présentation des peintures synchronistiques

samedi, novembre 21, 2015

Exorcisme (autoportrait)


Gilles Chambon, Exorcisme (autoportrait), huile sur toile 75 x60 cm, 2015
Cela fait très longtemps que j’exorcise ma peur du néant par la pratique de l’art pictural.

Il ne s’agit en aucun cas d’expulser des démons qui se seraient emparés de mon esprit ; bien au contraire, à l’inverse de Saint Antoine, je m’efforce d’aider toutes sortes de créatures imaginaires à venir vers moi, et à nicher dans ma tête… Opération douloureuse, fatigante, et parfois même assez angoissante. C’est ce qu’exprime cet autoportrait, qui révèle exactement ce qui me trotte dans la tête à l’instant T, juste après avoir perçu un éclair synchronistique entre une lithographie de Zao Wou-ki (Composition, planche d’illustration de l’Élégie pour Jean Marie, L. S. Senghor, éd. Regard, Genève, 1978) et une Tentation de Saint Antoine, de Joos van Craesbeeck (c. 1650, huile sur toile, 78 x 116cm, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe).

mercredi, novembre 11, 2015

Le paradis des taureaux

Gilles Chambon, Taureaux jouant à saute-mouton, huile sur toile 50 x 75 cm, 2015

J’ai imaginé que les taureaux, plutôt que de jouer à la corrida dans l’arène avec ce petit scorpion sournois qui agite sans cesse sa muleta et finit par les tuer, préféreraient jouer à saute-mouton dans la sierra. C’est ce qui arrive certainement, au paradis des taureaux.

Dans cette composition synchronistique, je me suis réapproprié deux oeuvres de Francisco Goya et Paul Klee. J'ai détourné la « pluie de taureaux », petite gravure de la série des « disparates » de Goya, pour l'intégrer dans un décor merveilleux issu d’une aquarelle de Klee de 1913, conservée à Berne à la Fondation Klee, et titrée « In the quarry ».
 

jeudi, octobre 22, 2015

Danse villageoise


Gilles Chambon, Danse villageoise, huile sur toile 45x55cm, 2015

J’ai imaginé cette « rhapsodie visuelle » sur des paroles de Francisco Goya et une musique de Paul Klee.

La métaphore musicale m’a été suggérée par Klee lui-même. En effet, le paysage de ma peinture se calque sur l’une des aquarelles que Paul Klee exécuta du paysage de St Germain près de Tunis, en 1914. « Klee utilisait alors des couleurs transparentes qu’il superposait. Sa peinture est composée d’éléments qui sont un peu comme des notes sur une portée musicale. Ces éléments se juxtaposent, se croisent, s’interpénètrent, se mélangent pour finalement composer un paysage. » (texte repris des éditions VisiMuz).


Le peintre était allé en Tunisie avec ses amis August Macke et Charles Moilliet en avril. « Ils y avaient été invités par un ami de Moilliet, le docteur Ernst Jäggi (1878-1941), qui possédait une maison de campagne à Saint-Germain, à cette époque un quartier européen au sud de Tunis, créé en 1909, et aujourd’hui appelé Ezzahra. Klee et Macke peignirent énormément. Ils avaient rencontré Robert Delaunay deux ans auparavant et avaient étudié ses théories sur la couleur (les couleurs remplacent les objets…). Leur expérience tunisienne leur permit de tester une manière nouvelle pour eux. Leur but était de mieux appréhender la couleur. Paul Klee écrivit dans son journal lors de leur visite de Kairouan : « La couleur me possède. Point n’est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède. Voilà le sens de ce moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre ».

Vue de Saint-Germain (1914), aquarelle sur papier, Columbus Museum of Art, Columbus.

Quant à la ronde du premier plan, elle est transposée à partir d’une petite gravure de la série des Disparates de Goya (1816-1823). Ces gravures m’ont toujours fasciné par la force de leur expressivité et par la liberté décalée, onirique, et quelque peu obscure de leurs compositions. 


Le « Disparate Joyeux » nous montre trois hommes et trois femmes qui dansent en rond, pantins aux sourires grimaçants et aux mouvements saccadés, comme envoûtés par une étrange mélodie inaudible (rappelons qu’à cette époque Goya était sourd). La musique intérieure de Goya est certes plus grinçante que celle de Klee, mais leur rencontre synchronistique engendre une mélodie visuelle nouvelle, qui marie consonances et dissonances, modérant la sérénité de Klee et redonnant un peu d’allégresse aux visions enfiévrées de Goya.

samedi, octobre 17, 2015

Petite Madone onirique et paramnésique


Gilles Chambon, Petite Madone onirique et paramnésique, huile sur toile 45x45cm, 2015
Nous sommes au mois d’octobre, et comme chacun sait le mois d’octobre est celui du Rosaire, dévotion à Marie sous forme d’une série de 150 prières dédiées.

L’importance de la figure de Marie dans l’imaginaire occidental est énorme. Je renvoie le lecteur qui en douterait à mon article « À propos d’une Vierge à l’enfant », qui rappelle comment s’est structurée peu à peu l’image de la Vierge à l’enfant que nous portons tous dans un coin de notre tête. Ce sont évidemment les peintres et les sculpteurs qui en ont expérimenté toute la typologie, et qui ont fixé en nous une sorte d’archétype inconscient, donnant lieu à une vision paramnésique devant certains nouveaux tableaux (sentiment de déjà vu, déjà vécu).

En reprenant ce thème pictural, j’ai donc voulu faire une nouvelle quintessence, dans une écriture à la fois moderne et hors du temps. J’ai personnellement en mémoire les merveilleuses Madones italiennes de la Renaissance, où, à la beauté et à la douceur mélancolique de la mère tenant son enfant, répond, à l’arrière plan, la sérénité et l’ampleur d’un paysage calme et lumineux. J’aime en particulier la Madonna del Prato de Giovanni Bellini. 

Giovanni Bellini, Madonna del Prato, 1505, National Gallery, Londres

Mais ce n’est pas elle qui m’a servi ici de modèle. La mystérieuse rencontre synchronistique à l’origine de ma Madone a eu lieu entre une très petite Vierge de Domenico Beccafumi (1485-1551) et un paysage d’Edgar Scauflaire (1893-1960), que j’ai découvert par hasard il y a peu. 


samedi, octobre 03, 2015

La Vénus aux oranges (Scauflaire synchronistique)

Gilles Chambon, La Vénus aux oranges, huile sur toile 45 x 80 cm, 2015
Sur les deux photos de mon atelier (ci-après), à gauche de mon chevalet, on voit successivement deux tableaux d’Edgar Scauflaire : une nature morte et un nu ; or il se trouve que c’est le même tableau : la nature morte a été peinte tête-bêche sur le revers d’un panneau où figurait le nu, conçu quelques années avant, et malheureusement délaissé par le peintre (qui avait d'ailleurs badigeonné de colle ce côté du panneau)… Impossible alors de voir simultanément ces deux moments de la création d’Edgar Scauflaire.

Levant l’interdit qui les condamne à se tourner le dos à jamais, j’ai peint une Vénus aux oranges, allongée à côté de sa table de collation. Ma composition synchronistique, en rassemblant les deux œuvres de Scauflaire - pour moi d'égale valeur - les fait dialoguer, et scelle ainsi la réconciliation entre la nature morte aboutie et le nu que le peintre avait malencontreusement boudé.


lundi, septembre 28, 2015

La peinture synchronistique au GMAC Bastille 2015

Vernissage jeudi 29 octobre jusqu'à 22h

Chers lecteurs de ce blog, vous pourrez découvrir mes peintures "synchronistiques" au Grand Marché d'Art Contemporain de la Bastille (Paris) du 29 octobre au 2 novembre 2015.

Pour mémoire, je rappelle que la peinture synchronistique cherche une voie d’expression picturale nouvelle, basée sur la rencontre, le mélange, et la réinterprétation d’oeuvres appartenant au patrimoine pictural occidental. Ce recours aux œuvres du passé n’est pas de la nostalgie, mais au contraire, résulte d’une conscience claire que la plus grande révolution actuelle est la mise à disposition en temps réel, grâce à Internet, de l’ensemble des oeuvres qui constituent l’histoire de l’art. Et ces oeuvres, à quelque époque qu'elles appartiennent, s’offrent d’évidence comme un substrat privilégié pour un renouveau de la composition picturale contemporaine.

En effet ce qui caractérise notre contemporanéité est bien son ouverture temporelle, et non, comme on le croit trop souvent, sa focalisation sur le moment présent.

La combinatoire esthétique de la peinture synchronistique s’inscrit dans cette vision plus large de la contemporanéité, pour laquelle toutes les strates historiques de la culture sont à considérer comme partie intégrante de l’appréhension contemporaine du monde.

Voici une présentation succincte des peintures synchronistiques qui seront exposées au GMAC. La vidéo est accompagnée d’une musique de Jacques Loussier, de 1998, élaborée à partir de la Gymnopédie N°1 d’Erik Satie. J’ai trouvé que la façon qu’avait Jacques Loussier de revisiter le répertoire classique pour en tirer des compositions de jazz cadrait bien avec ma démarche synchronistique ; je laisse le lecteur/auditeur en juger.


PS : pour recevoir des invitations gratuites, envoyez-moi un email (erewhonowhere@yahoo.fr) avec votre adresse postale

lundi, septembre 14, 2015

Le banquet des dieux


Gilles Chambon, Le banquet des dieux, huile sur toile 110 x 155 cm, 2015
J’ai récemment consacré un article à la représentation picturale du repas des Dieux.
Sur l’Olympe, ou dans une grotte merveilleuse, invités par Neptune ou par le dieu fleuve Acheloüs, depuis le lever du jour jusqu’au coucher du soleil, les divinités grecques et quelques héros triés sur le volet savourent ensemble le nectar et l’ambroisie. Nos mets terrestres les plus délicats n’en sont, paraît-il, qu’un pâle reflet. À moins que ce ne soit l’inverse…

Quoi qu’il en soit, j’ai tenté dans ce nouveau tableau de transposer, en formes, couleurs, et imagination, l’ivresse particulière que doit provoquer un petit verre de nectar accompagné d’un toast d’ambroisie. Mais où trouver les matrices imaginales capables de telles sensations ? La nourriture divine des peintres (surtout s’ils sont adeptes de la synchronicité) ne peut assurément se récolter que dans les œuvres qui illuminent l’histoire de la peinture. J’ai donc composé mon menu avec des ingrédients appropriés, de première qualité :

-    d’abord j’ai coupé un grand morceau d’Europe après la pluie, de Max Ernst ; je l’ai ensuite posé sur un nuage de Zao Wou-Ki, et truffé de figurines de Luca Penni, bien mélangées. 

-    Après, il ne me restait plus qu’à remuer onctueusement le mélange avec un grand trident. J’en ai chargé un colossal Neptune de circonstance, sorti, pour les besoins de la cause, d’un dessin d’esquisse de Domenico Beccafumi qui n’avait rien à voir avec le dieu des mers…

Recette synchronistique donc, qui je l’espère, procurera à l’amateur une dégustation picturale réussie !

mardi, septembre 01, 2015

Peter I Casteels, un peintre anversois méconnu du XVIIe siècle



Six toiles monogrammées "P. C. INV.",  attribuées à différents membres de la famille Casteels, mais certainement de la même main: celle de Peter I Casteels

La guilde Saint Luc d’Anvers est florissante au XVIIe siècle ; elle compte des maîtres prestigieux comme Pierre-Paul Rubens, Peeter Snayers, ou Pieter Bruegel le Jeune, mais aussi une foule d’autres artistes, pour certains également très connus, mais pour d’autres restés obscurs. Les peintres forment parfois des dynasties familiales, se transmettant le métier de père en fils, comme faisaient généralement autrefois les artisans. Les Casteels sont ainsi une grande famille de peintres anversois. En un siècle et demi (de 1627 à 1760), pas moins de vingt-et-un peintres de la famille Casteels ont été identifiés par les historiens, à partir des registres de la guilde. Ce ne sont pas des artistes de premier plan, ils sont mal documentés, et portent souvent les mêmes prénoms d’une génération à l’autre ; d’où la confusion qui s’est fréquemment installée dans les attributions d’œuvres à l’un où à l’autre.

Voici la liste chronologique de ces peintres (bien qu’on ne connaisse généralement pas leur date de naissance, mais seulement leur date d’inscription en tant que maîtres dans la guilde de St Luc – sachant qu’à l’époque un peintre passait maître en moyenne âgé de vingt à vingt-cinq ans) :

Jan I Casteels, (vers 1600 – 16….)
Peter I Casteels (vers 1605 – 16….)
Jan II Casteels, (vers 1620 – 1666 ?)
Pauwel Casteels, (vers 1630 – 1683)
Frans I Casteels, (vers 1632 – vers 1708)
Alexandre I Casteels, (vers 1635 - 1681/1682)
Joseph Frans Casteels (vers 1635 – 1699)
Peter II Casteels, (vers 1652 – vers 1700 ?)
Christiaen Casteels, (vers 1655 – 1679)
Alexandre II Casteels (vers 1665 ? - après 1712/1713)
Alexandre III Casteels ?
Alexandre IV Casteels (… -1694)
Jacob Casteels, (vers 1667 – après 1706)
Frans II Casteels (vers 1670 - ?)
Gonsales Casteels, (vers 1673 – 1709)
Peter Franciscus Casteels (vers 1675 - ?, après 1697/1698)
Jan Frans Casteels, (vers 1678 – après 1711)
Peter III Casteels (1684 - 1749)
Frans III Casteels (1686 – 1727)
Henricus Casteels (vers 1700 ? - après 1757)
Carel Casteels (vers 1730 – 17…)
  • *La plupart des informations sur ces peintres ont été reprises des notices établies par Bernadette Bodson, pour le Dictionnaire des peintres belges (http://balat.kikirpa.be/peintres/)
Quatre d’entre eux sont des enlumineurs : Alexandre II Casteels, Alexandre III Casteels, Jan Frans Casteels, Henricus Casteels.

Parmi les dix-sept restant, qui sont des peintres de tableaux, le plus connu et le mieux documenté est Peter III Casteels ; mais quelques autres également ont des œuvres documentées. En voici une présentation sommaire, que je terminerai en m'attardant sur Peter I Casteels.

-    Peter III Casteels (Anvers, 1684 - Richmond, 1749)

Peter III Casteels, Un concert d'oiseaux, 1727 hst 50,5 × 114 cm, signé et daté, passé en vente chez Bonhams 3 Dec 2008 Londres

Peter III Casteels, Nature morte, 82 × 111 cm,Collection privée
C’est un Peintre de fleurs, de fruits, d'oiseaux et de paysages. Il est « le plus représentatif d'une lignée de maîtres anversois. Fils de Peter II Casteels et d'Elisabeth Bosschaert, il est formé par son père. Après un séjour en Angleterre dès 1708, il est reçu maître à Anvers en 1712/1713. Mais c'est à Londres qu'il fait carrière. D'une virtuosité remarquable, peintre décoratif par excellence, il orna de nombreux salons ou dessus-de-porte et de cheminée, représentant des corbeilles et des vases élégants garnis de fleurs disposées en éventail et vues de bas en haut. Casteels a signé aussi des paysages enrichis d'oiseaux, de fleurs ou d'animaux. Il peignit deux importantes séries, gravées en 1730 et 1732, "Les douze mois des fleurs" et" Les douze mois des fruits". Son style s'apparente tantôt à celui du Hollandais J. van Huysum, tantôt à G.P. Verbruggen; mais il peut par ailleurs se détacher de telles influences pour créer des œuvres d'un style plus personnel. Ses œuvres se trouvent dans des collections privées et sont connues par des ventes diverses ou des expositions ».

-    Pauwel Casteels - (vers 1630 – 1683) et Alexandre I Casteels, (vers 1635 - 1681/1682)
 
Pauwel Casteels, Bataille de Vienne, 1683-85, hst,  1,56x1,84cm, Varsovie, musée du Wilanow Palace
Pauwel Casteels, La bataille de Clavijo, hst 60 x 98,5 cm Vente Tajan déc 2012



Alexandre I Casteels, Bataille contre les Turcs, hst, 121 × 174.5 cm,  ALU (University of Ljubljana)

Certains experts ont attribué à tort à Pauwel Casteels des œuvres dues à d’autres Casteels, sans rapport avec ses travaux documentés. 
Pauwel Casteels est un peintre de batailles. Actif à Anvers, mentionné à diverses reprises dans les inventaires, on ignore la date de sa naissance exacte. Entré maître en 1649/1650 dans la guilde des peintres d'Anvers comme fils de maître, il semble être mort en 1683. Un "Combat de cavaliers" (Schleissheim, Bayerische Staatsgemäldesmlg.) monogrammé témoigne d'une influence de Peeter Snayers. Il a peint et signé plusieurs toiles de scènes de batailles dont celle de Vienne, du musée du Wilanow Palace, à Varsovie. Il a travaillé sur certaines toiles en collaboration avec son frère (ou cousin) Alexandre I Casteels, reçu maître de la guilde de Saint-Luc d'Anvers en 1658/1659, et inscrit en tant que fils de maître, peintre de paysages, de scènes de chasse et de batailles.

-    Peter II Casteels, (vers 1650 – vers 1700 ?)

Peter II Casteels, Vue d'un port imaginaire (d'après une gravure de Jacques Callot), 29,5 x 42,5cm, Louvre dép. des peintures

Peter II Casteels, Vue du Louvre et de la tour de Nesle, 29,5 x 42,5cm, Louvre dép. des peinture

Peter II Casteels, Port de mer, 28,8 x 43cm, musée des Beaux-Atrs de Pau

Peter II Casteels, Port de mer, 28,5 x 42,7cm, musée des Beaux-Atrs de Pau
Peter II Casteels est un autre Casteels dont  les œuvres sont relativement faciles à identifier ; selon certains auteurs, il est le fils de Peter I. Il est entré dans la guilde de Saint-Luc à Anvers en 1673/1674 comme fils de maître. Marié à Elisabeth Bosschaert, il eut deux fils peintres, Peter III et Frans III Casteels. Il s’est spécialisé dans la peinture de vues de ville. D'après le dictionnaire de A. von Würzbach, deux tableaux signés "P. Kasteels", conservés à Oldenbourg, pourraient être de lui. Il y en a aussi deux au musée des Beaux-Arts de Pau, et deux dans les collections du Louvre (voir ci-dessus).

-    Jan II Casteels, (vers 1620 – 1666 ?)

Jan II Casteels, fut élève d'un certain Daniel Stevens en 1636/1637 ; c’est un peintre de paysages ; les comptes de la firme anversoise Forchondt mentionnent en septembre 1666 vingt paysages d'un Hans Casteels qui pourrait correspondre à cet artiste.

-    Frans III Casteels (1686 – 1727)

Frans III Casteels, Grande Place d'Anvers, 1715, 54 x 82 cm, Koninklijk Museum voor Schone Kunste, Anvers
Frans III Casteels est fils de Peter II Casteels, et c’est aussi un peintre de vues de villes. Il est devenu maître de la guilde de Saint-Luc d'Anvers en 1714/1715 ; curieusement, il n'est pas inscrit en tant que fils de maître dans les registres. On lui attribue traditionnellement "La Grand-Place d'Anvers" daté 1715 (Anvers, K.M.S.K.). Cette œuvre ainsi que deux autres de ce peintre - "Vue du Meir" et "L'Ommegang -" se trouvaient auparavant à l'hôtel de ville d'Anvers. Il semble chronologiquement impossible que la gravure "L'Ommegang à Anvers" (Anvers, Mus. Plantin-Moretus) par Gaspar Bouttats, ait été réalisée d'après ce dernier tableau, comme le prétendent certains auteurs; elle dut plus vraisemblablement être gravée d'après une œuvre d'Alexandre I Casteels.

-    Peter Franciscus Casteels, (vers 1675 ? - après 1697-1698)

Peter Frans Casteels, 2 bouquets de fleurs, après 1690, 2 hst 83x63cm,  Museum of  Fine Arts, Budapest
Quelques tableaux signés de Peter Franciscus Casteels, permettent de cerner un peu le travail de ce peintre. Elève en 1690/1691 de G.P. II Verbruggen, Il devient franc-maître à Anvers en 1697/1698, inscrit en tant que fils de maître. Il est peintre de sujets religieux et de fleurs. Deux tableaux, formant pendants, conservés à l'église Saint-Sauveur de Bruges, seraient de cet artiste : une "Annonciation" et une "Vierge avec l'Enfant et saint Jean-Baptiste" - deux médaillons entourés d'une guirlande de fleurs, signés et datés 1694. Il est cependant étrange de constater que cette date est antérieure de trois ans à celle de son accession à la maîtrise. Deux autres pendants, dont l'un est signé, sont également attribués à Peter Franciscus Casteels : "Vase de fleurs avec des roses et des tulipes" et "Fruits dans un paysage" vendus à Londres, chez Sotheby, en 1980.

-    Jacob Casteels, (vers 1667 – après 1706)

Jacob Casteels, est aussi fils de maître. Il a acquis la maîtrise en 1689/1690, et est plutôt considéré comme un peintre-décorateur. On sait seulement qu’il a réalisé divers travaux décoratifs entre 1697 et 1702 et qu’il était toujours en vie en 1706.

-    Alexandre IV Casteels (… -1694) et Joseph Frans Casteels (vers 1635 – 1699)

Alexandre IV (?) Casteels, Une bataille de cavalerie, monogrammé "AL - C", 118.1 x 83.5 cm, collection privée

De Alexandre IV Casteels, décédé en 1694, on connaît deux œuvres monogrammées "AL. C.": une "Scène de chasse à cheval dans un paysage avec une rivière" passée dans le commerce de l'art à Cologne en 1960 et "La conversion de saint Paul" (Munich, vente mars 1932). Il serait le frère de Joseph Frans Casteels, originaire du Brabant, auteur de cartons de tapisseries ; celui-ci travailla à Berlin de 1688 jusqu'à sa mort, probablement en 1699.

-    Peter I Casteels (vers 1605 – 16….)

C’est lui, Peter I Casteels, qui est le véritable sujet de cet article. On le considère généralement comme le père de Peter II Casteels. mais il semble plus logique, vu les dates de naissance présumées, et son style de peinture, que ce dernier soit plutôt le fils de Jan II Casteels. Quoi qu’il en soit, Peter I Casteels est devenu franc-maître de la guilde de Saint-Luc d'Anvers en 1629/1630 ; il a reçu deux élèves en 1640/1641 et deux autres en 1644/1645. On ne connaît pas la date de sa mort. 

Il a été classé comme peintre de sujets allégoriques. Mais peu de tableaux lui ont été attribués. Cependant, une piste, qui me semble être la bonne, a été ouverte en 2010 par M. Jan De Maere, spécialiste de la peinture flamande (Bruxelles - expert d’une vente Christie’s juillet 2010), qui lui a donné un « David et Abigaïl » (huile sur toile 115 x 200 cm), tableau signé du monogramme « P. C. INV. ».
Trois autres tableaux portant ce même monogramme ont par le passé été attribués à tort à Pauwel Casteels : ils ne correspondent ni à son style, ni à ses habitudes de signature, ni au genre dans lequel il s’était spécialisé (scènes de batailles). Par contre ils ont la même facture que le « David et Abigaïl », et leurs sujets sont soit liés à l’Ancien Testament, soit à la mythologie sous forme allégorique, comme cela se faisait dans la peinture maniériste depuis la seconde moitié du XVIe siècle. L’identification du monogrammiste P. C. à Peter I Casteels me paraît donc évidente, et, de fait, au moins six tableaux qui portent la marque « P. C. INV. » pourraient lui être attribués d’emblée :

-    David et Abigaïl, huile sur toile 115x200 cm, vente Christie’s, Londres, Juil 2010

David et Abigaïl, huile sur toile 115x200 cm, vente Christie’s, Londres, Juil 2010 
(à rapprocher du tableau de Theoroor Rombouts du musée de Budapest)

-    L'arrivée triomphale de David à Jérusalem, huile sur toile 170x230 cm, Vente Mercier, Lille, déc 2005

L'arrivée triomphale de David à Jérusalem, huile sur toile 170x230 cm, Vente Mercier, Lille, déc 2005

-    Le Triomphe de Neptune et d'Amphitrite. huile sur toile, 177 x 236 cm, Vente Sadde, Dijon, mai 2010

Le Triomphe de Neptune et d'Amphitrite. huile sur toile, 177 x 236 cm, Vente Sadde, Dijon, mai 2010

-    L'adoration du Veau d'Or, huile sur cuivre parqueté 69 x 87 cm, Vente Piasa, Paris juin 2008

L'adoration du Veau d'Or, huile sur cuivre parqueté 69 x 87 cm, Vente Piasa, Paris juin 2008

-    Triomphe de Neptune et Amphitrite avec divinités marines, huile sur toile 81x116 cm, Vente lucerne 1995

Triomphe de Neptune et Amphitrite avec divinités marines, huile sur toile 81x116 cm, Vente Lucerne 1995

-    Neptune et Amphitrite, anciennement à Florence, collection von Frey
, localisation actuelle inconnue

Neptune et Amphitrite, anciennement à Florence, collection von Frey
Mise à jour octobre 2017 et 2019 : Une "Assomption  de la Vierge" monogrammée P.C. INV, dans laquelle on reconnait bien le style de Peter I Casteels - notamment pour les angelots, et malgré le sujet assez différent de ce qu'on lui connaissait (le tableau est très inspiré de l'Assomption de la Vierge de Rubens dans la cathédrale d'Anvers, de 1621), passe en vente à Munich le 10/11/2017; puis en octobre 2019; la voici :

Assomption de la Vierge, huile sur toile 137x121,5cm, vente Munich nov 2017
Le style du Monogrammiste P. C., alias Peter I Casteels, est très reconnaissable; proche de celui de Gillis van Valckenborch pour les compositions mythologiques, mais aussi avec une influence très perceptible de Rubens. Les sujets allégoriques qu’il traite, mettant en scène les divinités marines (certainement très populaires dans le port d’Anvers) dérivent de l’atelier de Frans II Francken, de vingt-cinq ans plus âgé que lui. Sa manière est vigoureuse, ses compositions allégoriques pleines d’imagination, mais on relève parfois une certaine gaucherie dans le dessin des personnages.

Plusieurs tableaux non signés, en général donnés à Pauwel Casteels (mais aussi à Frans II Francken et à son entourage, ou à Simon de Vos), peuvent lui être attribués (à lui et à son atelier) avec une faible marge d’erreur, car style, sujets, et manière, sont très semblables à ceux des peintures monogrammées "P. C. INV".

En voici quelques-unes (pour certaines, les images sont très mauvaises, j’en demande pardon au lecteur) :

-    Neptune et Amphitrite, huile sur toile 81 x116 cm, anciennement attribué à l’entourage de Pauwel Casteels, collection privée
Neptune et Amphitrite, huile sur toile 81 x116 cm, anciennement attribué à l’entourage de Pauwel Casteels, collection privée

-    Le triomphe d'Amphitrite, huile sur cuivre 54 x 75 cm, anciennement attribué à Simon de Vos (2007 et 2014, vente Alte Kunst, Berlin mai 2014)
Le triomphe d'Amphitrite, huile sur cuivre 54 x 75 cm, anciennement attribué à Simon de Vos (2007 et 2014, vente Alte Kunst, Berlin mai 2014)

-    Triomphe de Neptune et Amphitrite, avec scènes d’enlèvement, collection d'Arlington Court, Devon, Angleterre
Triomphe de Neptune et Amphitrite, avec scènes d’enlèvement, huile sur cuivre, 49,5x64,8 cm, anciennement attribué à l'entourage de Frans II Francken, collection d'Arlington Court, Devon, Angleterre
-      Triomphe de Neptune et Amphitrite, huile sur cuivre, 40x50cm, (artnet) (m.à j. nov 2016)

Triomphe de Neptune et Amphitrite, huile sur cuivre, 40x50cm,  attribué à Theodor van Thulden

-    Le retour triomphal de David, huile sur toile 110x160cm, anciennement attribué à Pauwel Casreels, (Vente 15 déc 2006, Delvaux, Paris)

Le retour triomphal de David, huile sur toile 110x160cm, anciennement attribué à Pauwel Casreels, (Vente 15 déc 2006, Delvaux, Paris)

-    L’enlèvement des Sabines, huile sur cuivre 54x73 cm, non attribué (La Haye, maison de vente VenduHuis, mai 2012)

L’enlèvement des Sabines, huile sur cuivre 54x73 cm, non attribué (La Haye, maison de vente VenduHuis, mai 2012)

-    Le mariage de David et Abigaïl, huile sur cuivre, 70,5 x 88 cm, anciennement attribué à Pauwel Casteels, (Vente Piasa, Paris, juin 2000)

Le mariage de David et Abigaïl, huile sur cuivre, 70,5 x 88 cm, anciennement attribué à Pauwel Casteels, (Vente Piasa, Paris, juin 2000)

-    La continence de Scipion, huile sur cuivre 55,9x73 cm, anciennement attribué à Pauwel Casteels (vente Bonhams N Y, 8 mai 2013)


La continence de Scipion, huile sur cuivre 55,9x73 cm, anciennement attribué à Pauwel Casteels (vente Bonhams N Y, 8 mai 2013)
Mise à jour octobre 2018 : tableau sur cuivre représentant "Jephté vainqueur accueilli par sa fille", anciennement attribué à Pauwel Casteels (vente Oise enchères 3 nov. 2018)
Jephté vainqueur accueilli par sa fille, huile sur cuivre 56x72,5cm, attribuable à Peter I Casteels

 Mise à jour mars 2024 : voici deux autres tableaux attribués à Peter I Casteels, représentant Neptune et Amphitrite 
Neptune et Amphitrite, attribué à Peter I Casteels, huile sur toile 117 x 83 cm, collection privée

J’espère par cette modeste contribution avoir ouvert une piste que de meilleurs spécialistes que moi pourront creuser. Lorsqu’on aime la peinture, il est toujours passionnant d’essayer de rassembler à nouveau ce qui a été éparpillé au fil des siècles. La redécouverte de leurs œuvres est une façon de rendre un peu de leur âme aux artistes qui n’ont pas eu la chance d'inscrire leur trace dans nos mémoires.
 
Neptune et Amphitrite, attribué à Peter I Casteels, huile sur cuivre, dimensions et localisation inconnues

mercredi, août 26, 2015

La Vocation des fils de Zébédée ; à propos d’une gravure anonyme du début du XVIIIe siècle



La Vocation des fils de Zébédée, gravure anonyme du début du XVIIIe siècle, sur papier largeur 56,5cm hauteur 40cm (sans le cartouche)
Les évangiles de Marc (I, 19-20) et Matthieu (IV, 21-22), racontent comment Jésus a appelé ses premiers apôtres parmi les pêcheurs du lac de Tibériade (nommé aussi mer de Galilée, ou de Génésareth). Il y eut d’abord Simon-Pierre et André, puis Jean et Jacques, les fils de Zébédée. D’autres séquences des évangiles  mettent aussi en scène Jésus et les pêcheurs du lac de Tibériade : la plus célèbre est la pêche miraculeuse ; mais il y en a en fait deux (Luc V, 1-11, et Jean XXI, 1-14) ; selon Luc, un jour où Jésus est monté dans la barque avec les pêcheurs pour dispenser son enseignement aux foules sur le rivage, il termine la journée en leur ordonnant d’aller au large et de lancer le filet : s’ensuit une pêche miraculeuse. Dans l’évangile de Jean, c’est le Christ ressuscité, qui, sans se faire reconnaître par ses anciens disciples retournés à leur activité de pêcheurs, leur indique, après une journée sans aucune prise, où lancer le filet : ils font alors la pêche miraculeuse et reconnaissent Jésus. Une autre séquence célèbre relate l’incroyable histoire du Christ qui marche sur l’eau, et de Pierre qui, tentant de l’imiter, manque de se noyer, Jésus lui tendant alors la main pour le repêcher (Matth. XIV, 22-33 ; Marc VI, 45-52 ; Jean VI, 16-21). Enfin la dernière séquence, moins connue, est celle dans laquelle Jésus calme une forte tempête qui risquait de faire chavirer la frêle embarcation de ses amis pêcheurs (Matth. VIII, 23-27).

Les peintres ont représenté chacune de ces séquences, le Moyen Âge donnant une nette préférence à la pêche miraculeuse et à la mésaventure de Pierre, qui sont souvent groupées dans une même représentation. La Renaissance et le dix-septième siècle marquent plutôt un regain d’intérêt pour les vocations des apôtres. Cependant la vocation des fils de Zébédée reste un sujet relativement peu traité par les artistes.

La gravure présentée ici prend quelques libertés par rapport au texte des évangiles de Marc et de Matthieu : elle nous montre en effet le Christ, suivi des apôtres Pierre et André, qui ne sont déjà plus habillés en pêcheurs, alors que selon les évangiles ils viennent juste de quitter leur barque. Jean est agenouillé devant Jésus, et Jacques sort de la barque en s’inclinant devant lui. Selon le texte, leur père Zébédée est resté dans la barque à réparer les filets, tandis qu’il est ici sur la berge où il apporte à deux femmes un panier rempli de poissons. On voit aussi, derrière, une seconde barque dans laquelle les pêcheurs ne réparent pas les filets, mais les remontent de l’eau, apparemment chargés de poisson, si l’on en croit l’effort que semble faire l’homme situé à gauche. Il s’agit donc là d’allusions directes à la pêche miraculeuse racontée par Luc (c’est lui qui parle d’une seconde barque venue en renfort pour remonter le poisson). On voit donc que même si l’image ne regroupe plus comme au Moyen Âge plusieurs fois les mêmes personnages dans des épisodes séparés (comme dans la pêche miraculeuse de Konrad Witz - voir ci-dessous, où St Pierre apparaît dans la barque et hors de la barque), il reste le désir de synthétiser en une seule scène des éléments issus de plusieurs récits.

Konrad Witz, La Pêche miraculeuse, panneau restant du retable de St Pierre, 1444, musée d'art et d'histoire de Genève

Ajoutons que la gravure, pour situer la scène, nous montre aussi en fond une sorte de citadelle, perchée sur une côte escarpée dominant le lac – allusion à la ville de Génésareth – avec une petite tour d’où s’élève de la fumée – probablement un phare, et quelques palmiers tout à fait à droite, pour donner la coloration orientale. Cette représentation dérive certainement d’une gravure très connue de Peter Bruegel l’Ancien représentant une vue de Tivoli (voir image ci-dessous). On voit aussi sur les deux gravures de tous petits personnages en contrebas de la ville.

Peter Bruegel l'Ancien, Vue de Tivoli, gravée par Hieronymus Cock, v. 1553-57, 32,2 x 42,8 cm
Avant d’aller plus avant dans les investigations concernant notre gravure anonyme, voici, pour mémoire, quelques-uns des tableaux les plus marquants représentant la vocation des apôtres pêcheurs (Pierre et André, et Jacques et Jean, les fils de Zébédée):

Giusto de Menabuoi, la vocation de Simon-Pierre et d'André, 1376-78, Fresque du baptistère de la cathédrale de Padoue

Domenico Ghirlandaio, La vocation des premiers apôtres, fresque de la chapelle Sixtine, Rome 1481-82
Raphaël, Pêche miraculeuse (avec vocation de St Pierre et St André), carton de tapisserie, 500x350cm, 1515, Victoria and Albert Museum, Londres
Marco Basaiti,  "La Vocation des fils de Zébédée” 1510, Huile sur bois, H. 2,86; L. 2,68, Gallerie dell' Accademia, Venise
Henri Met de Bles, Vocation de St Pierre, hst 77,5x97,5cm, Museo Nacional deBellas Artes, Buenos Aires
Giogio Vasari, La Vocation de St Pierre et St André, panneau central de l'autel de l'église della Badia, Arezzo, 1563
Otto van Veen, Vocation de Pierre et André, et Vocation de Jacques et Jean, peintures v. 1594-99, église Saint André, Anvers
Peter Paul Rubens, triptyque de La Pêche miraculeuse, église N.D. de la Dyle, Malines

Michel Desoubleay, La Vocation de St Jacques, couvent San Giacomo di Monselice, Province de Padoue




Federico Barocci, La vocation de St Pierre et St André, dessin préparatoire (Louvre), et peinture hst 321x240 cm, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique
Lodovico Cardi (il Cigoli), La troisième apparition du Christ à St Pierre, deux dessins préparatoires et peinture de la Galleria Palatina, Florence
Ottavio Vannini, Vocation de St André et de St Pierre, V. 1663-64, église des SS. Michele et Gaetano, Florence
Giovan Battista Carlone, Vocation de St Pierre, esquisse pour une fresque de l'église San Siro à Gênes, Galleria Nazionale di Palazzo Spinola
Gaspard de Crayer, La pêche miraculeuse, grande toile provenant de l'église St Pierre d'Ostende, palais des Beaux-Arts de Lille
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Revenons maintenant à la gravure objet de cet article ; elle présente une particularité : elle est associée par collage à une partie inférieure, dont il ne subsiste que le haut (partie avec le cartouche). 
Elle a pu être identifiée, grâce aux indications que m’a aimablement données madame Véronique Meyer (Professeur à l’Université de Poitiers, spécialiste des estampes des XVIIe et XVIIIe siècles) : il s’agit de la partie supérieure d’une « thèse à image ». En effet, durant la fin du XVIIe et la première moitié du XVIIIe siècle, les publications de thèses doctorales étaient parfois agrémentées d’un frontispice au format in-folio, composé le plus souvent en partie haute d’une gravure assemblée par collage, n’ayant pas forcément de rapport direct avec le sujet de la thèse, mais rattachée à celui-ci par une devise inscrite dans un petit cartouche sous l’image gravée. Le reste de la page in-folio comprenait un grand cadre architecturé, décoré de motifs baroques, dans lequel étaient inscrits le titre, le sujet, et les renseignements de soutenance de la thèse. Huit de ces pages/frontispices sont conservées à la bibliothèque universitaire de médecine (Paris 5). Elles ont été décrites au XIXe siècle par le Dr Edouard Turner (E. Turner, Etudes Historiques, Paris, 1878, p. 135 sq.) et ont été récemment restaurées et numérisées (accessibles sur le site de la bibliothèque universitaire de médecine) ; les huit sont des thèses de chirurgie. En voici une en exemple:

Thèse à image de chirurgie : Jésus guérissant les malades


Notre gravure, représentant la Vocation des fils de Zébédée, est assortie dans le cartouche, de la devise « AUSPICE CHRISTO » (sous la conduite du Christ), devise très générale qui ne permet pas de connaître le sujet de la thèse.
Véronique Meyer m’a indiqué que le cadre architecturé dont il ne subsiste que la partie haute a « servi au moins pour deux exercices  qui ont été soutenus le premier en 1746  à Nîmes et le seconde en 1759  à Poitiers ( V. Meyer « Les thèses des collèges et des universités à Poitiers aux XVII° et XVIII° siècles. Soutenances-édition- illustration, p7-161 / n°27, p. 72,  Revue historique du Centre-Ouest, t.IV-1° semestre 2005,  Usage de l’Image)La gravure nîmoise est ornée également de la Vocation de Saint Jean et Saint Jacques. Malheureusement (comme pour la gravure examinée ici), aucun nom  d’éditeur, de peintre, ou de graveur ne figure (voir : J.F.  Delmas, « Estampes et textes imprimés sur tissus de soie. Catalogue raisonné de thèses et d’exercices publics, XVIIIe et XIXe siècles », Bulletin du bibliophile, 2005, fasc. 1,  n°45)Il est probable que haut et bas proviennent du fonds de  Jean-François  (1661-1738) et  Laurent Cars (1699-1771), graveurs et  éditeurs d’estampes, qui s’étaient fait une spécialisé de ce type de production. La Vocation de Saint Jean et Saint Jacques est mentionnée  dans le catalogue du fonds de Babuty, leur héritier, publié en 1771 (Catalogue des sujets de thèses formant le fonds général de feu M. Cars, graveur. Acquis par Babuty, libraire…, n°31 p. 8). Haut et bas (de la page In-folio) datent vraisemblablement des années 1730. La composition principale a sans doute été peinte par un artiste français de la  fin du XVIIe - début XVIIIe siècle. »

Suite à ces précieuses indications, j’ai tenté de retrouver quel pourrait être l’artiste « inventeur » de cette Vocation de Jacques et Jean. J’ai recherché les peintres de cette période dont on connaît des œuvres représentant le même sujet ou un sujet proche, où chez lesquels on peut découvrir des compositions de même type, afin de déceler d’éventuelles ressemblances. Quelques œuvres des peintres suivants vont donc être examinées :

Jean-Baptiste Jouvenet

Jean-Baptiste Jouvenet, classé second au prix de Rome en 1668 (derrière François Verdier), a réalisé un certain nombre de toiles illustrant le Nouveau Testament, qui ont été reprises par son neveu Jean II Restout, afin d’en faire faire des tapisseries par la manufacture des Gobelins ; parmi elles, regardons la « pêche miraculeuse » (1706, hst 392x664 cm, Louvre):



Des similitudes peuvent apparaître entre notre gravure anonyme et la Pêche miraculeuse de Jouvenet : groupement horizontal des personnages, avec sur la gauche un sous-groupe de pêcheurs accroupis ou assis, comportant des femmes qui trient le poisson ; embarcation peu visible au second plan, avec mêmes emplacement et inclinaison du mât. Mais relevons aussi des différences notables : alors que sur notre gravure la ligne d’horizon est au niveau des yeux des personnages principaux, chez Jouvenet, elle est située au niveau de leur bassin, donnant un effet de contre-plongée qui accentue le lyrisme de la composition, déjà marqué par l’emphase de la gestuelle du Christ. Autre conséquence de ce choix : le paysage de fond disparaît totalement chez Jouvenet, tandis qu’il garde toute son importance dans la gravure anonyme.
Si nous regardons d’autres compositions de Jouvenet, nous découvrons que l’emphase gestuelle et l’effet de contre-plongée y sont très fréquents (par exemple dans La résurrection de Lazare). Ces différences me paraissent exclure l’attribution de la Vocation des fils de Zébédée à Jouvenet. 

Daniel Sarrabat

Daniel Sarrabat, classé premier au prix de Rome de 1688, élève de Bon Boullogne, après deux années passées à l’Académie de Rome, s’est installé à Lyon ; il a peint beaucoup de tableaux religieux, mais peut-être pas de vocation des apôtres ni de pêche miraculeuse. Il est cependant un possible auteur de notre gravure. En effet si l’on compare par exemple ses Noces de Cana ou sa Résurrection de Lazare (voir ci-dessous) avec la gravure anonyme de la Vocation des fils de Zébédée, on constate, outre le même type de mise en scène linéaire des personnages organisés par groupes se faisant face, des attitudes très proches (points commun entre le Christ et le jeune homme qui lève sont verre dans les Noces de Cana, et le Christ et Saint Jean agenouillé dans la Vocation des fils de Zébédée ; dans la Résurrection de Lazare,  la composition en deux groupes, avec celui de gauche aux attitudes plus mouvementées, n’est pas sans rappeler celle de notre gravure).



Michel II Corneille

Michel II Corneille, s’est rendu aussi quelques années en Italie pour parfaire sa formation ; il fut reçu en 1663 à l’Académie royale grâce à une « Vocation des Apôtres » (hst 74x60cm, voir ci-dessous), aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Rennes :


On note quelques affinités avec notre gravure, bien que les apôtres appelés par Jésus soient ici Pierre et André. Comme sur la gravure, l’index du Christ est pointé vers les apôtres dont l’un est agenouillé et l’autre en train de descendre de la barque, avec une gestuelle des mains qui indique le respect et la déférence (main gauche et main droite sont cependant inversées par rapport à la gravure). Un autre disciple suit Jésus (il y en a deux sur la gravure – André et Pierre, justement). Un rameur se trouve dans la barque et tourne le dos au spectateur ; il est aussi présent sur la gravure, mais de face, et dans une autre barque. Dans les deux cas il y a une colline au fond à droite, mais sur le tableau de Corneille, la ville est en bas, près du rivage. Le décor de premier plan est très différent, occupé à droite par des feuillages dans le tableau de Rennes, au gauche par une voile dans la gravure. Ajoutons que le parti scénographique de Michel II Corneille donne davantage d’importance aux figures de premier plan, dont le nombre est réduit à cinq. Cette focalisation de l’attention sur les personnages principaux est dans la tradition d’autres peintres maniéristes et post-caravagesques qui ont aussi représenté une Vocation des Apôtres, comme Lodovico Cigoli,  Michel Desoubleay, Biagio Manzoni, Ottavio Vannini, Federico Barocci, Otto van Veen, ou Gaspard de Crayer (voir images plus haut) ; dans la querelle des rubénistes et des poussinistes, ils sont été plutôt rubénistes. En cela l’esprit de notre gravure anonyme est plus classique, donc nettement plus poussiniste, ce qui est un sérieux handicap pour une attribution possible à Michel II Corneille.



Antoine Bouzonnet-Stella et Arnould de Vuez


Les critiques attribuent à Antoine Bouzonnet-Stella (neveu de Jacques Stella) une petite Vocation des fils des Zébédée (hst 106x84 cm) qui se trouve dans la cathédrale St Louis de Blois, et qui semble être la copie (ou l’esquisse) d’une grande toile (hst 310 x 252 cm) de la National Gallery de Dublin, attribuée elle à Arnould de Vuez (voir images ci-dessous). Ces deux toiles, dont la grande était autrefois donnée à Bon Boullogne, sont-elles de la même main ? Quoi qu’il en soit elles présentent beaucoup de points communs avec notre gravure : ligne d’horizon au niveau des yeux, ressemblance de la ville lointaine perchée à droite sur une colline escarpée surplombant la mer, deux minuscules personnages visibles sur la colline ; position, gestuelle, et physique comparables des personnages principaux. Cependant le choix scénographique est assez maniériste ; il rejoint celui de Michel II Corneille qui se concentre sur les figures de premier plan, dont le nombre est ici limité aux acteurs principaux (d’un côté, Zébédée assis dans sa barque et ses deux fils, de l’autre Jésus suivi de Pierre et André). Ce n’est pas le cas de la plupart des compositions d’Antoine Bouzonnet-Stella, davantage classiques et proches des compositions équilibrées de Poussin, comme Le Frappement du rocher, du musée de Grenoble (peut-être faut-il alors préférer l’attribution de la composition des deux tableaux à Arnould de Vuez : il est en effet connu pour combiner dans ses œuvres les leçons du classicisme de Le Brun avec l’influence rubénienne).

Antoine Bouzonnet-Stella, Vocation des fils de Zébédée,  hst, cathédrale St Louis, Blois

Attribué à Arnould de Vuez, Vocation des fils de Zébédée,  hst 310 x 252 cm,  National Gallery de Dublin

 

 

Adrien Manglard

Adrien Manglard appartient à la génération qui suit celle des autres peintres examinés ; il est de trente à quarante ans plus jeune qu’eux. Il a peint une Vocation des Apôtres (1735, hst, 60 x 85 cm, voir ci-dessous) qui se trouve à l’Accademia di San Luca, à Rome. Bien qu’il soit encore dans le créneau des dates possibles pour être l’inventeur de notre gravure anonyme, je ne crois pas un instant qu’il le soit. Cependant j’ai souhaité tout de même faire quelques constats instructifs en observant son tableau, et en le comparant à la gravure. 

Adrien Manglard,  Vocation des Apôtres, 1735, hst, 60 x 85 cm, Accademia di San Luca, Rome
Manglard isole le Christ sur la berge, face aux pêcheurs, qui sont quatre dans la première barque et deux dans la seconde. On peut relever une ressemblance de gestes entre les Christ des deux œuvres, ainsi qu’entre les paires d’apôtres qui viennent vers lui ; le rameur et le mât incliné de la barque offrent aussi quelques similarités. Mais exception faite de ces petites ressemblances, la grande nouveauté du tableau de Manglard est son caractère « atmosphérique ». D’abord le ciel occupe une surface importante, et les personnages sont séparés les uns des autres par davantage d’espace que dans les compositions habituelles. On perçoit aussi l’effet du vent sur les vêtements des protagonistes, ainsi que le mouvement des masses nuageuses, dont le dessin est très précis et réaliste. La lumière est changeante : coup de soleil sur le Christ et sur les deux apôtres au premier plan, et ombre portée d’un cumulus, assombrissant les personnages de second plan. Il a intégré les leçons des grands paysagistes néerlandais du XVIIe siècle comme Albert Cuyp, et anticipe le romantisme teinté de néo-classicisme d’un Caspar David Friedrich (par exemple Clair de lune sur la mer, 1822).

François Verdier

François Verdier fut le principal élève et collaborateur de Charles Le Brun ; c’est un dessinateur hors pair, qui a obtenu deux fois le 1er prix de Rome pour ses dessins. Il est aussi graveur, et on lui connaît notamment un dessin de frontispice pour une thèse. Beaucoup de ses crayons et lavis sont conservés au Louvre, d’autres à l’Albertina de Vienne. Une grande partie de ses tableaux sont à Versailles et au Trianon. Je n’ai pour le moment pas trouvé trace dans ses œuvres d’une Vocation des Apôtres ni d’une Pêche miraculeuse. Mais il a produit de nombreux dessins illustrant des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, et il est très probable qu’il se soit confronté à un moment ou à un autre au thème des pêcheurs du lac de Tibériade. Ce qui me fait considérer Verdier comme le plus probable inventeur de notre gravure anonyme, c’est le style de ses compositions et les morphologies et attitudes des personnages, en particulier les figures féminines. Je commencerai donc par celles-là, à travers la comparaison des deux femmes de la gravure avec celles des plusieurs tableaux et dessins de Verdier, ci-après :

-    Trois peintures du Trianon représentant « Mercure tuant Argus », « La Naissance d'Adonis », et « Vénus voulant empêcher Adonis d'aller à la chasse » (comparer notamment de détail des deux femmes de droite dans la Naissance d’Adonis avec les deux femmes de la gravure ; et pour les autres tableau voir la récurrence du type de représentation des femmes tournant leur visage vers l’arrière):




-    Dessin d’une scène de sacrifice biblique (14x20 cm passé en vente Piasa 31 mars 2011) ; (comparer la femme de dos avec celle de la gravure, mais aussi l’homme avec le saint Jean agenouillé, et l’ange avec le rameur)



-    Dessin de l’Albertina représentant le Christ prêchant devant la foule (15x26,3cm) (on retrouve la même silhouette pour la femme de dos avec un enfant)


-    Dessin du département des arts graphiques du Louvre, représentant Jésus sur la Croix entouré des saints Madeleine et Jean et la Vierge Marie  (comparer encore la femme agenouillée du dessin de Verdier et celle de notre gravure)



-    Dessin représentant « le Christ guérissant un muet » (passé en vente chez Tajan) ; (voir la femme agenouillée à droite, mais aussi le couple formé par le Christ et le muet qui rappelle le Christ et le Saint Jean de la gravure)


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Passons maintenant à la comparaison des figures masculines dans les œuvres suivantes de François Verdier :

-    Gravure de Poilly sur un dessin de Verdier représentant Hercule (à comparer avec le pêcheur tenant le plateau de poissons sur la gravure anonyme)



-    Peinture de Versailles représentant « La nymphe Io adorée par les Phrygiens sous le nom d'Isis » (comparer le personnage le plus à gauche avec le St Jacques descendant de la barque sur le gravure)


-    La peinture « Mercure tuant Argus » déjà examinée pour les figures féminines – voir plus haut (comparer le Mercure avec le rameur de la gravure)

-    Dessin de l’Albertina représentant « Joseph et ses frères devant le Pharaon » (comparer le quatrième personnage en partant de gauche avec le St Jacques descendant de la barque)



-    Dessin représentant « Le Christ et le centurion de Capharnaüm » (comparer le Christ et le centurion avec le Christ et le St Jean agenouillé de la gravure)


-    Dessin de l’Albertina (14,3x24,5cm) représentant « La croix du Christ apparaissant à une sainte martyre (comparer la sainte avec le saint jean de la gravure)


Enfin on peut aussi comparer la structure générale de la composition de notre gravure avec quelques compositions des dessins de François Verdier :

-    « Le Christ guérissant un muet » dessin déjà examiné (voir plus haut) comporte à gauche une forteresse sur une colline qui rappelle celle de la gravure

-    Dessin du Cummer Museum of Art and Gardens, Jacksonville, Floride, représentant « St Paul prêchant » (l’équilibre de la composition générale du dessin de Verdier  est très proche de celui de notre gravure, notamment pour le rapport entre les groupes de personnages)

-    Dessin d’une série des Travaux et exploits d’Hercule, représentant « Hercule sauvant Hésione d’un monstre marin » (comparer en particulier la ville lointaine et la tour d’où s’échappe une colonne de fumée)


-    Dessin de l’Albertina représentant une « Scène de la vie du Christ » (comparer les citadelles à l’arrière plan)



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Je penche donc pour attribuer la composition de la gravure anonyme de la Vocation des fils de Zébédée à François Verdier. Bien sûr, comme toute attribution, elle peut être démentie (ou confirmée) par de nouveaux éléments. C’est pourquoi, si d’aventure un lecteur de ce blog a connaissance du dessin original – ou de toute autre information concernant la gravure étudiée, je le remercie à l’avance de bien vouloir m’en faire part !

Mise à jour avril 2016 : M. Sylvain K. me signale un tableau attribué à Poussin qui se trouve au musée d'art régional d'Irkoutsk, et qui semble être l'original d'où est tirée notre gravure : il est en effet inversé par rapport à la gravure (il en est souvent ainsi, puisque la gravure inverse le sens du dessin;  ce ne serait pas le cas si le tableau avait été réalisé à partir de la gravure). De plus le cadrage du tableau est légèrement plus vaste dans le ciel, ce qui paraît mieux correspondre à l'expression de la voilure (à droite du tableau).

Nicolas Poussin (attr), L'appel des Apôtres, Musée d'Art Régional d'Irkoutsk

Reste à discuter de l'attribution à Poussin... Ou à Verdier ? 
Le tableau a été offert comme une oeuvre de Poussin, en cadeau de mariage à Platon Petrovitch Sukachev et à son épouse Agrafena Nikanorovna née Trapeznikova (parents du fondateur du musée d'Irkoutsk) vers 1840-50. Mais on n'en sait pas plus... (cf article en Russe de Maria Mozhenkova, chercheur au Museum of Art : http://www.vsp.ru/culture/2010/12/23/507612 ).
Mise à jour décembre 2017: pour plaider en faveur de l'attribution à François Verdier, voir une "entrée à Jerusalem" de ce peintre, conservée au musée des Beaux-Arts, et dont la composition et la palette montrent beaucoup de ressemblances avec le tableau d'Irkoutsk:


François Verdier, L'entrée du Christ à Jérusalem, fin XVIIe s., huile sur toile, 149,5 x 91 cm, musée des Beaux-Arts de Quimper
Mise à jour juin 2019 : ayant obtenu une meilleure photo du tableau d'Irkoutsk aujourd'hui restauré, je pense m'être trop focalisé sur les attitudes particulières de certains personnages : le ciel du tableau est totalement "poussinesque", de même que l'équilibre, la taille, le jeu de couleurs et des éclairages des personnages dans la composition. Il me semble donc que l'attribution à Poussin est non seulement plausible, mais davantage crédible que toutes les autres hypothèses avancées... Jacques Thuillier, qui a établi la liste des œuvres de Nicolas Poussin, n'avait certainement pas connaissance de ce tableau. Sa réalisation pourrait se situer entre 1650 et 1655, par comparaison avec le style et les sujets abordés par le maître dans cette période. Pour ceux qui comprennent le Russe, voici une présentation du tableaux d'Irkoutzk: https://www.youtube.com/watch?v=UBGn87ehMkQ