Copie du XVIIIe s. de « l’allégorie de la géométrie », de Jean-Baptiste Santerre 1651-1717 (musée des Beaux-Arts, Tours), XVIIIe s., huile sur toile , collection privée |
Peindre le portrait de quelqu’un pour perpétuer son souvenir est une tradition qui remonte à l’antiquité (peintures funéraires), mais qui s’est développée en occident surtout à partir de la Renaissance, si l’on excepte quelques artistes avant-courriers, comme celui qui peignit Jean le Bon vers 1350. Au XVe siècle, l’art de peindre arrive à nouveau à saisir les ressemblances et se libère de conventions qui, au Moyen-Âge, fixaient la représentation des personnages dans une gestuelle et une graphie codées, ne laissant rien passer de l’émotion qu’il peut y avoir à évoquer un visage.
Mais la ressemblance n’est pas tout, et très vite les peintres ont perçu l’écueil qu’il y a à figer les traits du modèle dans une pose stéréotypée et dans une vérité trop matérielle, pouvant être dénuée d'expression. Les habiles peintres portraitistes flamands étaient ainsi accusés de ne s’intéresser qu’à l’anecdote réaliste et de perdre de vue ce qu’était réellement la valeur psychologique et morale du personnage représenté.
Dans sa thèse « Ut pictura theatrum, Théâtre et peinture de la Renaissance italienne au classicisme français » (Droz, 2003) Emmanuelle Hénin rapporte qu’en Italie, l’idée du «portrait en action» «serait venue à Giorgione au contact de Léonard de Vinci, présent comme lui à Venise autour de 1500. Léonard opposait les portraitistes, préoccupés seulement de ressemblance, aux peintres d’histoire obéissant aux règles du decorum. D’où l’idée d’appliquer ces règles au portrait en y introduisant le mouvement et l’allégorie, soit en plaçant les modèles en situation (lire, jouer de la musique, discuter), soit en les déguisant de façon mystérieuse – et souvent les deux à la fois. (…) le bon portrait se nie comme portrait, il est sauvé par ce qui n’est pas lui (composition, action, idée allégorique). Les bons peintres dépassent l’asservissement à la ressemblance en passant du portrait à la composition (…). Le critère du bon portrait, comme du bon tableau d’histoire, est sa capacité à être mis en ekphrasis, car toute narration suppose une action et se structure autour d’elle.» (op. cit. pp 176-177).
L’action et l’allégorie dans le portrait peuvent rester cependant très discrètes, comme dans ce tableau anonyme du XVIIIe siècle représentant une jeune fille pensive (j'ai découvert en sept 2021 qu'il s'agissait d'un copie du "portrait d'une mathématicienne, ou allégorie de la géométrie", de Jean-Baptiste Santerre). Le coude appuyé sur un gros livre, elle est en train derédiger une
lettre
tracer une figure géométrique, dans une attitude à la fois chaste et séduisante (sa robe de chambre a glissé découvrant un caraco de satin bleu et la blancheur de son épaule) : ce portrait est donc une représentation allégorique d' Uranie, la muse de l’astronomie et de la géométrie, figurée généralement avec un globe et un compas (dans le tableau de Santerre, elle tient un compas, mais dans la copie, l'artiste l'a remplacé par un stylet, évoquant alors plutôt Polymnie, la muse de l'éloquence ; dans l'antiquité, cette muse était représentée généralement dans l’attitude de la méditation, ce que l'artiste a transposé dans cette charmante copie (les qualités auxquelles préside Polymnie convenaient tout à fait à la représentation d'une jeune fille de bonne famille). (mise à jour sept 2021)
Mais la ressemblance n’est pas tout, et très vite les peintres ont perçu l’écueil qu’il y a à figer les traits du modèle dans une pose stéréotypée et dans une vérité trop matérielle, pouvant être dénuée d'expression. Les habiles peintres portraitistes flamands étaient ainsi accusés de ne s’intéresser qu’à l’anecdote réaliste et de perdre de vue ce qu’était réellement la valeur psychologique et morale du personnage représenté.
Dans sa thèse « Ut pictura theatrum, Théâtre et peinture de la Renaissance italienne au classicisme français » (Droz, 2003) Emmanuelle Hénin rapporte qu’en Italie, l’idée du «portrait en action» «serait venue à Giorgione au contact de Léonard de Vinci, présent comme lui à Venise autour de 1500. Léonard opposait les portraitistes, préoccupés seulement de ressemblance, aux peintres d’histoire obéissant aux règles du decorum. D’où l’idée d’appliquer ces règles au portrait en y introduisant le mouvement et l’allégorie, soit en plaçant les modèles en situation (lire, jouer de la musique, discuter), soit en les déguisant de façon mystérieuse – et souvent les deux à la fois. (…) le bon portrait se nie comme portrait, il est sauvé par ce qui n’est pas lui (composition, action, idée allégorique). Les bons peintres dépassent l’asservissement à la ressemblance en passant du portrait à la composition (…). Le critère du bon portrait, comme du bon tableau d’histoire, est sa capacité à être mis en ekphrasis, car toute narration suppose une action et se structure autour d’elle.» (op. cit. pp 176-177).
L’action et l’allégorie dans le portrait peuvent rester cependant très discrètes, comme dans ce tableau anonyme du XVIIIe siècle représentant une jeune fille pensive (j'ai découvert en sept 2021 qu'il s'agissait d'un copie du "portrait d'une mathématicienne, ou allégorie de la géométrie", de Jean-Baptiste Santerre). Le coude appuyé sur un gros livre, elle est en train de
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