présentation des peintures synchronistiques

mercredi, janvier 25, 2023

Sous l'océan

 

Gilles Chambon, "Sous l'océan", huile sur toile 45 x65 cm, 2023

L’imaginaire a depuis longtemps fait du monde sous-marin un monde mystérieux, en miroir du nôtre, mais miroir déformant, dans lequel les créatures sont insolites, se mélangeant entre elles pour engendrer des êtres étranges, comme les sirènes à corps de femme et à queue de poisson.

 

J’ai ici évoqué synchronistiquement ce monde, en associant un paysage inversé de Rodolphe-Théophile Bosshard (1889-1960) avec deux sirènes issues d’illustrations (Chroniques de Hainaut, XVe s., et gravure anglaise de 1758), deux poissons empruntés à Picasso, et une langouste accompagnée de coquillages, inspirés d’une nature morte de Roger Bissière (1886-1964).

jeudi, janvier 12, 2023

Séduction

 

Gilles Chambon, Séduction, huile sur toile 63 x 50 cm, 2023

La féminité et ses attributs, la douceur, la souplesse, la beauté, et le mystère, ont depuis l’aube des temps séduits les cœurs masculins. Parfois jusqu’à l’obsession, comme chez Egon Schiele dont toute l’œuvre tourne autour de l’érotisme des corps.

 

Dans cette peinture synchronistique, j’ai pris deux filles issues des dessins d’Egon, représentatives de son expressivité érotique, et je les ai rapprochées d’une toile de Pierre Lesieur (composition aux poissons, 1961) rendue abstraite, et où j’insiste sur les dentelles de formes et de couleurs, qui rappellent pour moi le raffinement féminin.

samedi, janvier 07, 2023

Par une nuit de pleine lune

Gilles Chambon, Par une nuit de pleine lune, huiles sur toile 46 x 61 cm, 2023

Les nuits de pleine lune sont magiques… Les araignées tissent leur toile, et les couples somnolent en rêvant dans leur lit, ne sachant si la pâle clarté qui les réveille annonce l’aube ou vient encore de l’astre nocturne. 

Ici, mon imagination troublée a rapproché synchronistiquement l’araignée d’Odilon Redon d’un tableau abstrait (1948) de Youla Chapoval, et de personnages inventés à partir d’une composition (1959) de Sergio Dangelo.

lundi, décembre 19, 2022

L'attente

 

Gilles Chambon, « L’attente », huile sur toile 54 x 73 cm, 2022

Une attente dans l’ombre immobile, une plaine vide, un train à l’horizon, une tour où conduisent des chemins de peinture incertains…  Tout cela pour exprimer l’angoisse et l’espoir existentiels inhérents à la condition humaine.

 

Vision synchronistique inspirée de Chirico, de Picasso, et de Livio Marzot (peintre italien minimaliste né en 1934).

lundi, décembre 12, 2022

Atlas et le poids du monde

 

Gilles Chambon, " Atlas et le poids du monde", huile sur toile 46 x 65 cm, 2022

La mythologie est cruelle : il y a toujours les vainqueurs et les vaincus. Dans le combat des Titans contre les Dieux olympiens conduits par Zeus, la défaite des Titans les condamne à diverses peines éternelles. Pour Atlas, il est exilé à l’ouest du monde, et doit jusqu’à la fin des temps soutenir sur ses épaules la lourde sphère céleste. Άτλας, en grec, signifie d’ailleurs le « porteur ». Cette tâche est rude, Atlas se fatigue et voudrait se libérer de ce poids, qu’il cherche, par une vaine ruse, à confier à Héraclès.

 

Atlas portant le monde en fardeau est donc depuis longtemps dans nos imaginaires occidentaux. En architecture, ce sont des Atlantes (terme qui dérive d’Atlas), qui dans l’Antiquité et surtout depuis la Renaissance soutiennent les corniches ou les grands balcons de pierre. L’Atlante se dédouble souvent de part et d’autre d’une porte monumentale, ou comme l’Atlas de la Pointe de la Douane à Venise, dédoublé dans la grande sculpture en bronze de Giuseppe Benoni, ces deux Atlas jumeaux portant un monde dominé par la girouette de la Fortune. 

 

 

Que signifie alors la métaphore de la fatigue d’Atlas ? Sans doute que les forces primordiales sur lesquelles se sont bâties l’évolution et la complexification du monde finissent par s’éroder peu à peu. Et le poids du monde transformé par l’humanité commence à faire chanceler les piliers de la Nature ; le jardin aux pommes d’or des Hespérides, filles d’Atlas, commence lui aussi à mourir.

 

Pour cette composition synchronistique, j’ai rapproché et réinterprété un dessin d’Atlas de Baldassare Peruzzi (1481-1537), Metropolitan Museum of Art, et une aquarelle de Christine Boumeester (1904-1971).


 

mercredi, novembre 16, 2022

Les cavaliers gardiens du seuil

 

Gilles Chambon, Les gardiens du seuil, huile sur toile 50 x 60 cm, 2022

Sept cavaliers, empruntés au portement de croix de Brueghel l’Ancien, protègent ici un décor instable, dominé par un improbable château, et dans lequel se mélangent lumières, ombres, formes et couleurs… On et au seuil des métamorphoses, lorsque les programmes génétiques ou les dieux brisent la continuité attendue des évènements et des êtres.

 

Pour recréer cet aspect fluent et kaléidoscopique de la réalité, j’ai fragmenté et rapproché synchronistiquement une composition de 1952 de Francisco Bores (1898-1972), et un tableau de Jean Crotti (1878-1958) de 1924.

lundi, novembre 07, 2022

Embarquement pour l’île de l’Amour.

Gilles Chambon, "Arrivée à Cythère, avant la fête" huile sur toile  65 x 92 cm, 2022

La topographie imaginaire, symbolisant la succession des péripéties liées aux aventures sentimentales, est née en 1650 avec Tristan Lhermite et sa « Carte du royaume d'Amour »:

 

« le Royaume d’amour en l’Isle de Cythère », carte décrite par le Sieur Tristan lhermitte, 1650

Il sera suivi en 1654 par « Clélie, histoire romaine » de Madeleine de Scudéry. On y trouve la célèbre « Carte du Tendre »:

 


Quelques années après, sur le même thème, paraît en 1663 « Le Voyage de l’Isle d’Amour, ou la clef des cœurs » de Paul Tallemant, qui sera réédité en 1712:

 

Illustration en frontispice de l'édition de 1712 du "Voyage de l'Isle d'Amour..." de Paul Tallemant

En cette année 1712, Antoine Watteau, agréé par l’Académie Royale de Peinture, démarre son « Pèlerinage à l’île de Cythère », qu’il terminera cinq ans plus tard, et qui lui permettra de devenir membre à part entière de l’Académie le 28 août 1717, sous le genre « Fêtes galantes » créé pour lui à cette occasion.

 

Antoine Watteau, Pèlerinage à l'île de Cythère, huile sur toile 129 x 194, 1712-1717, musée du Louvre

En 1709, Watteau avait déjà fait un petit tableau sur ce thème (musée Städel, Francfort-sur-le Main). 

 

Antoine Watteau, L'embarquement pour Cythère, 1709, huile sur toile 44,3 x 54,4 cm, musée Städel, Francfort

On a dit que Watteau avait eu l’idée de traiter ce sujet par analogie avec une comédie très à la mode dans la première décennie du XVIIIe siècle, Les Trois Cousines, de Dancourt, écrite en 1702, qui se termine par la chanson suivante : « Venez à l’île de Cythère / En pèlerinage avec nous / Jeune fille n’en revient guère / Ou sans amant ou sans époux ». 

Cythère, île grecque près de laquelle Aphrodite était née de l’écume des vagues, était devenue l’emblème de l’île d’Amour des géographies sentimentales.

Mais en reliant la géographie sentimentale littéraire à un contexte mythologique (Cythère, avec sur la toile la statue de Vénus et de petits cupidons ailés), Watteau voulait certainement aussi donner des lettres de noblesse aux sujets galants qu’il aimait traiter, en les incorporant au genre de la peinture d’histoire (qui comprenait les sujets mythologiques), genre le plus élevé dans la hiérarchie des thématiques picturales. Visiblement il n’y réussit pas puisqu’on créa le genre « fêtes galantes », et que le titre de son tableau fut biffé par l’Académie pour être renommé « Une feste galante ».

D’ailleurs le thème de l’embarquement où du pèlerinage à Cythère, s’il a été repris dans une autre composition par Watteau (Schloss Charlottenburg, Berlin), et si ces tableaux sont devenus universellement célèbres et loués, est cependant un thème qui n’a pas attiré beaucoup de peintres. 

 

Antoine Watteau, L'embarquement pour Cythère, ca 1719, huile sur toile 120 x190 cm, Schloss Charlottenburg, Berlin

 

Avant Watteau, il n’y a guère qu’un tableau d’Eustache Le Sueur, illustrant « le Songe de Poliphile » de Francesco Colonna, qui montre Poliphile amoureux transit de Polia, entourée de nymphes sur l’île de Cythère. 

 

Eustache Le Sueur, Poliphile et Polia parmi les nymphes sur l'île de Cythère, huile sur toile 94 x 98 cm
Le roman de Francesco Colonna peut se lire comme parcours d’une initiation du héros à des “mystères d’Amour” (libre reconstitution du cérémonial éleusinien), initiation qui s’achève par le dévoilement de Vénus (conçue comme idée platonicienne) dans les jardins de Cythère.

Au XVIIIe siècle, le thème de l’embarquement pour Cythère peut être rapproché de ce que l’on appelait « la barque de plaisir » (un tableau de Pater porte ce titre):

 

Jean-Baptiste Pater (1695-1736), La barque de Plaisir, huile sur toile 74,6 x 93,7 cm

Cette dénomination fait référence à une pratique courante : à Paris, les promeneurs s’embarquaient en foule sur des bachots publics pour aller jusqu’au parc de Saint-Cloud, lieu de rendez-vous réputé. C'est ce voyage de Paris à Saint-Cloud, que Watteau allégorise comme un voyage à Cythère. Il est prétexte à mettre ses sens en fête. La barque classique reste le véhicule des débordements sensuels par l’embarquement... De même le président de Brosses, lors de son séjour à Venise dans les années 1739-1740, rapproche la gondole de la barque de plaisir en déclarant qu’il n’y a pas de meilleur « carrosse » et qu’il ne faut pas « songer à deviner qui peut être dans une gondole fermée. On est là comme dans sa chambre, à lire, écrire, converser, caresser sa maîtresse, manger, boire, etc. »

Parmi les artistes du XVIIIe s. qui ont traité le thème des amoureux à Cythère, citons Pierre-Antoine Quillard (il avait travaillé dans l’entourage de Watteau), Petrus Johannes van Reysschoot, peintre gantois,  une gravure de Jérôme-François Chantereau et une de Bernard Picart, une tapisserie de Beauvais sur un dessin de Jacques Duplessis, très mythologique (Beauvais ca. 1725, laine et soie, 420 x 483 cm), et enfin quelques anonymes livrant des compositions peu originales.

 

Pierre-Antoine Quillard (c. 1700-1733), L'arrivée à Cythère, huile sur toile 57 x 69 cm, Budapest Museum of Fine Arts

Petrus Johannes van Reysschoot (1702-1772), L'embarquement pour l'île de Cythère, huile sur toile, c. 1720, huile sur toile 138 x 153 cm, Lawrence Steigrad Fine Arts, New York City

À gauche, Jérôme-François Chantereau, l'île de Cythère, gravure 17.4 × 24.4 cm - à droite, Claude Duflos, L’Isle de Cithère, gravure
d'après un dessin de Bernard Picart, c.1708, BNF

Tapisserie de Beauvais, L'arrivée des amoureux sur l'île de Cythère, sur un dessin de Jacques Duplessis ca. 1725, laine et soie, 420 x 483 cm

Ecole française du XVIIIe siècle, L'embarquement pour Cythère, huile sur toile

Entourage de Jean-Baptiste Leprince (1734-1781), Couple galant prêt à s'embarquer pouir Cythère, huile sur toile 47 x 58,4 cm

Au XIXe siècle, le sujet de la barque vers Cythère est repris très ponctuellement par quelques romantiques, parmi les peintres de second plan ; je citerai « L’île de Cythère », d’Ernest-Augustin Gendron (musée d'art et d'histoire de Saint-Brieuc, 1848), et « Eros transportant les amoureux vers Cythère », du peintre allemand Wilhelm Kray.

 

Ernest Augustin Gendron, L’Île de Cythère, 1848, huile sur toile 87 x 145 cm, musée d'Art et d'Histoire de Saint-Brieuc

Wilhelm Kray,  Eros transportant les amoureux vers  Cythère, huile sur toile  45 x 109,3cm

Le thème sera repris autour de 1900, avec un style « art nouveau » :

Ainsi Maurice Chabas, « Le retour à Cythère », c. 1896, Paul Gervais, avec « Amour source heureuse de vie – Cythère », grande toile décorant l’ancienne salle de mariage du Capitole de Toulouse, et une petite toile d’Emile-Louis Foubert, « Le concert à Cythère ».

 

Maurice Chabas (1862-1947), Le retour à Cythère, vers 1896, Huile sur toile 65,50 x 120,50 cm

Paul Gervais, Amour source heureuse de vie – Cythère, toile décorant l’ancienne salle de mariage du Capitole de Toulouse

Emile Louis Foubert (1848-1911),  Le concert à Cythère, 1899, huile sur toile 38 x 46 cm

Au XXe siècle, très peu d’occurrences de ce sujet : citons toutefois « Un embarquement pour Cythère » 1981, du peintre de figuration narrative Charles Lapicque, et le « Retour de Cythère » (1985-86), du néoromantique anglais George Warner Allen. 

 

Charles Lapicque (1898-1988), Embarquement pour Cythère, 1981, huile sur toile 79 x 106 cm


George Warner Allen (1916–1988), Le retour de Cythère, 1985-86, huile sur toile 116,5 x 127 cm, collection Tate, U K

Gageons que le XXIe siècle ne verra pas non plus beaucoup de toiles sur ce thème. J’y aurai pourtant apporté ma contribution synchronistique, avec le tableau en tête d’article, intitulé « Arrivée à Cythère, avant la fête ». J'y ai réinterprété des jeunes femmes issues d'un pastel de Fantin-Latour, inscrites dans une scène semi-abstraite imaginée à partir d'un tableau basculé de Gianni Dova (1925-1991), intitulé "Personnage vert" (1961).

mardi, octobre 25, 2022

La métamorphose du minotaure

 

Gilles Chambon, La métamorphose du minotaure, huile sur toile 65 x 54 cm, 2022

Le minotaure représenté ici est repris d’une nature morte de Picasso (Buste de minotaure), dernière d’une série de quatre, réalisée en novembre 1938. Marie-Laure Bernadac a dit que « la dualité physique du minotaure est l’alter-ego par excellence du peintre, son double. Il incarne l’opposition entre l’ombre et la lumière, le bien et le mal, la sauvagerie et l’humanité » (« la Minotauromachie, 1935 », 2006). 

 

Je me suis donc métamorphosé à mon tour en minotaure, en me coulant dans la conscience de Picasso, mais en l’adoucissant et l’adaptant toutefois à ma personnalité, caractérisée, entre autres, par une volonté de douceur… La nature morte anguleuse et acidulée du peintre s’est alors transformée en une composition instable et joyeuse, où dominent les courbes, et une palette de bleus, de verts, et d’ocres clairs. 

 

Elle est issue du rapprochement synchronistique entre le tableau de Picasso et un paysage breton d’Henri Le Fauconnier (1881-1946), tout en galbes et en verdure (paysage de Ploumanach, 1913), renversé et métamorphosé par le minotaure-peintre auquel je me suis identifié.

vendredi, septembre 30, 2022

Le vent se lève à l’aube

Gilles Chambon, Le vent se lève à l'aube, huile sur toile 110 x 125 cm, 2022

La mythologie grecque nomme Eurus le vent de l’Est : il est enfanté par la Titanide Éos, personnification de l’aurore. Dans ce tableau, Eurus se déploie derrière un paysage encore marqué par les confusions de la nuit : tout se veut ici frémissement, transparence, et éclosion sourde des puissantes forces de l’aube.

Une composition picturale synchronistique qui résulte du rapprochement entre un paysage abstrait de Zao Wou-Ki (1920-2013), et un dessin d’étude attribué à Pierre de Cortone (1596-1669).

mardi, août 30, 2022

Vision synchronistique face au vide

 

Gilles Chambon, "Au-dessus du vide (vision synchronistique)", huile sur toile 73 x 54 cm, 2022
 

Les rêveries d’un vieillard l’angoissent ; il est face au vide, et les farouches combats pour atteindre les sommets sont perdus ; tout est maintenant derrière lui.

 

L’âge finit par nous rapprocher tous du grand vide où les formes, les couleurs, les êtres même se déferont peu à peu. C’est peut-être ce qu’avait ressenti Goya dans la quinta del sordo. J’ai réutilisé synchronistiquement deux détails des peintures noires qui ornaient ses murs :

-       Les deux personnages énigmatiques d’« Asmodée »,

-       Et le visage, retourné symétriquement, de l’un de ses « deux vieux ». Je les ai fusionnés dans un décor  inspiré d’Albert Bitran (1931-2018), dont la peinture abstraite ruisselait toujours d’une sourde et inquiétante énergie.

mardi, août 09, 2022

Le déluge

 

Gilles Chambon, Le déluge, huile sur toile 54 x 73 cm, 2022

« L’histoire du déluge est un mythe universel, une sorte de grand nettoyage cathartique qui met fin à un monde corrompu. Avant que le rationalisme des XIXe et XXe s. s’en empare et le réintègre dans un récit scientifique (cataclysmes météorologiques ou impacts de météorite géante), on retrouvait le déluge dans toutes les traditions ».(Raconter le déluge)


Cette peinture synchronistique évoque le chaos du déluge en s’appuyant sur la réinterprétation d’une peinture de Christine Boumeester (1904-1971) « Composition » (1960, huile sur toile 47 x 61 cm), et sur des personnages issus de deux tableaux de Arthur Bowen Davies (1862-1928) : « the flood » (c. 1902, 46 x 76 cm, The Phillips Collection, art museum, Washington), et « Homage to the Ocean » (c. 1908., 71.3 x 58.8 cm, Brooklyn Museum)

vendredi, juillet 08, 2022

La Sainte, le lion, et le souriceau

 

Gilles Chambon, La Sainte, le lion, et le souriceau, huile sur toile 80 x 70 cm, 2022

Quel est le sens de ce tableau ? Peut-être n’en a-t-il pas vraiment. Les histoires de l’enfance imprègnent en profondeur notre imagination et parfois s’enchaînent et se confondent, à la manière d’un cadavre exquis : ici peut-être Sainte Blandine livrée aux lions, qui ne la dévorent pas et se couchent à côté d’elle, et « Le lion et le rat », de Jean de La Fontaine, où le roi des animaux se voit récompensé de sa magnanimité envers le petit rongeur.

Que va-t-il se passer dans cette rencontre synchronistique entre la Sainte, le lion, et le souriceau, réunis autour d’une mystérieuse coupe de fruits ? L’histoire est à inventer…

 

La sainte est tirée d’une Samaritaine d’Annibal Carrache (1560-1609), le lion d’un croquis de Gustave Moreau (1826-1898), et l’espace qui les entoure d’une composition de Françoise Lambilliotte (Belge, née en 1923).

lundi, juin 20, 2022

Narcisse

 

Gilles Chambon, Narcisse, huile sur toile 46 x 61 cm, 2022

Que nous dit la légende de Narcisse ? Laissons de côté les célèbres « pervers narcissiques » de la psychanalyse, et déprenons-nous de l’interprétation éculée qui voit dans la légende grecque la métaphore d’un égotisme exacerbé et morbide.

Concentrons-nous plutôt sur le mystère de l’image réfléchie à la surface de l’eau. Elle n’a pas la netteté de celle du miroir, elle se trouble et se déforme au moindre souffle d’air, et  derrière le reflet de surface, le monde étrange et sombre qui vit dans l’eau profonde se mêle au scintillement éphémère de l’image réfléchie. L’eau est un miroir fluant que l’on peut pénétrer, et dans lequel on peut se perdre.

Narcisse, en se regardant dans la source, fait un rêve immobile, et comprend que sa beauté est évanescente, comme celle des fleurs, qui renaissent chaque printemps parce qu’elles s’enracinent dans la terre humide. Alors il décide d’arrêter le temps, et de prendre lui aussi racine auprès de la source vive.

C’est ce que cherche à exprimer cette toile synchronistique qui transpose un Narcisse inspiré de Pier Franscesco Mola (1612-1666), dans un paysage où le reflet se mêle, renverse, et recolore le « voyage dans le temps », toile abstraite (1959) de Michelangelo Conte (1913-1996).

vendredi, juin 10, 2022

La danse des anges

 

Gilles Chambon, La danse des anges, huile sur toile 60 x 86 cm, 2022

Deux anges dansent sur un pont au-dessus de l’enfer…

Dans la tradition musulmane, le sirât est le pont qui surplombe l’enfer, dans lequel chacun risque un jour de verser. Les anges Harout et Marout, qui dérivent des dieux mazdéens Haurvatat et Ameratat (qui protégeaient de la faim et de la soif), personnifient ceux qui succombent à la tentation érotique, notamment à cause de l’ivresse (d’où l’interdiction du vin dans l’Islam).

Mais dans l’imaginaire occidental, surtout depuis le mouvement hippie, les anges préfèrent céder à la tentation, en dansant pacifiquement et amoureusement au-dessus du gouffre, plutôt que de combattre l’ennemi qu’un Dieu belliqueux leur inventa pour qu’ils cèdent à l’autre grande tentation, celle de la violence.

 

Cette composition synchronistique détourne deux anges de Goya (extraits de « L'Adoration du nom de Dieu » fresque de 1772 qui orne le dôme de la Basilique de Nuestra Señora del Pilar à Saragosse) et les inscrit dans un paysage mouvant et turgescent, fait de la rencontre entre « Paysage au viaduc Gryon », de Rodolphe-Théophile Bosshard (1889-1960), et une aquarelle de 2003 de Bernard Schultze (1915-2005), titrée « Ce n’est pas un profil ».

mardi, juin 07, 2022

Est-ce parce que je ne crois pas à ce que je sais que je dois croire à ce que je ne sais pas ?

 


« Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien », Socrate.

 

Qu’est-ce qu’une fourmi peut comprendre à l’univers ? Elle ne comprend que la partie avec laquelle ses quelques neurones, ses sens – et son activité pratique - sont connectés. Alors que nous, humains, savons que la réalité est beaucoup plus vaste, englobant étoiles, galaxies, et trous noirs, que nous décrivent si scientifiquement nos savants. Mais la sagesse ne nous conseille-t-elle pas de nous voir aussi comme des fourmis, ignorant une quantité incalculable de choses, qui échappent à nos sens et à leurs prolongements technologiques ?

 

En fait, la compréhension, qui est représentation, ne concerne toujours qu’une plus ou moins faible partie du réel, et il ne pourra jamais en être autrement. On peut dire ainsi que par définition, l’univers réel est hors de portée de la compréhension des êtres vivants, quel que soit leur développent intellectuel.

 

On doit donc, pour se faire une idée (le mot n’est pas vraiment approprié, mais je n’en ai pas trouvé d’autre) de l’univers, s’appuyer sur autre chose que sur nos sens et nos sciences qui, pour nous donner une représentation assez exacte de notre déjà vaste voisinage spatio-temporel, nous enferment dans un microcosme propre à notre espèce. Il faut plutôt se laisser pénétrer par tous les effluves spatio-temporels qui imprègnent notre être… Il ne faut plus sentir, voir, analyser, répertorier, mais simplement ressentir, s’abandonner aux impressions et aux images qui naissent spontanément en nous du simple fait d’être là. C’est en ce sens que les fables religieuses ou mythologiques sont potentiellement plus vraies que la connaissance scientifique, concernant le réel absolu, parce qu’elles se sont construites sur un ressenti universel, dont elles restent cependant une expression naïve. 

Simplement gardons-nous des certitudes : celles-ci ne s’appliquent jamais qu’à un tout petit bout de la réalité.

 

La question qui taraude l’entendement humain depuis ses tous premiers balbutiements, est celle de la vie et de la mort individuelle. Quel sens donner à la dialectique être/néant ? Qu’est le néant, si la conscience y prend naissance et y retourne ? Dire que le monde matériel dans lequel nous mourront tous n’est qu’une apparence, et qu’il existe un ou des arrières mondes réels où l’esprit demeure, cela est-il un ressenti émanant d’une intuition plus profonde du réel, ou simplement un espoir vain inventé pour calmer notre peur de la disparition ?

Toutes les fibres du réel sont connectées dans un enchevêtrement spatio-temporel d’une extrême complexité, dont les tenants et les aboutissants nous resteront impénétrables. Le cerveau s’est construit pendant des centaines de milliers d’années sur tous les retours et ajustements de l’expérience humaine individuelle et collective, nécessaires à la survie et à l’évolution de l’espèce. Mais pas pour nous livrer les clefs de l’être. Notre raison est trop petite pour comprendre le réel absolu, et même notre imagination est trop étroite pour ne serait-ce qu’esquisser cette réalité profonde et vertigineuse, qui va bien au-delà des limites de ce qui est mentalement représentable.

 

Alors, devant ce constat d’impuissance conceptuelle, il nous reste l’intuition naïve, l’humilité, l’espoir, l’amour… et la poésie.