présentation des peintures synchronistiques

mercredi, avril 03, 2019

Les rêves et les jeux d’un monde flottant

Gilles Chambon, Les rêves et les jeux d'un monde flottant, Huile sur toile, 110 x 155 cm, 2019
Le concept de monde flottant, né au Japon au XVIIe siècle (ukiyo, qui va désigner l’art de l’estampe) rend compte « tout à la fois de la notion d'impermanence bouddhique et de l'insouciance d'une société en pleine mutation, attachée à décrire les plaisirs de la vie quotidienne telle qu'elle est » (wikipedia).

Dans cette peinture, le monde flottant est celui de la peinture elle-même, dont l’impermanence et la frivolité n’ont jamais atteint un si haut degré que depuis un siècle… Tout se transforme, se mêle, et se recycle. Le jeu des évocations tourne à plein régime. 

Dans mon tableau, un paysage semble se préfigurer à partir de la fusion synchronistique de deux études abstraites : un dessin au crayon d’Edgar Scauflaire, et une composition de Serge Charchoune:

Edgar Scauflaire, Abstraction, dessin aux crayons de couleur, 21x31 cm, 1939

Serge Charchoune, Composition, oct. 1944, huile sur toile marouflée sur carton, 28,5x47 cm
Ce paysage émane peut-être des pensées et des rêves des deux personnages féminins, oscillant entre la frivolité de la toilette pour l'une, et la profondeur de la lecture pour l'autre. Il s’agit à gauche d’un fragment d’une « jeune femme à sa toilette », de Giovanni Bellini (1515, musée d’Histoire de l’Art de Vienne), et à droite d’une « femme lisant », de Pablo Picasso (1920, musée de Grenoble).


vendredi, mars 08, 2019

Pulsions mythologiques

Gilles Chambon, Pulsions mythologiques, huile sur toile 38 x 55 cm, 2019
Mon imaginaire est rempli de visions hors du temps, où s’entremêlent mythes antiques et paysages archétypaux…

Ce besoin impérieux de réminiscences mythologiques me pousse à la fois vers les peintres baroques et vers ceux qui, au début du XXe siècle, à l’instar de Giorgio de Chirico, en portant un regard nouveau sur les mythes gréco-romains, ont réveillé les mystères de notre inconscient. 

La scène présentée ici ne correspond à aucun mythe précis, mais elle synthétise la violence des pulsions humaines telles que les symbolisent les récits mythologiques : pulsion sexuelle qui caractérise les centaures (repris ici d’un tableau de Rubens, musée Calouste Gulbenkian, Lisbonne). Pulsion machiste des Dioscures qui enlèvent les filles de Leucippe pour en faire leurs épouses (réinterprété d’un petit tableau, également de Rubens). 

Et tout cela se déroule, synchronistiquement, dans un paysage imaginé par Giorgio de Chirico  pour « Les filles de Minos - Scène antique en rose et bleu II »  (huile sur toile 55.4 x 75.4 cm, 1933).

vendredi, mars 01, 2019

Les sept gardiens de Neverland

Gilles Chambon, Les sept gardiens de Neverland, hile sur toile 50 x 65 cm, 2019
La peinture est un pays imaginaire inventé par les hommes pour mieux saisir la complexité de ce monde, par ailleurs si souvent négatif. 

Comme en mathématique, où les imaginaires purs ont été créés pour faire exister la racine carrée des nombres négatifs, la peinture a été inventée pour montrer qu’une racine de rêve accompagne toujours notre quotidien, même s’il est affligeant.

Depuis quelques années ma peinture synchronistique redessine sans cesse la carte insaisissable du Neverland pictural… J’ai imaginé ici sept anges bâtisseurs de palais, empruntés au grand précurseur que fut Giotto di Bondone (1267-1337), pour surveiller l’accès au royaume abstrait et enchevêtré du peintre italien Afro Basaldella (1912-1976).


Voici les sources :
Afro Basaldella, Untitled, 1958, localisation inconnue
Giotto, fresque de la légende de St François d'Assise, Renonciation aux biens terrestres, église supérieure de la basilique St François, Assise
Giotto, fresque de la crucifixion, Chapelle Scrovegni, Padoue



samedi, février 23, 2019

Les peintures synchronistiques de Gilles Chambon - Exposition à Libourne (mars-juin 2019)

Depuis cinq ans, dans chacun de mes tableaux synchronistiques, j’opère un télescopage de fragments empruntés à l’histoire de la peinture, et réinterprétés. Par ce travail pictural je me propose de tisser des liens secrets reliant les peintres à travers l’espace et le temps. Comme les artistes pop ont recyclé dans leurs œuvres les scories de la société de consommation, je recycle ici, à mon tour, tout l’imaginaire pictural occidental. Les millions d’œuvres en ligne sur le Web constituent ainsi la riche matière première de mes créations.

Près d’une centaine de peintres, de toutes époques et de tous styles, connus, moins connus, et même anonymes, ont jusqu’à présent été convoqués, mêlés, et réinterprétés dans mes peintures synchronistiques, donnant à chaque fois naissance à des œuvres pourvues d’une signification nouvelle.

Voici la liste de ces peintres :

Basaldella Afro (1912-1976)
Bassano Jacopo (1510-1592)
Beccafumi Domenico (1485-1551)
Bitran Albert (né en 1929)
Bores Francisco (1898-1972)
Bosch Jérôme (1450-1516)
Bosshard Rodolphe Théophile (1889-1960)
Boumeester Christine (1904-1971)
Braque Georges (1882-1963)
Bronzino Agnolo (1503-1572)
Burri Alberto (1915-1995)
Bustamante Pedro Marcos (1921-2001)
Buu Chi (né en 1948)
Cambiaso Luca (1527-1585)
Caravage (1571-1610)
Cézanne Paul (1839-1906)
Chambon Gilles (né en 1950)
Charchoune Serge (1888-1975)
Chirico Giorgio de (1888-1978)
Clavé Antoni (1913-2005)
Corrège Antonio Allegri (1489-1534)
Cotté Jean (né en 1931)
Craesbeeck Josse van (1605-1661)
Cranach l’Ancien Lucas (1472-1553)
Dali Salvador (1904-1989)
Daumier Honoré (1808-1879)
Degas Edgar (1834-1917)
Del Vaga Perino (1501-1547)
Desiderio Monsù Didier Barra (1590-1656)
Dufy Raoul (1877-1953)
Ernst Max (1891-1976)
Estève Maurice (1904-2001)
Gagliardo Bartolomeo (1555-1626)
Gauguin Paul (1848-1903)
Giotto (1266-1337)
Gleizes Albert (1881-1953)
Goya Francisco (1746-1828)
Greco (1541-1614)
Gris Juan (1887-1927)
Guercino (1591-1666)
Kijno Ladislas (1921-2012)
Klee Paul (1879-1940)
Klimt Gustav (1862-1918)
Kooning Willem de (1904-1997)
Lesieur Pierre (1922-2011)
Lhote André (1885-1962)
Luini Bernardino (1481-1532)
Macke Auguste (1887-1914)
Maire André (1898-1984)
Manguin Henri (1874-1949)
Marc Franz (1880-1916)
Martini Simone (1284-1344)
Mataré Ewald (1887-1965)
Modigliani Amedeo (1884-1920)
Monet Claude (1840-1926)
Palma le Jeune (1549-1628)
Patinir Joachim (1485-1524)
Penni Luca(1502-1556)
Pezzo Lucio del (né en 1933)
Picabia Francis (1879-1953)
Picasso Pablo (1881-1973)
Pontormo Jacopo (1494-1557)
Poussin Nicolas (1594-1665)
Pramann Willi (1909-2006)
Raphaël (1483-1520)
Ribera José de (1591-1652)
Rodin Auguste (1840-1917)
Romanelli Giovanni Francesco (1610-1662)
Rubens Peter Paul (1577-1640)
Sassetta (1392-1450)
Scauflaire Edgar (1893-1960)
Schiele Egon (1890-1918)
Schut Cornelis (1597-1655)
Scolari Massimo (né en 1943)
Sérusier Paul (1864-1927)
Sironi Mario (1885-1961)
Snyders Frans (1579-1657)
Souverbie Jean (1891-1981)
Tempesta Antonio (1555-1630)
Tiepolo Giambattista (1696-1770)
Tintoret Jacopo Robusti (1518-1594)
Toulouse-Lautrec Henri de (1864-1901)
Utrillo Maurice (1883-1955)
Van Gogh Vincent (1853-1890)
Van Velde Geer (1898-1977)
Véronèse Paolo (1528-1588)
Vilato Ruiz Javier (1921-2000)
Vinci Léonard de (1452-1519)
Voss Jan (né en 1936)
Wou-ki Zao (1920-2013)

mercredi, février 20, 2019

Baigneuses aux lotus

Gilles Chambon, Baigneuses aux lotus, huile sur toile 65 x 81 cm, 2019
Entourées de lotus qui leur font un cortège, deux baigneuses synchronistiques montent sur une terrasse, pour sécher au soleil leur peau matte et ambrée. 

De Paul Gauguin et d’André Maire elles sont nées, mais maintenant elles vivent au bord d’un lac, que jadis Pierre Lesieur avait imaginé.

vendredi, janvier 18, 2019

Faunes et chèvres accompagnant l’enfance des dieux

Louis de Boullogne, L'enfance de Bacchus, c 1700-1710, huile sur toile, 152 x 190 cm, Dundee Art Galleries and Museums Collection (Dundee City Council), UK
Jacob Jordaens, Jupiter enfant nourri par la chèvre Amalthée, c. 1640, dessin à la craie noir et crayon, encre brune et gouache, 37 x 46 cm, musée de l'Ermitage, St Petresboug
François Verdier, La naissance d'Adonis, c. 1698, huile sur toile 222 x 189 cm, Collection du château de Versailles
Les peintres du XVIe et XVIIIe siècle ont abondamment illustré l’enfance de trois divinités de la mythologie gréco-romaine : Jupiter, Bacchus, et Adonis. Pour ce dernier il s’agit en fait de sa naissance particulière, puisqu’il est retiré du ventre de sa mère Myrrha transformée en arbre à myrrhe (Ovide, Métamorphoses, X, 500-518). Pour les deux autres, voici les légendes :

Zeus/Jupiter, lorsqu’il était bébé, fut caché en Crète, dans une grotte entourée de forêts sur le mont Ida, ou le mont Ægéon. Sa mère Rhéa l’avait soustrait à la vigilance de Cronos/Saturne, qui dévorait ses enfants. Le futur roi de l’Olympe fut donc confié aux soins de la nymphe Adrastée et de sa sœur Ida, l’une et l’autre filles du roi Mélissé, ainsi qu’à la nymphe-chèvre Amalthée. Il mangeait le miel récolté par ses nourrices et recevait le lait d’Amalthée. Les Curètes/Corybantes - rappelant les satyres de Bacchus - attachés à la suite de sa grand-mère Gaïa (déesse de la terre), entouraient l’enfant-dieu et avaient pour mission de danser en tapant sur leurs boucliers, couvrant par ce vacarme les vagissements du bambin afin que Cronos ne le découvre pas. Ovide relate aussi que le jeune Jupiter, un peu brutal, cassa un jour une corne à la chèvre Amalthée. Adrastée la récupéra et la donna à l’enfant, remplie de fruits succulents. Elle devint par la suite la corne d’abondance, symbolisant richesse et fructification.

Nicolaes Pietersz Berchem, La nourriture de Jupiter, C. 1660, huile sur panneau 21 x 24 cm, High Museum of Art, Atlanta

Pietro Santi Bartoli, Planche copie d'un bas-relief romain représentant la nymphe Amalthée nourrissant Jupiter, in Admiranda Romanarum antiquitatum vetsigia, Rome, 1693, in-folio
Pour Bacchus, qui est le fils de Jupiter et de Sémélé, voici le résumé du mythe : Héra/Junon, jalouse de Sémélé, avait convaincu la jeune femme de demander à Zeus/Jupiter de pouvoir le contempler sous son véritable aspect divin et incandescent ; la malheureuse Sémélé en fut réduite en cendres. Jupiter sauva alors Bacchus, en l’ôtant du ventre de sa mère et en l’enfermant dans sa cuisse jusqu’au terme de la gestation. C’est pourquoi on disait de Dionysos/Bacchus qu’il était deux fois né. Dans une autre légende, il avait d’abord été le fils de Zeus et de Perséphone, et à sa naissance, tué et découpé en morceaux sur ordre d’Héra. Athéna avait récupéré son cœur, avec lequel Zeus féconda ensuite Sémélé. Après sa seconde naissance, le bébé fut remis à Hermès/Mercure qui le confia aux nymphes du mont Nysa. Étymologiquement, Dionysos signifie le Zeus de Nysa. Nysa est une contrée mythique (ville ou montagne) située à l’est de la Grèce, rappelant l’origine orientale du culte dionysiaque. C’est donc dans les parages de Nysa que le jeune dieu fut caché dans l’antre des nymphes, pour échapper à Héra qui voulait le faire périr. Il était nourri du lait des chèvres, comme son père l’avait été également, et évoluait en compagnie du dieu Pan, de Silène, et des satyres.

Nicolas Poussin, L'Enfance de Bacchus, c 1626 or 1630, huile sur toile 135 x 168 cm, Musée Condé, Chantilly

Andrea Procaccini, d'après Carlo Maratta, Bacchus enfant confié par Mercure au soin des nymphes, gravure 30,8 x 43 cm, vers 1720-30
Hyacinthe Collin de Vermont, Bacchus confié par Mercure aux nymphes du mont Nysa, 1724, huile sur toile, 133 x 171 cm, Musée des beaux-arts de Tours
Ces analogies ont entraîné chez les peintres une certaine porosité des motifs employés pour représenter les trois enfances, à tel point d’ailleurs qu’il arrive de trouver des erreurs de titre, les experts confondant parfois le jeune Bacchus avec Jupiter bébé ou avec Adonis. Par exemple ce dessin, attribué à Gérard de Lairesse, et passé en vente chez Million en mars 2017 :

Attribué à Gérard de Lairesse, titré "L'enfance de Baccus", dessin et encre brune, 32,6 x 48 cm, vente Million mars 2017
Il était titré « L’enfance de Bacchus ». Or il pourrait tout aussi bien s’agir de l’enfance de Jupiter, puisque l’on voit un faune/satyre traire une chèvre, pendant qu’un autre passe le pot de lait aux nymphes qui vont donner à boire au bébé à l’aide d’une corne faisant office de biberon (allusion à la corne d’Amalthée ?) ; au fond à droite, on aperçoit un groupe de danseurs, qui pourraient être des corybantes. Mais si l’on regarde plus attentivement le dessin, on s’aperçoit que l’arbre qui est au milieu du groupe de nymphes à une forme humaine féminine : il s’agit de Myrrha métamorphosée en arbre, et le bébé est donc en fait Adonis, qui vient d’être extrait de l’écorce de l’arbre maternel.

L’attribution à Gérard de Lairesse est tout aussi incertaine. On pourrait rapprocher ce dessin des travaux des élèves de Simon Vouet, et en particulier de ceux de Nicolas Chaperon, grand admirateur de Poussin et familier des scènes mêlant nymphes, satyres, chèvres, et bébés. Il était aussi de ceux qui n’ont pas hésité à utiliser des schèmes analogues pour des légendes différentes ; sa composition la plus connue « L’alliance de Bacchus et de Vénus », dont il existe plusieurs dessins préparatoires, une gravure, et deux peintures (voir  Nicolas Chaperon 1612-1654/55 ; Du graveur au peintre retrouvé, Nîmes Musées / Actes Sud, 1999), est quelque peu énigmatique et a parfois été confondue avec une « Enfance de Bacchus ».

Nicolas Chaperon, L'alliance de Bacchus et de Vénus, c. 1639, huile sur toile 76 x 98 cm, Dallas Museum of Art, Texas

Nicolas Chaperon, dessin préparatoire pour L'alliance de Bacchus et de Vénus, c. 1639, pierre noire sur papier 27,6 x 37,6 cm, musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon

Nicolas Chaperon, gravure de  L'alliance de Bacchus et de Vénus, 1639, eau forte 29,5 x 38,5 cm
La bonne interprétation est donnée par le texte de la gravure exécutée par Chaperon lui-même : « Bacchus aime, et l’Amour boit » : c’est donc Cupidon, fils de Vénus, qui boit le lait de la chèvre, tandis que Bacchus est invité par Vénus à aimer une nymphe endormie. Cette devise formulée par Chaperon est un avatar de celle qu’avait donnée l'auteur latin Térence, et qui a séduit, à la Renaissance, tous ceux qui voulaient contrer le puritanisme protestant : « Sans Cérès et Bacchus, Vénus se refroidit » ; en d’autres termes, sans bonne table et bon vin, l’amour est frigide… De nombreux tableaux, de Tintoret à Goltzius, illustrent cette maxime. Beaucoup ont d’ailleurs abandonné Cérès pour ne retenir que l’alliance Bacchus / Vénus ; par exemple le merveilleux tableau de Rosso Fiorentino qui ornait jadis la Galerie François 1er du château de Fontainebleau, et qui se trouve maintenant au musée national d’histoire et d’art de Luxembourg:

Rosso Fiorentino, L'alliance de Bacchus et de Vénus, c. 1531-1532. huile sur toile 209,5 x 161,5 cm, Musée national d'histoire et d'art, Luxembourg
Giacinto Gimignani, "Sans Bacchus et Cérès, Vénus se refroidit", 1653, huile sur toile 230,5 x 342,5 cm, localisation inconnue
Abraham Janssens van Nuyssen, Cérès, Bacchus, et Vénus, c. 1605-1615, huile sur toile, 235 x 184 cm, Brukenthal National Museum, Sibiu, Roumanie


Mais revenons au tableau de Nicolas Chaperon : le motif du faune maintenant la chèvre pour que le bébé puisse téter est très largement inspiré d’un groupe semblable dans « La nourriture de Jupiter » de Nicolas Poussin, que Chaperon admirait et dont il a repris beaucoup d’éléments de composition (d’où peut-être le peu d’estime que lui portait Poussin).

Nicolas Poussin, La nourriture de Jupiter, c. 1636-37, huile sur toile 96,5 x 121 cm, Londres, Dulwich Picture Gallery
Le groupe associé à la chèvre dans deux toiles de N. Chaperon comparés au groupe de N. Poussin
Notons cependant que Poussin lui-même avait-là imité une composition de Giulio Romano.

Atelier de Giulio Romano, Jupiter tétant Amalthée, c. 1535 huile sur panneau 110,8 x 142,1 cm, Royal Collection trust, UK
Giulio Romano, Jupiter tétant Amalthée, entre 1514 et 1535, dessin 39,7 x 55,1 cm, British Museum, Londres

Voici l'autre tableau où Chaperon a également traité « La nourriture de Jupiter » et repris le groupe faune/chèvre/bébé/nymphe ; il est aujourd’hui à l’Ackland Art Museum (Caroline du Nord):

Nicolas Chaperon, La nourriture de Jupiter, c. 1640 guile sure toile 99 x 136 cm, Ackland Art Museum, the University of North Carolina
Il existe un dessin préparatoire qui montre d’ailleurs le glissement de position de la chèvre, patte en l’air maintenue, et montrant son flanc (comme dans l’alliance de Bacchus et de Vénus), à celle du tableau définitif, qui montre son postérieur, tandis que le bébé, lui, est passé de trois-quarts dos à trois-quarts face.

Nicolas Chaperon, dessin préparatoire à "la nourriture de Jupiter", pierre noire, encrebrune et lavis brun, rehauts de gouache, 27 x 29,5 cm, Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon
J’ai aussi découvert récemment un modello (petite étude préparatoire à l’huile destinée à convaincre le client avant réalisation d’un tableau de plus grandes dimensions) pour une « Nourriture de Jupiter », qui pourrait bien être encore une variante étudiée par Nicolas Chaperon:

Nicolas Chaperon ?, La nourriture de Jupiter, huile sur toile 38 x 55 cm, collection privée. Ce petit tableau faisait anciennement partie de la collection du peintre Victor Marais-Milton (1872-1944), dans sa maison de Sèvres; il l'a souvent utilisé comme décor mural dans ses représentations d'appartements où se déroulaient les scènes de genre avec ecclésiastiques, qui étaient sa spécialité
On retrouve en effet sur ce tableautin (dont l’ancienneté est attestée par l’utilisation d’un enduit préparatoire rouge), le groupe du bébé et du faune tenant la chèvre, dans une configuration très proche de celle du dessin du musée de Besançon pour l’alliance de Bacchus et de Vénus:


De plus la composition générale et la répartition des masses dans le paysage sont très inspirées de la petite bacchanale de Poussin, que Nicolas Chaperon connaissait certainement:

Comparaison de composition du modello de Chaperon avec la petite bacchanale de Nicolas Poussin (Louvre)
Le groupe des Corybantes sur la droite a quelques affinités avec celui du dessin attribué à Gérard de Lairesse, dont j’ai parlé en début d’article:


Mais le plus troublant du tableautin n’est pas là. On remarque au premier plan sur la droite, un renard lové contre les nymphes:

Que vient faire cet animal dans l’enfance de Jupiter ? En fait, dans la symbolique mythologique, rien ne justifie sa présence. Mais c’est un indicateur précieux pour l’attribution du modello à Nicolas Chaperon. On sait en effet que son protecteur et commanditaire principal était un certain Gilles Renard, « conseiller du roi, juge et censeur des questions militaires, archigénéral d’armée des cavaliers cuirassés et de l’infanterie… etc ». Ce qui fit d’ailleurs connaître Chaperon aux générations suivantes est un recueil de gravures qu’il fit des peintures de Raphael des loges du Vatican, et qu’il dédicaça au « très noble homme Monseigneur Gilles Renard ».
La planche de frontispice, qui montre un buste de Raphaël couronné par la Renommée, et contre lequel Nicolas Chaperon s’est représenté assis, laisse voir sur la gauche les armes de Gilles Renard (un amour couronnant un renard, accompagnés de la devise (en latin) : « la victoire cède à l’amant prudent »).

Nicolas Chaperon, Planche de frontispice du recueil de gravures représentant les peintures des loges du Vatican par Raphaël, dédié à Gilles Renard
Le renard du tableautin était donc certainement une façon discrète pour Nicolas Chaperon de rendre hommage à son commanditaire. Mais peut-être celui-ci n’a-t-il pas validé la proposition, et dans ce cas, aucun grand tableau n’est jamais venu immortaliser cette composition.

Mise à jour octobre 2019 : j'ai découvert un autre bozzetto représentant Diane au bain (ci-dessous), qui a été attribué à Carlo Carlone dans une vente de 2016, mais qui pourrait bien plutôt être de Nicolas Chaperon : si l'on regarde bien cette petite peinture (26,6 x 29,2 cm), dont la composition est très proche de "La nourriture de Jupiter", on voit une tête de renard juste à gauche du séant de la déesse... Si l'hypothèse est juste, N. Chaperon  s'amusait à cacher des renards dans les esquisses qu'il destinait à son protecteur.


jeudi, décembre 20, 2018

Sur les traces d’un tableau de Bon Boullogne

Bon Boullogne (1649-1717) ?, Jésus ressuscitant le fils de la veuve de Naïm, huile sur toile 40 x 53 cm, collection privée
Aujourd’hui nous avons un peu oublié la diversité des miracles du Christ et des Saints. Mais au XVIIe et au XVIIIe siècles, les institutions religieuses commandaient aux peintres la représentation de ces prodiges, pour décorer chapelles, couvents, églises, ou hospices, et choisissaient le miracle correspondant le mieux avec l’esprit ou la vocation de l’établissement.

Il était donc courant, pour les plus grands peintres, de se confronter à la figuration des miracles du Christ et des Saints. Il y avait bien sûr les guérisons (paralytiques, aveugles, possédés de toutes sortes) mais aussi les résurrections des morts, dont la plus connue, et sans doute aussi la plus illustrée, est celle de Lazare, frère de Marthe et de Marie. 

Mais il y en eut d’autres, et celle qui nous intéresse ici, parce qu'elle est le sujet du tableau ci-dessus, est la résurrection du fils d’une veuve, dans le bourg de Naïm, un peu au sud de Nazareth. Voici l'extrait de l'Evangile de Luc (Luc, 7, 11-17) qui relate l'événement :

« (Jésus) arriva près de la porte de la ville (de Naïm) au moment où l’on emportait un mort pour l’enterrer ; c’était un fils unique, et sa mère était veuve. Une foule importante de la ville accompagnait cette femme.
Voyant celle-ci, le Seigneur fut saisi de compassion pour elle et lui dit : « Ne pleure pas. »
Il s’approcha et toucha le cercueil ; les porteurs s’arrêtèrent, et Jésus dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi. »
Alors le mort se redressa et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère. » 

Cet épisode a été illustré de nombreuses fois, en particulier au XVIIe siècle. Voici quelques tableaux de peintres européens connus mettant en scène ce passage de l'Évangile de Luc :

Hans von Aachen (Cologne, 1552 – Prague, 1615) La Résurrection du fils de la veuve de Naïm, c. 1600, huile sur toile, Seitenstetten Abbey

Dmomenico Fiasella (Il Sarzana), Le Christ ressuscitant le fils de la veuve de Naïm, c. 1615, huile sur toile 269.2 x 175.3 cm, The John and Mable Ringling Museum of Art, Sarasota, Floride
Eustache Le Sueur 51616-1655), La résurrection du fils de la veuve de Naïm, (vers 1616-1655). Eglise Saint Roch, Paris
Jean Jouvenet (1644-1717), La Résurrection du fils de la veuve de Naïm (1708), Sacristie de la cathédrale Saint-Louis Versailles
Giovanni Battista Lenardi (Rome, 1656 - 1704), La Résurrection du fils de la veuve de Naïm HST 119 x 166cm, musée Fesch, Ajaccio

Le fils de la veuve de Naïm fut même imposé comme sujet pour le Prix de Rome de 1783 (et curieusement il revint en 1923, comme thème d’un petit tableau demandé en plus aux concurrents). 

Voici en tout cas le grand tableau, récemment attribué à François-Louis Gounod (1758-1823),  qui serait, si l'attribution est exacte, le second prix de Rome de 1783 donné à Gounod (pas de premier prix cette année-là) :

attribué à François-Louis Gounod (1758-1823) Jésus-Christ ressuscitant le fils de la veuve de Naïm Huile sur toile - 110 x 144 cm, 1783,  Andrésy, église Saint-Germain
Toutes ces commandes religieuses spécifiques devaient s’intégrer non dans des appartements ou des cabinets, mais dans des églises et des chapelles, et les peintures demandées étaient en général d’assez grandes dimensions. Pour ces grandes compositions, appelées « machineries », les peintres passaient par plusieurs étapes : esquisses sur papier, croquis de détails, parfois simulations avec des figurines et des sources lumineuses, puis esquisses à l’huile sur toile de petits formats, dénommées « modelli », destinées à préfigurer les qualités générales de l’œuvre à venir. Un modello était soumis au commanditaire pour accord avant l’exécution du grand format. Beaucoup de ces modelli ont été conservés, parce que leur facture rapide et nerveuse a très tôt retenu l’attention des amateurs, qui les ont collectionnés. Certaines peintures disparues sont aujourd’hui connues par les modelli qui leur ont survécus.

La petite peinture étudiée ici (voir image en tête de l'article) est à n’en pas douter un modello  : facture enlevée ne s’attardant pas sur les détails, et mise en place assurée de la scénographie, de l’ambiance lumineuse et de la palette de couleurs. Mais aucune grande peinture connue, représentant la résurrection du fils de la veuve de Naïm, ne correspond à ce modello. Alors soit le tableau a disparu, soit l'esquisse n’a finalement pas donné lieu à une commande ferme.

Pour autant, il est tout de même possible d'en découvrir plus sur ce petit tableau. Ce ne sera malheureusement pas par sa provenance, qui ne nous renseigne pas du tout : il a en effet été acquis récemment dans une salle des ventes, avec un descriptif sommaire dans lequel ni le sujet, ni l’époque de l’œuvre n'avaient été repérés… 

Donc pour espérer en savoir davantage, il ne reste que l'examen détaillé de la peinture, et son analyse iconographique. 

Peinture de format 40 x 53 cm, rentoilée au XIXe siècle, sa couche picturale est très usée, laissant apparaître par endroits l’enduit de préparation rouge ; on a donc probablement affaire à un travail du XVIIe ou du XVIIIe siècle (l'enduit rouge n'était plus usité au XIXe siècle). La qualité de la composition, des attitudes des personnages, et de l’écriture picturale, laissent penser qu’il s’agit de l’atelier d’un peintre de renom.

On doit donc procéder au jeu des ressemblances, en comparant avec des dessins et peintures documentés.
Mon enquête s'est d'abord orientée sur les toiles produites par les candidats au prix de Rome de 1783, dont le thème imposé, je le rappelle, était La résurrection du fils de la veuve de Naïm… Mais les œuvres de la fin du XVIIIe siècle, en ce qui concerne les "peintures d'histoire", étaient soit néoclassiques, avec des dessins raides et précis, soit préromantiques, avec des effets plus emphatiques (comme le montre d'ailleurs le tableau de F-L. Gounod, primé cette année-là - voir illustration précédente). Elles ne correspondent donc pas au style de notre petit tableau. Voici, pour s'en rendre compte, trois exemples de traitement du sujet par des peintres néoclassiques :

Jean-Baptiste Joseph Wicar, La Résurrection du fils de la veuve de Naïm, 1811-15 (Esquisse de la peinture de Lille) Rome, Accademia Nazionale di San Luca
Pierre Bouillon (1776-1831), Jésus ressuscitant le fils de la veuve de Naïm, musee des beaux-arts, Le Mans 
Jean-Germain Drouais (1763-1788), Jésus-Christ ressuscitant le fils de la veuve de Naïm, Huile sur toile - 144 x 110 cm, Le Mans, Musée de Tessé

Notre peintre inconnu a au contraire un style où l’équilibre domine, et dans lequel on perçoit l’influence du classicisme italianisant de Poussin. Voici par exemple deux des compositions équilibrées du maître des Andelys, où le registre des personnages, relativement grands et colorés, se déploie horizontalement avec une grande régularité, sans interférence avec le paysage de fond :

Nicolas Poussin, Christ guérissant les aveugles de Jéricho, 1650,  huile sur toile 119 x 176 cm, Louvre
Nicolas Poussin, Le Christ et la femme adultère, peint pour Le Nôtre en 1653, huile sur toile 122 x 195 cm, Louvre
Mais évidemment notre petite toile est beaucoup moins élaborée. Dans ce même esprit italianisant "à la française", Sébastien Bourdon (1616-1671) semble plus proche de l'œuvre étudiée. Il réalisait des modelli d’un format semblable à celui de notre tableau, et il a traité des sujets comparables, comme le miracle de Saint Martin, et la résurrection de Lazare (musée Magnin, Dijon). Dans ces petits tableaux, les ressuscités qui soulèvent leur suaire ne sont pas sans rappeler le fils de la veuve de la toile étudiée :

Sébastien Bourdon, modello pour St Martin ressuscitant un mort (le grand tableau correspondant est détruit), huile sur toile 52,5 x 40 cm, muée Bossuet, Meaux
Sébastien Bourdon, modello pour La résurrection de Lazare, huile sur toile, 53,7 x 65 cm, musée Magnin, Dijon
Cependant les modelli de Sébastien Bourdon sont beaucoup plus précis et détaillés, et sa palette de couleurs est différente. J’ai donc dû chercher ailleurs, et en premier lieu dans l’entourage de Sébastien Bourdon. Ce dernier était natif de Montpellier, et j’ai découvert qu’Antoine Ranc, Montpelliérain de 18 ans son cadet, a peint en 1706, pour la chapelle des Pénitents blancs de Montpellier, une grande Résurrection du fils de la veuve de Naïm, disparue pendant la Révolution. Ce pourrait-il que le modello étudié lui corresponde ? C'est peu probable, le style de ce peintre, dont les compositions laissent peu de place au décor architectural est assez éloigné de celui de notre artiste anonyme.

Je me suis alors tourné vers d'autres peintres, parmi ceux de la seconde moitié du XVIIe siècle qui ont fait le voyage à Rome. J'ai retrouvé des proximités de style avec Michel Corneille le jeune et Louis de Boullogne, mais c’est surtout le frère de ce dernier, Bon Boullogne (1649-1717), qui a retenu mon attention. 

Quatre de ses tableaux, aux sujets fort différents, l’enlèvement d’Hélène (dernière décennie du XVIIe s., huile sur toile, 136 x 95 cm. Bayonne, Musée Bonnat), Le retour de Jephté (1698-99, huile sur toile, 152 x 217 cm, musée de l''Ermitage, St Petersbourg), L’adoration des mages (dernière décennie du XVIIe s., huile sur toile, 260 x 390 cm, église Saint-Just, Lyon), et surtout Les adieux d’Hector et Andromaque (c. 1699, huile sur toile, 250 x 283 cm, musée des Beaux-Arts de Troyes), montrent des convergences notables avec ma peinture anonyme :

en haut, toile étudiée ; puis de gauche à droite et de haut en bas : L'enlèvement d'Hélène, Les adieux d'Hector et d'Andromaque, La fille de Jephté, L'adoration des mages
D’abord le décor architectural, avec sur la droite des bâtiments en perspective fuyante dans le même esprit, montrant au premier plan un portique à colonnes ou un pilastre, et au second plan, pour les deux tableaux mythologiques, un retour de mur en terrasse, vu frontalement.

Dans les adieux d’Hector et Andromaque, quelques personnages regardent la scène depuis le haut du mur, et d’autres, en bas, s’appuient aux colonnes du portique, comme sur notre tableau : 


Le halo blanc lumineux centré sur Andromaque, visible aussi sur la fille de Jephté et sur l'adoration des mages, rappelle celui qui éclaire le miraculé de notre tableau. Et les palettes de couleurs sont assez proches.

Alors en cherchant davantage dans l’œuvre de Bon Boullogne, j’ai vu que durant la dernière décennie du XVIIe siècle, "la peinture religieuse, qui n'avait été jusqu'alors (pour lui) qu'une source de revenu secondaire, commença à représenter une part importante de son activité". Et mis à part les quelques tableaux documentés, "nul doute que l'artiste honora d'autres commandes religieuses, que ce soit pour les établissements parisiens ou de province" (in Bon Boullogne, un chef d'école au grand siècle, François Marandet, éd. Réunion des musées nationaux, 2014, pp 27-28). La résurrection du fils de la veuve de Naïm pourrait appartenir à ces commandes non répertoriées.
Parmi celles que l'on connaît, il y a le plus important tableaux religieux qu'il ait jamais peint: une grande Résurrection de Lazare, de 437 x 772 cm, faite en 1696 pour le chœur de la chapelle des Chartreux à Paris. Cette toile est aujourd’hui ruinée et stockée dans les réserves du Louvre, mais sa composition est accessible par la gravure qu’en a fait son élève Jean Moyreau (notons au passage que Moyreau réalisait ses gravures sans inverser le sens du dessin sur la plaque de cuivre, et donc donnait sur les planches gravées une image en miroir du tableau reproduit).

Jean Moyreau, La résurrection de Lazare, gravure d'après le tableau de Bon Boullogne
Si nous examinons cette grande composition en restituant le sens original du tableau, deux analogies de détails avec notre petite peinture sautent aux yeux :


D'abord le groupe de personnages sur la droite, qui sans être exactement identique, réutilise manifestement le même croquis préparatoire :


Ensuite la position relative des trois personnages principaux, et des deux spectateurs surplombant la scène:


Ces éléments permettent d'affirmer sans beaucoup de marge d'erreur que notre petite esquisse sort de l’atelier de Bon Boullogne, et qu'elle peut être datée entre 1690 et 1705. 

Le musée de l’Armée, possède les modelli des peintures de Bon Boullogne exécutées en 1703 pour les décors des chapelles Saint Ambroise et Saint Jérôme de l’église royale des Invalides, à Paris. Il est donc intéressant de les rapprocher de notre esquisse, et là encore nous pouvons observer quelques ressemblances :

Dans St Ambroise retrouvant le corps de St Nazaire, similitude des arbres, et des valeurs de lumière entre le fond et les personnages du premier plan ; même façon de traiter les drapés blancs ; même rapport d’expression entre les personnages du premier plan et ceux du second plan, à moitié dans l’ombre ; relation de confrontation et d’attitude entre St Ambroise et le corps de St Nazaire maintenu par deux homme, comparable à la relation établie entre le Christ et le fils de la veuve de notre tableau:

À gauche, Bon, Boullogne, modello pour St Ambroise retrouvant le corps de St Nazaire, 49 x 36 cm, musée de l'armée - à droite, détail du tableau étudié
Dans St Ambroise guérissant un possédé, toujours le halo de lumière sur les trois personnages principaux, qui forment un triangle comparable à celui composé dans notre peinture par le personnage de dos sur la gauche, le Christ, et la veuve agenouillée. Personnages du fond dont un s’accroche au piédroit de l’arcade et deux autres surplombent la scène accoudés à la balustrade. A nouveau la femme et son enfant, qui rappellent celles présentes dans l’esquisse du Fils de la veuve de Naïm:

À gauche, Bon, Boullogne, modello pour St Ambroise guérissant un possédé, 45 x 36cm, musée de l'armée - à droite, détail du tableau étudié
Dans le baptême de St Jérôme, encore cette relation triangulaire entre les trois personnages principaux, qui rappelle le rapport entre le personnage de dos sur la gauche, le Christ, et la veuve agenouillée de notre tableau.

À gauche, Bon, Boullogne, modello pour Le baptême de St Jérôme, 48 x 31 cm, musée de l'armée - à droite, détail du tableau étudié
Dans la mort de St Ambroise, on retrouve le halo de lumière qui accroche les étoffes blanches ; on voit aussi dans le prêtre qui tient la croix une ressemblance avec le personnage qui tient un flambeau ( ?) sur notre tableau (à droite du visage de Jésus).

À gauche, Bon, Boullogne, modello pour La mort de St Ambroise, 47 x 35 cm, musée du Louvre - à droite, détail du tableau étudié

Enfin, dans l’esquisse étudiée, on peut rapprocher les visages « à la serpe », dont le creux des yeux est accentué, à ceux des personnages d’un dessin signé de Bon Boullogne représentant le Christ et Saint Pierre marchant sur les eaux :

À gauche, Bon, Boullogne, Le Christ et saint Pierre marchand sur les eaux,  lavis gris et brun sur trait de crayon noir rehauts de gouache blanche sur papier  23,7 x 19 cm, signé - à droite, détails du tableau étudié
Si le modello du Christ ressuscitant le fils de la veuve de Naïm me paraît donc sans erreur possible attribuable à l’atelier de Bon Boullogne, je ne peux affirmer qu’il est de la main même du maître, même si c'est mon sentiment ; il faudrait pour le confirmer ou l'infirmer un regard plus expérimenté que le mien ! Et je souhaite bien sûr que les spécialistes de Bon Boullogne, notamment le Professeur  Marandet, se penchent dessus et donnent leur avis.

Enfin pour terminer ce bref article, je parlerai d’une énigme incluse dans le petit tableau : la zone picturale qui surmonte la tête du Christ, très usée, laisse paraître des volutes dorées, qu’il est difficile d’interpréter. On peut y deviner de bizarres personnages portant des flambeaux, à moins qu’il ne s’agisse d’une sorte d’ange avec un drapé rouge… Mais cela pourrait aussi être les traces d’une esquisse peinte précédemment sur la toile. Seule une radiographie de la peinture permettrait de lever le mystère.