecque de la pureté et de la justice), transformée en la constellation Virgo pour avoir quitté la terre par dégoût des humains corrompus de l’âge du fer (Cf. Ovide, Métamorphoses). D'ailleurs dans quelques manuscrits médiévaux, c’est la Vierge qui, en plus de son traditionnel rameau, tient la balance.

Virgo, folio extrait du Liber Albandini, BNF Lat 7351, Gallica

Cette contagion par proximité zodiacale se voit aussi dans certaines gravures de la Renaissance (et aussi dans des manuscrits médiévaux) où la Vierge tient un caducée : c’est tout simplement parce que ce signe astrologique est dominé par le dieu Mercure.

Constellation de la Vierge tenant un caducée, in manuscrit Aratea di Leida, Lotaringie, c. 825, Université de Leida
Dans la représentation de la voûte céleste par Fernando Gallegos (1490) sur la voûte de l'ancienne bibliothèque de l'Université de Salamanque ci-après, on voit d’ailleurs Mercure sur son char et muni de son caducée passer à proximité de la Vierge).

Fernando Gallegos, Char de Mercure passant à côté de la Vierge, détail du plafond de la bibliothèque de l'Université de Salamanque, 1490
La proximité Mercure/Virgo nous renvoie d’ailleurs à la proximité Vierge Marie/Archange Saint Michel : ce dernier est en effet un analogue de Mercure (messager des dieux et psychopompe, lui-même dérivant du dieu égyptien Toth), comme l’attestent les nombreux sanctuaires gallo-romains où son culte s’est substitué à celui de Mercure-Lugus (par exemple en Vendée, à Saint-Michel-Mont-Mercure).

Luca Signorelli, Saint Michel pesant les âmes (on voit sur son casques les ailes caractéristiques du dieu Mercure)
En raison de ces filiations/substitutions entre traditions mythologiques antiques et traditions chrétiennes, on retrouve beaucoup d’analogies dans les représentations de Saint Michel, de la Vierge Marie, et du démon (notamment dans celles liées au Jugement Dernier et à l’illustration de l’Apocalypse de Jean), avec les images antiques impliquant Virgo/Astrée, Mercure/Asclepios,  Ophiuchus/Hydre  :

-    La pesée des âmes par l’archange Saint Michel, du XIIe au XVIIIe siècle, est l’exemple le plus significatif. L’archange tient le fléau de la balance qui pèse les bonnes et les mauvaises actions de l’âme défunte, à la manière du dieu égyptien Toth. Si les bonnes actions pèsent plus lourd, il dirige l’âme vers le ciel ; dans le cas inverse, l’âme est abandonnée aux démons qui la précipitent dans la gueule monstrueuse de l’enfer (comparable à la gueule d’Hammout). Il est à noter que dans beaucoup de ces images, on voit le diable s’accrocher au plateau de la balance pour le faire pencher en sa faveur… Mais aussi, parfois, c’est Saint Michel qui appuie sur le fléau pour contrer le démon et sauver l’âme.
Maître de Loreto, Fresques de l'église Santa Maria in Piano, Loreto; détail de l'archange Saint Michel jugeant les âmes, C. 1460 (le costume est inspiré de la tradition byzantine)

Fresque du mur nord de l'église Santa Maria del Castello, 1459-69; détail montrant St Michel pesant les âmes et terrassant le Dragon;  Mesocco, Tessin

Fresque du XIVe siècle, église Saint-Pierre-le-Jeune, détail du mur collatéral nord représentant la pesée des âmes par St Michel (qui appui du bon côté du fléau!) , Strasbourg

Psautier latin dit de Saint Louis et Blanche de Castille, Le jugement dernier, f. 169 v Bibliothèque de l'Arsenal
Manuscrit 1370-80, Saint Augustin, De Civitate Dei, livre XI-XXII, Saint Michel pèse les âmes, f. 370 r - illustrateir: Maître du sacre de Charles V, Gallica BNF

Bernardino Zenale, L'archange Saint Michel pesant les âmes, c. 1500, collection privée, Zurich
Agnolo Bronzino, L'archange Saint Michel et le Démon, 1525, Palazzo Madama, Turin


-    Quand Saint-Michel combat le Démon (souvent assimilé au dragon à sept têtes et dix cornes de l’Apocalypse), l’aspect de celui-ci renvoie aux monstres de la mythologie gréco-romaine (hydre de Lerne tuée par Hercule, monstre marin combattu par Persée, dragon vaincu par Cadmos).
Antonio Pollaiuolo, à gauche, Hercule et l'hydre, 1470, musée des Offices, Florence ; à droite, L(archange st Michel tuant le dragon (on voit sur le casque les ailes attribut de Mercure), musée Bardini, Florence 
Illustration chapitre XII Apocalypse, gravure XVIIe s., Provenance non identifiée

-    Virgo/Astrée, dans la représentation astrologique issue de l’antiquité, est pourvue d’une paire d’ailes, comme le sera la plupart du temps la Vierge/femme de l’Apocalypse. Dans la carte astrologique du ciel, Virgo/Astrée côtoie d’un côté Ophiuchus/Serpentaire (un homme – Asclépios, aux prises avec un serpent), et de l’autre l’Hydre, grande constellation serpentiforme ; pareillement dans beaucoup de peintures, de la Renaissance au XVIIIe, la Vierge/femme de l’Apocalypse côtoie le dragon à plusieurs têtes combattu par Saint Michel (rappelant le Serpentaire), et dont la longue queue qui « balaie le tiers des étoiles » évoque l’Hydre, la plus longue des constellations célestes.

À droite, Dürer, Femme de l'Apocalypse et dragon à 7 têtes, gravure, 1497; à gauche, Hendrick Hondius, Atlas céleste austral (Alis coeli) détail montrant le Lion, la Vierge, la Balance et le Scorpion, avec à gauche l'Hydre, et en bas à droite, le Serpentaire, 1660.

-    Astrée, montée au ciel, est devenue la constellation de la Vierge. Parallèlement, dans la tradition chrétienne, la Vierge Marie, montée au ciel lors de l’assomption, est devenue reine des cieux et son manteau bleu est souvent perçu comme une métaphore de la voûte étoilée ; on le voit ainsi couvert d’étoiles dans plusieurs peintures du XVe siècle, et les représentations dites de la « Vierge de Miséricorde » la montrent protégeant les humains sous les pans de son manteau céleste.

Sano di Pietro, Vierge à l'enfant avec St Jérôme, Ste Catherine d'Alexandrie, et deux anges, c. 1470-80, Ashmolean Museum, Oxford
Diego de le Cruz, Vierge de la Miséricorde avec le couple royal et leurs enfants, c. 1486, Monastere de Santa Maria la Real de las Huelgas, Burgos
Domenico di Michelino, Madone des enfants trouvés, 1446, Hôpital des Innocents, Florence
Auparavant, dans la tradition byzantine, la Vierge à l’enfant était représentée avec trois étoiles sur son manteau (une sur chaque épaule et une sur le voile recouvrant sa chevelure) symbolisant la trinité.

Vierge Marie avec Jésus enfant (détail), mosaïque de la porte impériale (944) de Sainte Sophie, Istanbul
Dans certaines représentations de la Renaissance, les étoiles sont encore dessinées sur le manteau au niveau des épaules.

Sandro Botticelli, La Madone du livre, 1480-81, tempera sur bois 58x39,5cm, musée Poldi Pezzoli, Milan
Luca Signorelli, Assomption de la Vierge avec St Michel et St Benoît, c. 1493-96, tempera sur bois 171x131cm, MET New York

Dans « l’assomption de la Vierge avec Saint Michel et Saint Benoît » de Luca Signorelli (ci-dessus), on remarque quatre étoiles, les deux des épaules, traditionnelles, mais aussi deux au niveau des genoux, qui ont sans doute leur origine dans une analogie avec la constellation de la Vierge : dans certaines représentations de cette constellation, deux étoiles apparaissent au niveau des épaules, et sept étoiles sont alignées au niveau des genoux, par exemple sur la gravure ci-dessous.
Jacob de Gheyn II (1565-1629), Virgo, gravure, in "Arataea, sive Signa Coelestia", 1621, Amsterdam
Dans de nombreuses peintures liées au Jugement Dernier, ou à sa préfiguration dans les "Vierge à l'enfant" ou les "Sainte Famille", on voit la proximité entre la Vierge Marie (ou la femme de l'Apocalypse)  et l'archange Saint Michel, comme en témoignent les exemples ci-après.  Ne serait-ce pas un écho à la proximité astrologique entre Virgo et Mercure, évoquée plus haut ?

Dosso Dossi, L'archange Saint Michel terrassant le Démon, 1523, Galleria Nazionale, Parme

Rubens, La Vierge comme  femme de l'Apocalipse, c. 1625-30, huile sur panneau 64,5x49,8cm, Paul Getty Museum, Los Angeles

Miguel Cabrera, La Vierge de l'Apocalypse, 1760, huile sur toile 352x340 cm, Museo Nacional de Arte INBA, Mexico
Miguel Vallejo, Notre Dame de l'Apocalypse, XVIIIe s., Museo Regional de Queretaro, Mexique

Maître de la Vierge aux balances, Vierge à l'enfant avec Ste Elisabeth, St Jean, et St Michel, Louvre (Inv. 785)
Giorgio Gandini del Grano, La Sainte Famille avec l'archange Michel et le Démon se disputant une âme, et St Bernard, c. 1535, huile sur toile 251x151 cm, Galleria Nazionale, Parme

Pour terminer ce jeu des analogies, que peut-on voir dans le symbole de la lune aux pieds de la femme de l’Apocalypse, « enveloppée de soleil et couronnée de douze étoiles» ? 
Peut-être un rappel du lien astrologique antique entre la lune et le dragon : les anciens appelaient tête et queue du dragon les deux points de l’écliptique (orbite du soleil) croisés par l’orbite de la lune.

La tête et la queue (caput et cauda) du dragon, où se croisent la lune et le soleil, manuscrit du XIVe s. non identifié
Les éclipses se produisent lorsque les deux astres s’alignent ensemble sur l’un de ces points (dans les mythologies anciennes on considérait qu’un dragon menaçait de dévorer la lune lors des éclipses lunaires, c’est pourquoi elle se cachait). Caput Draconis (la tête du Dragon) est une constellation représentée en forme de serpent.
La tête et la queue du Dragon, Guido Bonatti, Liber astronomiae, 1550, Bâle

Mais l’interprétation la plus plausible tient au fait que « le soleil donne la lumière, la lune symbolise les forces ténébreuses » (Jean-marc Pastré, in Le soleil, la lune, et les étoile au Moyen-âge, ouvrage collectif, Presses Universitaires de Provence, 1983). Au-delà de cette évidence, la lune symbolise aussi la mort et la résurrection, puisqu’elle meurt et renaît chaque mois ; enfin la lune sépare, selon la cosmologie antique d’Aristote, le monde supralunaire animé de mouvements invariants, domaine de l’incorruptibilité, et donc de l’immortalité, et le monde sublunaire, soumis aux mouvements liés aux quatre éléments, à la corruption et à la mort.
La cosmologie reprise d'Aristote, Gravure in Chroniques de Nuremberg, 1493

D’ailleurs les plus anciennes interprétations médiévales de la femme de l’Apocalypse assimilaient le soleil à Jésus-Christ, et la lune aux églises, qui reflètent et répandent sa lumière divine sur le monde. On voit qu’ainsi la Vierge / Femme de l’Apocalypse prend sa place dans la voûte céleste, entre la lune et les étoiles, donc au même niveau que le Soleil / Jésus-Christ, dans la lumière duquel elle baigne. On peut y voir aussi une métaphore plus générale de l’aurore (puisqu’elle accouche de l’enfant-roi destiné à éclairer le monde).
La symbolique reste donc entre chien et loup, la proximité de la lune avec l’obscurité pouvant la relier aux forces du mal dont la Vierge triomphe en la maintenant à ses pieds pied, tandis que sa position entre le monde céleste et le monde terrestre lui donne un statut de médiation entre Dieu et les hommes, analogue à celui tenu par les églises chrétiennes primitives.

lundi, septembre 18, 2017

La cueillette des fruits défendus : Vertumne et Pomone

Gilles Chambon, "La cueillette des fruits défendus", huile sur toile 62x46cm, 2017
Depuis Adam et Eve, la cueillette des fruits défendus se fait toujours à deux, de préférence un homme et une femme dans le plus simple appareil, et au milieu d’un jardin magnifique.

Pour ce genre d’activité, n’attendez pas l’hiver, aurait dit Ronsard. Pourtant la légende romaine de Vertumne et Pomone, respectivement dieu des jardins et nymphe de la fructification, nous explique quel stratagème Vertumne dût utiliser pour pouvoir étreindre la très belle et très farouche Pomone. Dieu transformiste, il prit l’apparence d’une vieille femme, endormant ainsi la méfiance maladive de la nymphe. Le charme de sa voix et sa faconde firent le reste, et la jeune immortelle ne tarda pas à s’enflammer lorsqu’il révéla enfin sa véritable identité. Peut-être cette légende nous rappelle-elle que la nature a besoin de l’hiver, pour que les germinations végétales s’accomplissent et que monte la sève dans les arbres au printemps.

Perino de Vaga (1501-1547), élève de Raphaël, était dans ses dessins très intéressé par la dite cueillette des fruits défendus, à tel point que certains d’entre eux ont été interdits, jugés trop licencieux. Par exemple celui dont est tirée cette gravure, qui représente l’accouplement de Jupiter avec Mnémosyne, déesse de la mémoire et mère des neuf muses.

Mais il en fit aussi de moins crus, notamment le très beau dessin de Vertumne et Pomone qui se trouve dans les collections du British Museum, et que j’ai réinterprété dans mon tableau. 

Je l’ai resitué dans la transposition renversée d’une aquarelle de 1965 d’un peintre allemand peu connu, Willi Pramann (1909-2006). L’absence de végétation et les couleurs froides m’ont semblé bien cadrer avec l’apparence hivernale adoptée par Vertumne pour obtenir les faveurs de Pomone.
Willi Pramann, "carrière", aquarelle 48,4x62,5, 1965

mardi, septembre 05, 2017

Vénus exfiltrée

Gilles Chambon, La Vénus exfiltrée, huile sur toile 43 x 43 cm, 2017
La déesse Vénus est la cristallisation du féminin séducteur, du féminin attirant, du féminin aimant. Elle a été représentée par les peintres aussi souvent que la Vierge Marie, qui est, elle aussi, une personnification du féminin, mais dans sa dimension maternelle, protectrice, et pudique. Ce dernier aspect de l’idéal féminin, bien que rassurant et plus consensuel, n’a toutefois pas prévalu sur le premier, malgré la promotion qu’en a faite l’église catholique. Il est vrai que la Vierge, si elle occupe une place élevée au paradis, n’a pour autant jamais eu de planète ; et c’est bien le symbole de la planète Vénus qui a été choisi comme symbole universel et emblème de la féminité.

Parmi les peintres qui ont représenté la déesse de l’amour et loué la beauté des femmes dans leurs peintures, Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553) est sans doute celui chez qui les héroïnes sont les plus mystérieuses et ambivalentes. Il a notamment peint à plusieurs reprises les figures de Judith et de Dalila, c’est-à-dire de femmes qui usèrent de leurs charmes pour endormir leurs amoureux et les détruire. Quant à ses Vénus, nombreuses, elles ont elles-mêmes aussi quelque chose de troublant : elles sont nues, mais portent toutes un riche collier, et parfois un grand chapeau, donnant à leur pose un caractère très insolite. En guise de vêtement, elles couvrent la plupart du temps leur bas-ventre avec une mince gaze diaphane, qui ne cache rien et s’apparente davantage à un accessoire de charme qu’à un voile pudique. Ces Vénus sont donc provocatrices, peut-être même un peu diaboliques. L’une d’entre elles, la Vénus au voile de la collection du Prince de Liechtenstein, a défrayé récemment la chronique lors d’une exposition à Aix-en-Provence en 2016. Elle a été confisquée par la justice suite à une dénonciation anonyme qui mettait en doute son authenticité…

Elle est pourtant très belle, et j’ai tenu lui rendre hommage à ma manière: en l’exfiltrant dans une composition synchronistique.

On la retrouve donc sur ma toile, accompagnée de son fils Cupidon tenant un rayon de miel volé (extrait de « La plainte de Cupidon à Vénus », Cranach, 1530, Londres National Gallery), tous deux très à l’aise dans un « Paysage en ferraille » de Max Ernst (« Paysage en ferraille erreur de ceux qui préfèrent la navigation sur l’herbe à un buste de femme », 1921, collection François Pinault).

Vénus et Cupidon ne s’y sentent pas dépaysés, et ont vite retrouvé leurs marques. Un petit oiseau rouge de Paul Klee, sorti de son jardin d’origine (Paul Klee, « Jardin d’oiseaux », 1924, Munich, Pinakothek der Moderne), leur a même rendu visite.

mercredi, août 02, 2017

Une Annonciation synchronistique

Gilles Chambon, Annonciation synchronistique, huile sur toile 55x50cm, 2017
Depuis la Renaissance, la scénographie traditionnelle des Annonciations nous montre l’archange Gabriel muni des ailes du messager divin, tenant généralement une fleur de lys (symbole de pureté, de l’immaculée conception), et en face de lui Marie, qui reçoit en même temps un rai de lumière venant de Dieu le Père, dans le ciel, et sur lequel vole souvent une colombe, symbole de l’Esprit Saint.

L’Annonciation que je propose sort la Vierge et l’ange du cadre réaliste, pour les disposer dans un monde abstrait… Prenant ainsi acte du recul agnostique contemporain par rapport à la culture religieuse occidentale, qui reste néanmoins très prégnante. Le rayon divin symbolisant la fécondation miraculeuse est remplacé par un tourbillon de petites formes géométriques, qui évoque une autre fécondation divine appartenant à l’imaginaire mythologique occidental, celle de Danaé par Jupiter, sous forme d’une pluie d’or.

C’est une composition synchronistique associant un dessin d’étude d’ange, de Guercino (c.1638-9, Royal Collection Trust, Londres), la célèbre Vierge de l’Annonciation de Jacopo Pontormo, peinte entre 1525 et 1528 sur un mur de l’église Santa Felicita, à Florence, et une petite composition  de Geer Van Velde (Gouache sur papier, 26 x 20 cm, monogrammé, passée récemment en vente):