présentation des peintures synchronistiques

mardi, mai 01, 2018

Le ramollissement imprévisible de l'espace-temps

Gilles Chambon, "Ramollissement imprévisible de l’espace-temps – ou l’invasion des montres molles"
Huile sur toile, 105 x 195 cm, 2018
La géométrie euclidienne de l’espace (symbolisée par l’architecture Renaissance à gauche du tableau, reprise d’une peinture du Tintoret) et l’écoulement régulier du temps (symbolisé par les quatre montres daliniennes qui semblent tomber du ciel comme un rayon divin) sont des illusions provoquées par l’hyperactivité rationnelle de notre cerveau. Déjà la torsion des montres indique, s’il en était besoin, que l’espace-temps est en réalité beaucoup plus courbé qu’on ne le croit, et les images doubles, empruntées elles aussi à Dali, témoignent de la solubilité totale de l’espace réel dans l’acide nitrique de l’imagination. Celle-ci est ainsi capable, comme le montre une évocation de L'afghan invisible avec l'apparition du visage de Garcia Lorca en forme de compotier aux trois figues (Dali 1938) de reconnaître la présence du grand poète disparu dans un simple compotier de figues. 

La partie droite du tableau (transposée d’un incendie de Sodome et Gomorrhe de Monsù Desiderio) démontre que lorsqu’on ouvre les tiroirs de l’inconscient, toute la belle architecture rationnelle élaborée par la partie gauche de notre cerveau vole en éclats dans un fracas évoquant à la fois le commencement (présence de l’œuf narcissique dalinien) et la fin des temps (tête de mort à moitié réincarnée issue de la résurrection des morts d’un jugement dernier du Tintoret). 

Cette composition synchronistique, donc, met en résonnance Dali, Tintoret, et Monsù Desiderio. Elle peut être interprétée comme une sorte de psychanalyse picturale de l’espace-temps. L’impression de ramollissement irrémédiable de l’espace et du temps est ressentie en particulier quand on pense à notre propre mort, et qu’on se persuade que toutes les montres vont alors s’arrêter pour indiquer de façon obsessionnelle l’heure exacte de notre disparition.

Voici l'origine des fragments de peintures détournés et réinterprétés pour ce tableau:

Tintoret : 
Le Tintoret, La translation du corps de St Marc (1562, Galerie de l’Académie, Venise)
Le Tintoret, Le jugement dernier, détail de la résurrection des morts, Chœur de Madonna dell'Orto, Venise)

Monsù Desiderio (François de Nomé) : 
Monsù Desiderio (atelier), La Fuite De Loth Ou La Destruction De Sodome Et Gomorrhe, Huile sur toile H. 50 cm L. 90 cm, collection privée

Salvador Dali : 
Salvador Dali, "Afghan invisible avec apparition, sur la plage, du visage de García Lorca, en forme de compotier aux trois figues", c. 1938, Huile sur bois, 19.2 x 24.1 cm, Collection privée
Salvador Dalí, "Désintégration de la persistance de la mémoire", 1952-1954, huile sur toile, 25,4 × 22 cm, Salvador Dalí Museum, St. Petersburg
Salvador Dalí, Métamorphose de Narcisse, 1936-1937, Huile sur toile, 51,1 × 78,1 cm, Galerie Tate Modern, Londres 
Salvador Dalí, Le Cabinet anthropomorphique, 1936, Huile sur bois,25,4 × 44,2 cm, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf
Salvador Dalí, Le Grand paranoïaque, 1936, huile sur toile, 62 × 62 cm, Musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam

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