présentation des peintures synchronistiques

lundi, mai 28, 2018

Rêve avec irruption d’un incube

Gilles Chambon, "Rêve avec irruption d'un incube", huile sur toile 52 x 40 cm, 2018
Les anciens pensaient que certains cauchemars étaient provoqués chez les hommes par les succubes et chez les femmes par les incubes, démons qui se matérialisaient pour abuser de leur victime pendant le sommeil. 

Ici un incube descend (ou remonte) le long d’une corde avant (ou après) un acte sexuel avec une femme dénudée nonchalamment étendue.

Cet incube voltigeur emprunte son corps à Daumier (l’homme à la corde) et sa tête à l’un des nombreux minotaures de Picasso. 

Honoré Daumier, "L'homme à la corde", c.1856-58, huile sur toile 110.5 x 72.4 cm, Musée des Beaux-Arts, Boston
Pablo Picasso "Dora et le Minotaure", 1936, dessin crayon de couleur et encre, 40,5 x 72 cm, musée Picasso Paris

Quant à la jeune femme, elle est reprise d’un dessin d’Egon Schiele.

Egon Schiele, "Femme allongée les jambes écartées", 1914, dessin crayon et pinceau, 31,2 x 48 cm, Albertina, Vienne

Ce tableau synchronistique témoigne que le désir sexuel est parfois sur une corde raide, dans un inter-lieu fantasmatique hésitant entre enfer et paradis.
D’où un décor qui confronte le rougeoiement des flammes à la luminosité blanche et diaphane de l’éther. Il est construit à partir d’une composition renversée de Zao Wou-ki (10-01-91, huile sur toile 130 x 162 cm, dont il existe aussi un tirage lithographique).

Zao Wou-ki, peinture 10.01.91, huile sur toile 130 x 162 cm

samedi, mai 19, 2018

L'angoisse du grand remplacement

Gilles Chambon, "Rêve causé par la lecture de Renaud Camus au son du King Oliver's Creole Jazz Band, une seconde après l'endormissement", huile sur toile 70 x 45 cm, 2018
Aujourd’hui beaucoup d’Européens s’inquiètent à l’idée que leur culture ancestrale puisse être subvertie par celle des immigrants, dont la visibilité ne cesse d’augmenter. Renaud Camus, Eric Zemmour, Alain Finkielkraut, Michel Ouellebeck, ont donné un corps politico-littéraire à ces peurs qui traversent la société occidentale. 

Curieusement, le premier « envahissement culturel » était beaucoup plus euphorique. Il a eu lieu il y a déjà un siècle, d’une part avec l’engouement pour l’art africain et ses masques si recherchés par les cubistes puis par les surréalistes, et d’autre part avec la musique afro-américaine, blues et jazz (le premier disque de jazz est paru le 7 mars 1917)… À cette époque, même si certains bourgeois traditionnalistes s’offusquaient du caractère débridé de la musique noire, la majorité des créateurs et des intellectuels vivaient cette découverte de cultures exotiques comme une richesse nouvelle capable de redynamiser la création artistique européenne. C’était un vent de liberté, une façon de remettre en question les vieux canons de l’art, de découvrir autre chose. Picabia avait ainsi, au début des années 20, composé des tableaux abstraits transposant picturalement la « musique nègre ».

Le second assaut de culture exogène remonte aux années 70, avec la vague hip-hop puis le rap, nés dans les ghettos noirs et latinos des Etats-Unis, et qui continuent de fleurir dans le monde entier parmi la jeune génération… Avec ces formes musicales, l’orage a commencé à monter. La violence, la menace, voire la haine accompagnent souvent les litanies du rap, et contrastent singulièrement avec l’ambiance joyeuse et festive que faisait rayonner le jazz et ses rythmes endiablés. D’où l’exacerbation des tensions entre des cultures qui ont de plus en plus tendance à s’affronter, au lieu de se féconder.

Alors si la vision hypnagogique que traduit mon tableau parle de l’angoisse du « grand remplacement », elle le fait sur le mode humoristique, avec un clin d’œil synchronistique à l’esprit jazz-dada de la première moitié du XXe siècle, à travers un détournement de deux peintures, l’une de Francis Picabia (Eclipse, 1922-23, musées royaux de Belgique), l’autre du peintre abstrait russe Serge Charchoune (Composition I, 1943-44, collection privée).

Serge Charchoune, Composition I, 1943-44, huile sur carton 15 x 23,5 cm, passé en vente en 2018

Francis Picabia, Eclipse, 1922-23, huile sur toile 195,5 x 114,5 cm, Musées royaux de Belgique, Bruxelles
Le tableau de Picabia titré « éclipse » montre une Vierge de l’Immaculée Conception, sans doute copiée d’une petite gravure (voir image ci-après) dont le visage est masqué par une tête de personnage grimé comme une sorte de clown (blackface), à la façon dont on caricaturait les noirs au début du XXe siècle. Peut-être une allusion au jazz qui éclipsait momentanément la musique traditionnelle de l’Europe chrétienne.

De l’éclipse de Picabia au grand remplacement de Renaud Camus, il n’y avait qu’un pas, que mon imagination a franchi allègrement, en clonant le visage du clown noir, pour qu’il commence à envahir les pétales qui ceignent la grosse sphère blanche de Charchoune, auréolant elle-même la Vierge européenne… À regarder en musique !

mardi, mai 01, 2018

Le ramollissement imprévisible de l'espace-temps

Gilles Chambon, "Ramollissement imprévisible de l’espace-temps – ou l’invasion des montres molles"
Huile sur toile, 105 x 195 cm, 2018
La géométrie euclidienne de l’espace (symbolisée par l’architecture Renaissance à gauche du tableau, reprise d’une peinture du Tintoret) et l’écoulement régulier du temps (symbolisé par les quatre montres daliniennes qui semblent tomber du ciel comme un rayon divin) sont des illusions provoquées par l’hyperactivité rationnelle de notre cerveau. Déjà la torsion des montres indique, s’il en était besoin, que l’espace-temps est en réalité beaucoup plus courbé qu’on ne le croit, et les images doubles, empruntées elles aussi à Dali, témoignent de la solubilité totale de l’espace réel dans l’acide nitrique de l’imagination. Celle-ci est ainsi capable, comme le montre une évocation de L'afghan invisible avec l'apparition du visage de Garcia Lorca en forme de compotier aux trois figues (Dali 1938) de reconnaître la présence du grand poète disparu dans un simple compotier de figues. 

La partie droite du tableau (transposée d’un incendie de Sodome et Gomorrhe de Monsù Desiderio) démontre que lorsqu’on ouvre les tiroirs de l’inconscient, toute la belle architecture rationnelle élaborée par la partie gauche de notre cerveau vole en éclats dans un fracas évoquant à la fois le commencement (présence de l’œuf narcissique dalinien) et la fin des temps (tête de mort à moitié réincarnée issue de la résurrection des morts d’un jugement dernier du Tintoret). 

Cette composition synchronistique, donc, met en résonnance Dali, Tintoret, et Monsù Desiderio. Elle peut être interprétée comme une sorte de psychanalyse picturale de l’espace-temps. L’impression de ramollissement irrémédiable de l’espace et du temps est ressentie en particulier quand on pense à notre propre mort, et qu’on se persuade que toutes les montres vont alors s’arrêter pour indiquer de façon obsessionnelle l’heure exacte de notre disparition.

Voici l'origine des fragments de peintures détournés et réinterprétés pour ce tableau:

Tintoret : 
Le Tintoret, La translation du corps de St Marc (1562, Galerie de l’Académie, Venise)
Le Tintoret, Le jugement dernier, détail de la résurrection des morts, Chœur de Madonna dell'Orto, Venise)

Monsù Desiderio (François de Nomé) : 
Monsù Desiderio (atelier), La Fuite De Loth Ou La Destruction De Sodome Et Gomorrhe, Huile sur toile H. 50 cm L. 90 cm, collection privée

Salvador Dali : 
Salvador Dali, "Afghan invisible avec apparition, sur la plage, du visage de García Lorca, en forme de compotier aux trois figues", c. 1938, Huile sur bois, 19.2 x 24.1 cm, Collection privée
Salvador Dalí, "Désintégration de la persistance de la mémoire", 1952-1954, huile sur toile, 25,4 × 22 cm, Salvador Dalí Museum, St. Petersburg
Salvador Dalí, Métamorphose de Narcisse, 1936-1937, Huile sur toile, 51,1 × 78,1 cm, Galerie Tate Modern, Londres 
Salvador Dalí, Le Cabinet anthropomorphique, 1936, Huile sur bois,25,4 × 44,2 cm, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf
Salvador Dalí, Le Grand paranoïaque, 1936, huile sur toile, 62 × 62 cm, Musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam

mercredi, mars 28, 2018

Médaille

Le 27 mars 2018 à la Société des Artistes Français, remise des médailles du Salon 2018... Et la médaille de bronze que j'ai obtenue, réalisée par le médailleur de la Monnaie de Paris Jean Pierre Gendis (sur la photo, il est à droite de la table officielle)

vendredi, mars 23, 2018

Femme à la guitare

Gilles Chambon, Femme à la guitare, huile sur toile 52 x 50 cm, 2018
Au Moyen âge, les peintres nous montraient le paradis où des anges jouaient du luth… Mais quand, à partir de la Renaissance, certains laissèrent la représentation du ciel pour celle de la terre, ce sont les femmes (ne sont-elles pas d’ailleurs une sorte de version profane des anges ?) qu’ils chargèrent de nous transporter avec leurs accords. 

Donc depuis le début du XVIe siècle, nombreuses ont été les peintures montrant une femme jouant du luth, de la guitare, ou de la mandoline. Beauté féminine associée à la beauté de la musique, allusion aux plaisirs des sens, mais aussi à leur vanité.

Parmi les grands peintres du XXe siècle, beaucoup se sont essayés à cette représentation : Picasso et Braque, Matisse, Gris, Chagall, Lempika, Metzinger, Botero… Curieusement, Modigliani n’a, à ma connaissance, pas travaillé ce thème. Ses femmes, pourtant, sont si mélodieuses…

J’ai donc pris la liberté, dans cette nouvelle peinture synchronistique, d’utiliser sa Femme à la chevelure rousse de 1917 (National Gallery of Art de Washington) pour en faire une guitariste. Je l’ai « reconditionnée » avec une composition d'un neveu de Picasso, Javier Vilato (La Terre, 1959), qui lui donne un vague petit air d’ange, avec une aile blanche derrière le dos. J’ai aussi semé dans la Terre de Vilato quelques tournesols de Van Gogh, afin de la rapprocher des jardins du paradis, où résonne toujours la musique des anges.

Amedeo Modigliani, Femme à la chevelure rousse, 1917, huile sur toile 92,1 x 60,7 cm, National Gallery of Art, Washington

Javier VILATO RUIZ,  La Terre, 1959  Huile sur toile73 x 60 cm

dimanche, mars 18, 2018

LA CHASSE À LA LICORNE

Anonyme, Chasse mystique (Annonciation), 1515, Mersebourg, Allemagne
La licorne, plus qu’aucun autre animal réel ou mythique, a capté l’imagination humaine en Occident depuis l’antiquité, mais surtout du XIIe au XVIIe siècle, où elle a donné lieu à de nombreuses légendes, et où sa charge symbolique n’a cessé de s’amplifier (L’unicorne existe aussi dans la tradition chinoise, mais c’est une autre histoire, que je n’aborderai pas ici).

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UN ANIMAL EXOTIQUE À LA MORPHOLOGIE CHANGEANTE

En Occident, donc, la créature à une corne semble née d’une confusion faite par le médecin grec Ctésias, au IVe siècle av JC. 
Il rapporte en effet sur l’Inde des informations de deuxième ou troisième main, parmi lesquelles l’existence d’un animal qu’il nomme monocéros :  
« Il existe en Inde certains ânes sauvages qui sont aussi grands que des chevaux, et même plus grands. Leur corps est blanc, leur tête rouge foncé, et leurs yeux bleu foncé. Ils ont une corne sur le front, qui a environ un pied et demi [45 cm] de long. La poudre extraite de cette corne est administrée dans une potion qui protège contre les poisons». 

La confusion est sans doute faite entre le rhinocéros indien (dont la corne servait déjà de remède) et l’onagre sauvage ; son imagination a fait le reste…

Manuel Philes, De animalium proprietate (grec(1566), Paris, Bibl. Sainte-Geneviève, ms. 3401. 

Manuel Philes, De animalium proprietate (grec(1566), Paris, Bibl. Sainte-Geneviève, ms. 3401. 

Pier Candido Decembrio - Tierbuch - De omnium animalium natura- Rhinoceros - Monoceros Rome BAV Urb. lat. 276 - fol-41r le texte de ce manuscrit est de 1460, les illustrations ont été rapportées un siècle après

Par la suite, la morphologie de la licorne, ses mœurs, et son habitat vont beaucoup varier suivant les auteurs. Au XIIIe siècle, le « Livre des propriétés des choses » du franciscain Barthélemy l’Anglais, dit des unicornes que « Certaines ont un corps de cheval, une tête de cerf, une queue de sanglier, et ont une corne noire (...) On les appelle souvent monocéros ou monoceron. Une autre variété de licornes est appelée églisseron, c’est-à-dire chèvre cornue. Elle est grande et haute comme un cheval, mais semblable à un chevreuil ; sa corne est blanche et très pointue (...) Une autre espèce de licorne est semblable à un bœuf, tachée de taches blanches ; sa corne est noire et brune, et elle charge son adversaire comme le fait un taureau ». 
Chasse à la licorne, Bibliothèque Municipale de Douai, MS 711, Folio 4r

Licorne, Manuscrit XVIe s.,  Zürich, MS Rh hist 161, 

Licorne, Manuscrit écrit par le marin vénitien Michael de Rhodes, 1434 Institute and Museum of the History of Science, Florence

Licorne, Jacob van Maerlant, Der Naturen Bloeme Flandres ou Utrecht, c. 1450-1500,Koninklijke Bibliotheek, KB, 76 E 4, Folio 34r, La Haye

Jan Jonston, huit espèces de licornes, Historia Naturalis de Quadrupedibus… J. J. Schipperi, Amsterdam, 1657
Maerten de Vos, Licorne, 1572, huile sur panneau chêne 137x136,5cm Staatliches Museum Schwerin, Allemagne

On les fait habiter soit en Inde, soit en Afrique, soit en Arabie, soit même en Europe du nord. Mais on les associe toujours à des lieux sauvages et reculés, en particulier les forêts. Certains dessins les montrent chevauchées ou accompagnées par des hommes sauvages. 

Le prince devenu homme sauvage, détail d'une tapisserie alsacienne de 1480-90, illustrant le poème "Der Busant"

Maître ES (Allemand actif entre 1450 et 1467), Femme sauvage avec une licorne, carte à jouer

Maître ES (Allemand actif entre 1450 et 1467), homme sauvage sur une licorne, carte à jouer

Les peintres les placent volontiers aussi dans le paradis terrestre, leur faisant très souvent pencher la tête au-dessus d’un cours d’eau, que leur corne purifie. 

Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, Mariage d'Adam et Ève, Bruges, vers 1475-1500, Bibliothèque nationale de France, Manuscrits, Français 11 fol. 3v

Le paradis terrestre, gravure anonyme flamande du XVIIe s.

Dans certains récits, les licornes, animaux farouches sont désignées comme ennemies naturelles des éléphants, qu’elles éventrent avec leur corne. 

Eléphant contre licorne, Psautier de la reine Mary, Londres 1310-1320, British Library, Royal 2 B VII, fol 100 v.

Dans d’autres, elles se battent avec les lions ou des ours, qui ne peuvent avoir le dessus qu’en rusant : ils se placent devant un arbre, attendent la charge de la licorne, qu’ils esquivent au dernier moment, si bien que la corne de la bête se plante dans l’arbre et l’immobilise, la rendant vulnérable.

Combat de l'ours avec une licorne, bas de page, manuscrit français (Toulouse?) XVe s., Royal 10 E IV folio 157, British Library
Combat d'une licorne contre des fauves, détail tapisserie flamande du XVIe s., Palais Boromée, Isola Bella, Italie

Malgré la grande diversité des légendes courant sur la licorne, toutes s’accordent sur la valeur thérapeutique de sa corne, qui est censée guérir un grand nombre de maux, et être un antipoison universel. La licorne est très souvent représentée trempant sa corne dans l’eau des sources pour les purifier des poisons. Cette croyance explique l’important commerce de fausses cornes de licornes (dents de narvals) qui a existé en Europe jusqu’au XVIIIe s., et la présence d’effigies de licornes, très répandue aux devantures des apothicaires.

Ecole praguoise c. 1600, Une licorne purifie une source avec sa corne, dessin encre et aquarelle, 20,6 x 54,8 cm, collection privée, Londres

Enseigne d'une maison et apothicairerie du XVIIe s., place de la République, Pizen, République tchèque


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LES CONNOTATIONS SYMBOLIQUES DE LA LICORNE

Mais au-delà des anecdotes qui circulent sur ses comportements et ses pouvoirs thérapeutiques, la licorne fait tout de suite partie du petit cercle des animaux à forte charge symbolique. 
Comme le lion, l'âne, la colombe, le serpent, le dragon, le bœuf, l’aigle, le singe, etc… Dans beaucoup de représentations elle est d’ailleurs associée au lion (en particulier dans les très célèbres tapisseries de la dame à la licorne) : le lion, roi des animaux (il a en effet détrôné l’ours depuis le XIIe siècle) est symbole de force virile et de courage, associé au feu et au soleil, tandis que la licorne symbolise la pureté, la chasteté féminine, et la force d’âme, associée à l’eau et à la lune ; d’où la blancheur qui lui est la plupart du temps attribuée.

Edward III avec une licorne et un lion, Angleterre 1567, manuscrit Hunti. Lib HN 160
L'une des six tapisseries de la Dame à la licorne, symbolisant la vue, fin XVe début XVIe s., musée de Cluny, Paris
Licorne et lion, plafond de la synagogue de Chodorow, XVIIe s., Pologne

Le lion et la licorne entrent dans la composition de beaucoup d’armoiries, notamment celles du Royaume Uni, qui réuni le blason de l’Angleterre (où deux lions cabrés se font vis-à-vis) et celui de l’Ecosse (où ce sont deux licornes cabrées en face-à-face).

Armoiries du roi Charles II 1671-1685, huile sur toile, Londres, Royal Hospital, Chelsea


La licorne finira par accompagner toujours les figures féminines qui personnifient la chasteté ou la virginité (dans les emblèmes ou même dans les portraits, aux XVIe et XVIIe siècles), ou encore parmi les quatre vertus cardinales, la tempérance.

Les quatre Vertus cardinales - Prudence, Force, Justice, Tempérance, c. 1510, in "Traité des vertus, de leur excellence, et comment on les peut acquérir", par Robinet Testart (enlumineur) et François de Moulins (auteur), BNF Français 12247
Ecole flamande, vers 1540, Allégorie de la Chasteté terrassant Cupidon, huile sur panneau, 50,2 x 36,2 cm (pendant d'une allégorie de la Mort, de même format, Sotheby's N-Y, juin 2012
Perino del Vaga (1501-1547), Jeune fille à la licorne, dessin et encre, British Museum

Crispijn de Passe I (1589 - 1611), Chasteté,  gravure, h 210mm × b 148mm
Domenichino, La jeune fille et la Licorne, c. 1602, fresque du Palais Farnèse, Rome

Raphaël, La Dame à la licorne, 1505-06, huile sur bois transposée sur toile, 65 x 51cm, Galerie Borghèse, Rome

Anonyme, Portrait d'un homme à la licorne, 2e moitié XVIe siècle, Château-Thierry,  musée Jean de La Fontaine
(Le symbolisme de la licorne est peut-être ici lié à ses armoiries, ou à sa qualité de savant dans les sciences médicinales)
Luca Longhi (1507-1580), La dame à la licorne, possible portrait de Giulia Farnèse, localisation non renseignée

Alessandro Bonvicino (Moretto da Brescia), Sainte Justine à la Licorne, 1530, huile sur bois 200 x 139 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne

Au XVe siècle, on voit souvent représenté le cortège triomphal de la Chasteté : elle est montée sur un char tiré par des licornes, elle tient parfois une colonne, symbolisant la force d’âme, et elle est généralement accompagnée d’un cupidon enchaîné.

Gherardo del Fora (Gherardo di Giovanni), Le triomphe de la Chasteté (panneau de coffre de mariage, 42 x 65 cm), 1485, Turin Galerie Sabauda

Illustration des "Triomphes" de Pétrarque: Triomphe de la chasteté, Rouen, XV e et XVIe s., Paris, BNF, département des Manuscrits, Français 223, fol. 94v

Cercle de Giovanni di Paolo (c. 1399-1482), Triomphe de la chasteté, c. 1470, huile sur panneau, Ashmolean Museum, Oxford


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LA CHASSE À LA LICORNE

Mais la légende la plus étrange et la plus riche en développements symboliques et allégoriques dans les peintures, les romans, ou les livres du Moyen âge et de la Renaissance, relie la chasse à la licorne aux jeunes filles vierges (sans doute en raison de la symbolique lunaire qui devait déjà exister dans l’antiquité). Cette légende trouve son origine dans le Physiologos, bestiaire chrétien du IIIe ou IVe siècle écrit par un Grec d’Alexandrie, ou de Syrie.

Cet ouvrage, dont seuls des fragments nous sont parvenus, était constitué d’une succession de brefs récits sur chaque animal. Il connut de nombreuses traductions en Occident aux XIIe et XIIIe siècles, et servit de modèle à tous les bestiaires médiévaux. 
Le Physiologos retient la licorne parmi les quarante-neuf animaux présentés pour l'édification des chrétiens. Elle y est décrite comme "un petit animal, qui ressemble au chevreau, et qui est tout à fait paisible et doux", mais "d'une force telle que les chasseurs ne peuvent l'approcher".

On y apprend alors que la seule ruse permettant de capturer une licorne est de profiter de l’irrépressible attraction que les jeunes filles vierges exercent sur elle… Voici comment cela est relaté, au début du XIIIe siècle, dans le Bestiaire de Pierre de Beauvais, le plus proche du Physiologos original : 

« Physiologue dit que la nature de la licorne est telle qu'elle est de petite taille et qu'elle ressemble à un chevreau. Elle possède une corne au milieu de la tête, et elle est si féroce qu'aucun homme ne peut s'emparer d'elle, si ce n'est de la manière que je vais vous dire : les chasseurs conduisent une jeune fille vierge à l'endroit où demeure la licorne et ils la laissent assise sur un siège, seule dans le bois. Aussitôt que la licorne voit la jeune fille, elle vient s'endormir sur ses genoux. C'est de cette manière que les chasseurs peuvent s'emparer d'elle et la conduire dans les palais des rois. »

La casse à la licorne, bestiaire anglais manuscrit de 1220-30, Fitzwilliam Museum, MS 254, Folio 17r

La chasse à la licorne, Manuscrit du XIIe s.,Bodleian Library, MS. Laud Misc. 247, Folio 149v

Chasse à la licorne, bestiaire, manuscrit XIIIe-XIVe s., British Library, Royal MS 12 F. xiii, Folio 10v

Sur les deux images ci-dessus, on voit que le chasseur perce avec une lance le flanc de la licorne, indiquant une correspondance symbolique avec le Christ dont le flanc a été percé par une lance sur la croix.

Une version syriaque de la capture de la licorne par une vierge, précise même que l’animal s’agenouille dans le giron de la vierge et lui suce les seins (le traducteur fait alors une analogie avec l'incarnation de Jésus-Christ, comparant la jeune fille à la vierge Marie, ses seins aux églises qui alimentent la chrétienté. Pierre de Beauvais considérait aussi que le Christ était comme « une licorne céleste qui descendit dans le sein de la Vierge »). Nous verrons plus loin que le symbolisme christologique de la licorne est omniprésent dans l’imaginaire chrétien.

Episode d'une chasse à la licorne, jeune vierge aux seins nus, tapisserie de Strasbourg 1500-10, Bâle, Musée historique

Sur ces prémisses qui ont littéralement fasciné les imaginations, vont se greffer deux traditions symboliques : l’une, à tendance davantage profane, est liée à l’amour courtois : c’est la chasse à la licorne, sa capture, et sa prise de possession par un roi. L’autre, totalement religieuse, appelée aussi la « chasse mystique », est une métaphore de l’Annonciation faite à Marie.

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Commençons par celle où la capture de la licorne est une image de l’amour courtois. Elle a été traduite à l’époque gothique et à la Renaissance dans beaucoup de tapisseries et gravures, en lien avec la célébration de mariages, ou de liaisons amoureuses aristocratiques. Le schéma interprétatif est le suivant : la licorne, noble animal, fort, sauvage, et indomptable, symbolise le chevalier qui met en fuite ses ennemis (les chasseurs), et qui avec sa corne (son épée) éloigne les poisons de la source où s’abreuvent les animaux (protège son territoire contre les dangers). Mais il se soumet par l’amour d’une noble et chaste dame (la jeune vierge), se « pacifie » à travers elle, et accepte les liens du mariage.

Ainsi la série des sept tapisseries de la Chasse à la licorne, aujourd’hui au musée des Cloisters (New York), ont semble-t-il été commandées pour le mariage d’Anne de Bretagne, reine de France, avec Louis d’Orléans (1499).

Les sept tapisserie de la Chasse à la licorne (Flandres, 1495-1505), musée des Cloisters, New York
Il ne reste que deux fragments de la tapisserie du milieu, une restitution partielle (en fond d'image) a été mise en œuvre à Stirling Castle, en Ecosse

Une série de six gravures de 1560, dues à Jean Duvet, sans doute réalisée en hommage à l’amour du roi Henri II pour Diane de Poitiers, illustre aussi cette symbolique :

Jean Duvet, Chasse à la licorne (1560) - première gravure, Le roi et sa dame reçoivent les chasseurs
Jean Duvet, Chasse à la licorne (1560) - deuxième gravure, La licorne purifie l'eau où boivent les animaux
Jean Duvet, Chasse à la licorne (1560) - troisième gravure : la licorne blesse et met en déroute les chasseurs
Jean Duvet, Chasse à la licorne (1560) - quatrième gravure : la licorne endormie sur la jeune vierge est ligotée par les chasseurs
Jean Duvet, Chasse à la licorne (1560) - cinquième gravure : la licorne capturée est ramenée en triomphe sur le char du roi
Jean Duvet, Chasse à la licorne (1560) - sixième gravure : la licorne richement caparaçonnée défile entre le roi et sa dame


LA CHASSE MYSTIQUE

Ce que l'on nomme « chasse mystique » est beaucoup plus étrange encore, et riche d’enseignements. C’est une transposition de l’Annonciation faite à Marie par l’archange Gabriel, dans laquelle Marie est représentée par la jeune vierge des chasses à la licorne chargée de l’accueillir en son giron, et Gabriel par le maître veneur de la chasse, conduisant les chiens. La licorne est assimilée au Christ : si elle est endormie sur le giron de Marie, elle préfigure la mort du Christ après sa crucifixion et avant sa résurrection. La licorne symbolise aussi le Christ par sa corne salvatrice, signe de puissance et de pureté.

Ces représentations, très nombreuses en Allemagne aux XIVe et XVe siècles, sont toujours chargées d’une foule de symboles, mettant en parallèle d’une part l’annonce du Messie, de la Passion, et de la Rédemption, et d’autre part plusieurs passages de l’Ancien Testament qui peuvent être interprétés comme préfigurateurs de l’histoire du Christ. 

Chasse mystique, XVe s., huile sur panneau, Friesach, Allemagne

Chasse mystique, miniature sur vélin 130 x 190 cm, Augsbourg, c. 1480-1500, Sotheby's Londres, juillet 2016

Annonciation / chasse mystique, retable (1525-50) - conservée au Magasin des Diözesan-Kunst-Museums, JWE D353, Erfurt, Allemagne

Cette tradition a calqué son expression sur ce qu’on appelait les Bibles des pauvres, qui étaient des sortes de petites anthologies illustrées des symboles forts de la chrétienté, composées d’une cinquantaine de feuillets, présentant chacun une scène de la vie du Christ en rapport avec deux épisodes de l’Ancien Testament, et commentés par quatre prophètes dont on voyaient les paroles dans des phylactères. Elles étaient très codifiées et instituaient une typologie des correspondances entre l’Ancien te le Nouveau Testaments. Elles étaient très utilisées au Moyen âge, parce que simples et rédigées en langue vernaculaire. 

Très proche des Bible des pauvres, le Speculum humanae salvationis, autre ouvrage illustré du début du XIVe siècle, a servi aussi d’inspiration au symbolisme des chasses mystiques à la licorne ; il faisait aussi des parallèles entre la vie du Christ et l’Ancien Testament, mais y ajoutait en plus des références à la tradition païenne.

Voici quelques images de ces Annonciations / Chasses à la licorne, dont le symbolisme va être examiné :

On remarque dans le décor de ces Annonciations / Chasses mystiques :

- Le jardin clos et la fontaine scellée, qui renvoient au Cantique des cantiques (« Tu es un jardin clos, ô toi, ma sœur, ma mariée, un jardin clos et une fontaine scellée », C d C, 4.12), l’enceinte du jardin incorpore aussi la Tour de David avec des boucliers héraldiques, et deux portes étiquetées comme Porte d'Or et Porte d'Ézéchiel ;

- On voit aussi la toison de Gédéon (Juges, 6. 33-40)  et la verge d’Aaron (Nombres, 17. 8).

Ces symboles préfigurent la virginité de Marie : dans les versets bibliques, le Moyen âge a vu en effet la mariée du Cantique des Cantiques comme la Vierge Marie. Saint Bernard lui a appliqué toutes ces métaphores : Marie était le Buisson Ardent, l'Arche de l'Alliance, la Toison de Gédéon. Mais il y a aussi dans les représentations de chasses mystiques des significations spécifiques liées au parallèle établi entre les mœurs supposées de certains animaux (à partir du Physiologos) et le symbolisme christologique auquel ils peuvent renvoyer. 

Observons à cet égard la fresque de la Chasse mystique de Giovanni Maria Falconetto (1468-1535), dans l’église San Giorgetto de Vérone, exécuté entre 1509 et 1517, c’est-à-dire pendant l’occupation de Vérone par les troupes allemandes:

Giovanni Maria Falconetto, fresque de la "chasse mystique à la licorne", c. 1510-15, église San Giorgetto, Vérone

Elle a été commandée par deux seigneurs allemands conseillers de l’empereur Maximilien, qui figurent agenouillés de part et d’autre de la peinture, et qui ont du imposer au peintre ce programme iconographique, peu fréquent en Italie. 
On voit sur la gauche, à côté du commanditaire agenouillé, l’archange Gabriel avec sa corne de veneur et ses chiens, qui symbolisent les trois vertus chrétiennes que sont la paix, la justice, et la miséricorde.


Les mots qui sortent de sa corne de Gabriel sont : « Ave gratia plena dominus tecum ». Ces mots sont ceux de l'évangile de Luc 1:28 par lesquels l'ange salue Marie : "Je te salue, toi à qui une grâce a été faite, le seigneur est avec toi". 
Au-dessus, un lion et une lionne s’occupent de leurs petits. Selon les bestiaires, les lionceaux naissent morts, et c'est leur père qui les ranime après trois jours en soufflant sur eux : c'est donc ici un symbole de la résurrection du Christ le troisième jour après sa mort.

Toujours à gauche, si on franchit le rempart de l’hortus conclusus, on voit une autruche penchée sur ses œufs qui viennent d’éclore. D'après les affirmations des naturalistes médiévaux, l'autruche ne couvait pas ses œufs avec la chaleur de son corps mais les couvait simplement des yeux. C’est la chaleur du soleil qui les faisait éclore. Allusion donc ici au Christ qui, grâce à l’attention bienveillante de l’église, fait éclore l’homme spirituel.


Au milieu se trouve la jeune Vierge avec la licorne, entourés des symboles de l’Ancien Testament qui préfigurent le Nouveau :
  • L’autel avec la verge d’Aaron (au Moyen Age, Aaron était considéré comme celui qui a annoncé la virginité de Marie : en effet le miracle de la verge qui bourgeonne a été vu comme symbole précurseur de la naissance virginale de Jésus)
  • La tour de David avec les boucliers (dans les Litanies, Marie est qualifiée de Tour de David), et la Tour d’ivoire (symbole de virginité)
  • L’arche d’Alliance (symbole du Christ)
  • La fontaine scellée (comme le jardin clos, symbole de la virginité de Marie)
  • Une urne d’or (« Marie est l'urne d’or par l'excellence de sa vie, par son intégrité et sa pureté, et par la plénitude de la grâce » lit-on dans les Homélies de Saint Amédée, évêque de Lausanne au XIIe siècle)
Dans le ciel au-dessus du jardin clos, Dieu envoie vers la vierge un rayon avec une colombe (le Saint Esprit), mais aussi un jeune enfant nu portant une croix, et entouré d’un nimbe lumineux ; il s’agit bien sur d’une allusion directe à la naissance prochaine de Jésus. À côté, on voit briller l’étoile de Jacob (Nombres, 24, 15-25), préfiguration dans l’ancien testament de l’étoile de Bethlehem.


Ensuite nous trouvons à droite, toujours dans le jardin clos, une ourse qui lèche son petit. Selon Aristote, l'ourse donne naissance à des oursons à peine ébauchés, afin de pouvoir copuler le plus souvent possible, car le mâle refuse de la saillir tant qu'elle est pleine. Alors la mère doit lécher longuement ses petits pour les ranimer et leur donner forme. Cela renvoie ici au baptême, et à la résurrection. On voit aussi au sommet de la fontaine scellée un pélican ouvrant ses entrailles pour nourrir ses petits, symbole du sacrifice, du martyr et de la résurrection (comparaison de l’oiseau au Christ se sacrifiant pour la rédemption des pécheurs).


Plus à droite, lorsqu’on passe le mur du jardin, on trouve Gédéon agenouillé, avec au-dessous une toison de bélier ; il demande comme signe à Dieu d’envoyer la rosée seulement sur la toison (la rosée est symbole de bénédiction divine, donc référence au baptême du Christ).


Plus haut au-dessus de lui, on voit Yahvé et le buisson ardent qui regarde Moïse en contre-bas, à droite, en train d’enlever ses sandales. Il est accompagné d’un chien et d’un troupeau de brebis, allusion à son rôle de pasteur du peuple d’Israël ; c’est la scène rappelée dans les Actes des apôtres (Actes 7, 30-33) : « …un ange apparut à Moïse au désert au mont Sinaï, dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse, étonné par cette vision, voulut s’approcher pour regarder ; la voix du Seigneur se fit entendre : « Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Tout tremblant, Moïse n’osait plus regarder. Alors le Seigneur lui dit : “Ôte les sandales de tes pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte.” ». Elle peut être ici interprétée comme une préfiguration du Noli me tangere.


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QUELQUES AUTRES OCCURRENCES DE LA LICORNE 

Quittons maintenant la chasse à la licorne, et arrêtons-nous sur deux utilisations atypiques de l'animal fabuleux.
La première est une gravure de Dürer qui représente l'enlèvement de Proserpine par Pluton. Selon la tradition, Pluton surgit des enfers pour enlever la jeune fille sur un char tiré par des chevaux couleur de nuit. Dürer le représente monté sur une licorne. Il faut sans doute voir dans ce choix une allusion au symbolisme sexuel de la licorne, qui en l'occurrence accompagne le "viol" de Proserpine par le dieu des enfers. La licorne prend aussi dans cette gravure un aspect terrifiant, associé à la mort.

Albrecht Dürer, Pluton enlève Proserpine, gravure, 1516

On va retrouver cet aspect dans la seconde gravure, due à Boëtius Adams Bolswert (1590-1633). Elle représente une "Allégorie du monde", allégorie chargée de symboles comme on aimait les faire au XVIIe siècle. On voit un jeune homme en position instable à l’intérieur d’un puits, au fond duquel l’attend un terrible dragon. Il se retient par une branche que rongent une souris blanche et une souris noire (les jours et les nuits du temps qui passe). Pris sous l’haleine croisée de quatre serpents (représentant les quatre éléments du monde) il goûte le miel qui coule de la branche, sans se soucier de la menaçante licorne au-dessus de lui (la mort).

Boëtius Adams Bolswert, Allégorie du monde, gravure, c. 1630

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Pour terminer sur une note plus optimiste, constatons qu'aujourd’hui la licorne reste très prégnante dans les contes et l’imaginaire des enfants, mais de façon positive. Si elle a perdu l’essentiel de ses connotations symboliques chrétiennes, elle reste une sorte de cheval magique, associé à la grâce et à la beauté des femmes… Comme l’avait déjà suggéré Gustave Moreau dans quelques magnifiques peintures !

Gustave Moreau, Les licornes, 115 x 90 cm, Paris, Musée Gustave Moreau

Gustave Moreau, La Licorne, huile sur toile 50 x 34,5 cm, localisation inconnue

Gustave Moreau, La Licorne, Paris, Musée Gustave Moreau