Parmi les nombreuses peintures qui relatent l’enlèvement d’Hélène par Pâris, prince de Troie, certaines sont franchement guerrières, d'autres, comme celle de Maerten van Heemskerck, plutôt calmes ; et nous verront qu'elles peuvent même être un rien sentimentales. D'où vient alors la diversité de ces interprétations possibles de l'événement légendaire? Hélène, mariée depuis plusieurs années à Ménélas roi de Sparte, et ayant eu de lui une fille, est-elle tombée subitement amoureuse de Pâris et a-t-elle consenti de bonne grâce à leur fuite commune vers Troie ? Ou a-t-elle été séduite contre son gré, comme ensorcelée par quelque stratagème surnaturel d’Aphrodite, qui s’était engagée à la donner au fils de Priam, pour récompense de son jugement favorable dans l’affaire de la pomme de discorde ? Ou bien n’a-t-elle suivi Pâris que contrainte et forcée, manu militari, comme le suggère la dénomination d’enlèvement attachée à cette histoire ? Ou encore, est-ce bien en fin de compte réellement Hélène qui a été emmenée par le prince de Troie ? Et finalement, l'enlèvement d'Hélène n'était-il pas simplement le prétexte pour régler une vieille vengeance des Troyens contre les Grecs, en représailles du meurtre de leur roi Laomedon par Hercule?
Pour répondre à ces questions, il est d’abord nécessaire de redire les grandes lignes de la légende, telle que l’ont transmise - non sans contradiction - les auteurs de l’antiquité, et telle qu’elle a été véhiculée au Moyen-Âge par les deux grands poèmes que sont
Le Roman de Troie, et
L’Ovide moralisé :
Hélène est la fille de Zeus. Le roi des dieux avait séduit Leda – la femme de Tyndare roi de Sparte – sous l’apparence d’un cygne. C’est pourquoi Hélène, issue de cet étrange accouplement est sortie d’un œuf, avec son frère jumeau Pollux. Dès sa puberté, elle est considérée comme la plus belle des mortelles. D’où la convoitise de tous les princes, et un premier enlèvement à l’âge de douze ans, perpétré par Thésée, et à la suite duquel, selon
Stésichore, elle enfanta Iphigénie. Ramenée à Sparte par ses frères et déchargée d’Iphigénie, elle se maria alors à Ménélas, le prétendant que son père putatif Tyndare lui avait choisi, en raison de sa richesse.
Le couple régnait donc sur Sparte quand eu lieu, sur le mont Olympe, le fameux banquet de mariage de Pelée, roi de Phthie, avec la nymphe Thétis, qui n’était pas vraiment consentante. À ce banquet étaient conviés tous les dieux. Tout semblait bien se dérouler, quand Éris, la discorde, lança une pomme d’or qui devait être donnée à celle des trois déesses Héra, Athéna, et Aphrodite, qui était la plus belle. Le juge désigné pour ce concours de beauté inopiné fut également choisi en raison de la qualité légendaire de son physique : il s’agissait de Pâris, appelé aussi Alexandre, fils cadet de Priam, le roi de Troie. On connaît la suite : chacune des concurrentes tenta de corrompre Pâris en lui promettant l’une la richesse, l’autre le pouvoir, et la troisième l’amour de la plus belle femme au monde ! Le bellâtre préféra cette dernière promesse et désigna donc Aphrodite, qui se fit un devoir de tenir son engagement.
Sur son conseil, le beau prince se rendit donc à Sparte sous le prétexte de rencontrer – et peut-être de ramener – sa tante Hésione, captive depuis que les Grecs conduits par Hercule avaient une première fois massacré la famille royale troyenne, ne laissant en vie que Priam et sa sœur. Il y avait donc déjà dans ce voyage un parfum de vengeance ; mais Pâris fut néanmoins reçu par Ménélas avec les honneurs dus à son rang. Le roi de Sparte ne se doutant de rien, et devant s’absenter quelques temps, il demanda à sa femme Hélène de veiller à ce que leur hôte ne manque de rien. Un soir, arriva ce qui devait arriver : Hélène tomba sous le charme et fut emportée nuitamment par Pâris, qui, si l’on en croit le
Pseudo-Apollodore (Épitomé III, 3-5), en profita aussi pour faire main basse sur les richesses de Ménélas. Mais les versions divergent quant à la nature des sentiments d’Hélène, et quant aux circonstances de son voyage vers Troie. Selon certains, (Euripide, Hérodote), elle aurait même été soustraite par Hermès sur ordre d’Héra, déposée à l’abri en Egypte sur l’île de Pharos, et remplacée auprès de Pâris par un fantôme ayant son apparence.
Quoi qu’il en soit, Ménélas, pour récupérer Hélène et se venger de l’affront infligé par un prince troyen, réactiva le serment qu’avaient fait jadis tous les prétendants d’Hélène, à la demande d’Ulysse, serment qui les obligeait à porter secours à celui d’entre eux qui épouserait Hélène, s’il advenait un jour qu’il soit outragé par un rival.
Une coalition de tous les princes grecs partit donc faire la guerre en Troade, comme Homère l’a raconté dans
L’Iliade.
Chez les Romains, Virgile s’est ensuite emparé du mythe pour le prolonger dans
L’Énéide. On y découvre Énée, noble troyen apparenté à la famille royale, né d’une union d’un jour entre son père Anchise et la déesse Aphrodite (qui décidemment avait un faible pour les princes pasteurs sur le mont Ida). Pendant la guerre de Troie, Énée s’illustre par ses faits d’armes, et lors de l’incendie final de la ville par les Grecs, il arrive à s’échapper avec sa famille et une garde rapprochée, portant son père aveugle sur ses épaules. L’Énéide nous raconte toutes les mésaventures de son long périple à travers la Méditerranée, qui finit par le conduire en Italie, d’abord à Cumes, où la sibylle l’aide à descendre aux enfers rendre visite à son père Anchise décédé, puis dans le Latium, où il prend une nouvelle épouse et fonde la ville de Lavinium. Ses descendants Remus et Romulus fonderont Rome, la boucle mythologique est ainsi bouclée.
Virgile, comme Tacite, Tite-Live, et beaucoup d’autres auteurs romains, donnent aussi Antenor, le beau-frère de Priam que les Grecs avaient épargné, comme fondateur de Padoue et parfois de Venise. Les chroniqueurs, du VIe au VIIIe siècle, inventent Francion, neveu d’Énée, qui est censé avoir fondé un royaume entre le Rhin et le Danube, et dont les Francs seraient les descendants.
Cette filiation imaginaire entre l’Occident chrétien et Troie sera prolongée et exploitée durant tout le Moyen-âge ; Hector est élevé au rang des
neuf preux, et la quatrième croisade de 1202 qui aboutit au sac de Constantinople et établit pendant un demi-siècle un empire latin d’orient, est souvent vue comme une revanche des descendants des Troyens sur les Grecs qui détruisirent jadis la cité de leurs ancêtres. Ce mythe de la filiation troyenne explique aussi sans doute l’importance de certains épisodes de la guerre de Troie dans les programmes iconographiques des souverains européens, de la Renaissance au XVIIIe siècle.
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Mais revenons à Hélène et son enlèvement par Pâris-Alexandre. Les sources écrites auxquelles se sont référées les peintres viennent de l’antiquité mais ont transité par les compilations et interprétations médiévales.
Au Moyen-âge, deux textes de l'antiquité,
L'histoire de la destruction de Troie, attribuée à
Darès le Phrygien, et
L'Ephéméride, de
Dictys de Crète, sont abondamment recopiés et feront au XVe s. l'objet d'impressions groupées.
Dans l'Histoire de la destruction de Troie de Darès (1,3 et 9 -10), on apprend notamment que Pâris est accompagné d'Énée dans l'enlèvement (et dans de nombreux tableaux, on verra en effet Énée accompagnant Pâris lors de l'enlèvement) : "
Alexandre de Phrygie, fils de
Priam, accompagné d'Enée et de plusieurs
de ses parents, se rendait coupable d'un grand attentat
à Sparte et dans le palais de
Ménélas, où il avait
été reçu comme hôte, et
traité tomme ami." On y apprend
aussi que c'est Priam qui est à l'origine de l'expédition contre Sparte : "
Après un certain espace de temps, plusieurs
vaisseaux furent mis en état de tenir la mer, et
l'on vit arriver les soldats qu'Alexandre (Pâris) et
Déiphobe avaient levés en Péonie.
Lorsque la saison parut favorable à la
navigation, Priam harangua son armée dont il
donna le commandement à Alexandre.
Déiphobe, Enée et Polydamas furent
nommés pour accompagner ce jeune prince, qui,
avant son départ, reçut de Priam l'ordre
de s'approcher d'abord de Sparte, et de se rendre
auprès de Castor et de Pollux pour leur
redemander Hésione et la réparation des
outrages dont les Grecs s'étaient rendus
coupables envers les Troyens."
Mais la source la plus importante est
Le Roman de Troie, de Benoît de Sainte-Maure, qui, à la fin du XIIe siècle, devient la référence absolue des écrivains. Ils vont tous broder sur les divers épisodes de la Guerre de Troie. Le poème initial de plus de trente mille vers, est mis en prose à plusieurs reprises, et même inclus dans la deuxième version de l'
Histoire ancienne jusqu'à César (écrite au début du XIIIe s. pour Roger IV châtelain de Lille). Par la suite, et jusqu'au XVe siècle, on dénombrera des dizaines de traductions dans toutes les langues vulgaires européennes, ou des amplifications de tel ou tel épisode.
Voici comment Le Roman de Troie relate l’enlèvement d’Hélène :
« En mer se mirent les Troyens et s’en allèrent en Grèce. Et pendant qu’il allaient, Ménélas quitta son pays et alla chez Nestor, qui l’avait mandé. Ce Ménélas était un roi très aimé du pays, et avait pour femme une dame de très grand lignage, appelée Hélène. Les auteurs nous racontent qu’elle était d’une beauté sans pareil dans toute la Grèce. Et les Troyens allèrent jusqu’à arriver à une île que l’on appelait Cythère : elle est aussi appelée Cetri. En ce lieu il y avait une si grande fête, que tous les citoyens du pays y étaient venus ; c’était au temple, en l’honneur de Vénus. Pareillement dame Hélène avec grande compagnie de chevaliers, de dames, et de demoiselles, y était venus. Pâris et sa compagnie allèrent offrir un sacrifice, à la manière de Troie, très acceptablement, de sorte qu’il plût beaucoup aux Grecs. Dame Hélène regarda Pâris et apprécia beaucoup sa beauté et son maintien, et Pâris, réciproquement, si bien qu’ils lièrent conversation ensemble, et Pâris eut le sentiment qu’elle consentirait à son dessein. Quand vint le soir, Pâris et ses compagnons se retirèrent vers leurs nefs, et quand ils furent tous ensemble, Pâris parla et dit : « Beaux seigneurs, vous savez bien tous pourquoi nous sommes en ce pays venus, et en cet endroit je voudrais que nous eussions tant de force que nous puissions une cité envahir et prendre ; mais de cela nous n’avons pas le pouvoir, si ce n’est par enlèvement ou par larcin. Et il est clair qu’en cette île nous avons trouvé belle occasion, si nous voulons bien la saisir ; car une grande partie des bonnes gens de ce pays, hommes, femmes, et enfants sont venus pour sacrifier. Pareillement la reine de ce pays y est venue, c’est pourquoi nous pouvons venger notre honte très facilement. » Alors tous ceux qui l’ouïrent s’accordèrent, et sur le champ firent leurs préparatifs. Et quand ce fut minuit, ils se mirent en route vers le temple et trouvèrent les gens pour certains endormis, et pour les autres faisant la fête, de telle sorte qu’aucun ne leur prêtait attention.
61 COMMENT TROYENS ENVAHIRENT LE TEMPLE ET PRIRENT DAME HÉLÈNE.
Quand ils furent arrivés au temple, ils firent retentir un grand vacarme et commencèrent à occire et transpercer ceux qui étaient à leur portée. Pâris se rendit alors à l’endroit où il savait trouver Hélène, et s’empara d’elle, sans qu’elle fit mine de s’y opposer outre mesure. Les autres allèrent partout, tuant, et pillant tout ce qu’ils pouvaient ; aussi je ne pourrai vous dire ni le grand massacre qui fut fait, ni le grand butin amassé de prisonniers, d’or, d’argent, et de robes précieuses. Mais pendant ce temps, les gens du château qui était au-dessus du port, appelés à l’aide, entendirent le bruit et les cris. S’apercevant de quoi il s’agissait, ils sortirent en armes et firent leur possible pour venir à la rescousse des prisonniers ; mais en fin de compte ils furent déconfiés par les Troyens, qui ainsi redoublèrent les dommages infligés. Et quand ils eurent terminé, ils retournèrent à leurs nefs. Le lendemain ils quittèrent le port et firent voile jusqu’à arriver à Thenedon qui est à quinze lieues de Troie, et envoyèrent un message au roi, ce qui le mit en grande joie.
62 COMMENT LES DAMES PRISONNIÈRES DEMEURAIENT EN GRAND DEUIL À THENEDON.
Pendant qu’ils séjournaient à Thenedon, dame Hélène et les autres dames prisonnières avec elle exprimaient leur terrible deuil de ne plus revoir leurs seigneurs, et d’avoir dû quitter leurs terres. Pâris, à qui cela pesait plus qu’aux autres, commença à réconforter Hélène et dit : « Dame, trop m’afflige votre détresse, et si je devais vivre encore un siècle, je ne pourrais avoir de joie tant que vous êtes dans cet état ». Et il dit la même chose aux autres dames, pour qu’elles cessent de se désoler devant Dieu « mais soyez assurées qu’il ne sera fait aucun mal a vos barons, et que vous leurs serez rendues, et que vous aurez une plus grande joie à être dans ce pays que dans celui où vous fûtes nées ; car pour l’amour de dame Hélène vous serez toutes honorées, car elle sera la maîtresse de tout le pays. »
63 COMMENT DAME HÉLÈNE RÉPOND À PÂRIS
« Sire, répond dame Hélène, j’éprouve beaucoup de peine à ce qui nous est arrivé ; mais puisqu’il en est ainsi, je vois bien que notre destin est de souffrir, que je le veuille ou non. Mais par Dieu je vous prie que vous nous préserviez de la honte et de la contrainte. » - « Dame, votre vouloir sera accompli, dit Pâris, comme vous l’avez demandé. » À donc il la prit par la dextre main et la fit asseoir sur un fauteuil, s’assit à côté d’elle comme pour la conseiller, et dit : « Dame, sachez que quand je vous vis premièrement, je fus sous votre emprise, et ne pus tourner ailleurs mes regards sur le reste des choses, et je vois que l’amour de vous m’a ainsi enchaîné et dominé, car j’ai mis en vous toute mon attente et tout mon cœur, je vous épouserai donc, et d’ores et déjà soyons loyaux amis. Et si je vous ai enlevée à la Grèce, vous allez accéder à un pays plus beau et si riche que vous direz le vôtre pauvre. Après vous serez très honorée par tout le monde, comme celle qui sera la maîtresse de tout ; car toute chose que vous voudrez, je vous l’accorderai. » - « Sire, fait-elle, je ne sais quoi dire si ce n’est que j’ai assez de colère dans mon cœur, plus qu’aucune femme en eu jamais ; et si je refusais votre plaisir, cela ne me vaudrait rien de bon. Ainsi je vois bien que consentir à votre volonté me convient, car je ne m’en puis défendre. Cela me peine, mais si vous me portez amour et fidélité, vous aurez intact ce qui est en mon pouvoir. » Alors elle commença si fort à pleurer que Pâris en eut très grande pitié, et commença à la réconforter, et le soir même la fit servir et honorer de tout ce qui était en son pouvoir. »
On voit bien que dans cette version il y a réellement kidnapping, et que l’agression contre les Grecs répond à une vengeance : il y a d’abord ruse, puis combat meurtrier, pillage, et enlèvement contre la volonté d’Hélène, bien que le narrateur nous précise qu’elle est appréhendée «
sans qu’elle fit mine de s’y opposer outre mesure » (et elle ne fist mie grant samblant de contredire).
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Anonyme, école ferraraise ?, L'enlèvement d'Hélène, XVIIe s., 65x84 cm, localisation non connue |
L’autre grande source médiévale est l’
Ovide moralisé, d’auteur anonyme (début du XIVe siècle) ; ce long poème de 72000 vers reprend les
Métamorphoses d’Ovide, en y ajoutant beaucoup d’autres sources, comme les Héroïdes (également d’Ovide), qui apportent de nombreux récits sur la guerre de Troie ; au livre XII (vers 112 à 797) on découvre notamment la déclaration d’amour de Pâris à Hélène, et la longue réponse de celle-ci, très complète et circonstanciée, où elle lui explique que sa vertu et son statut d’épouse de Ménélas rendent impossible qu’elle consente à le suivre, bien qu’elle lui avoue la réciprocité de ses sentiments ; elle finit par lui dire que, pourvu qu’elle est l’air d’avoir été forcée, elle ne s’opposera pas à son enlèvement, que, d’une certaine façon, ils organisent ensemble :
(Vers 728 à 736) « Ce fût sage et courageux que je refusasse ce projet, mais que à Troie vous laissasse (seul retourner). Mais pourtant, si la honte ne me laisse suivre mon plaisir, alors je ferai votre vouloir sans contredire, et qui voudra de moi médire, qu’il médise. Je n’y fais opposition. Mais vous me ravirez par force, ainsi n’en serai pas tant blâmée. »
L’enlèvement lui-même se passe à Cythère comme dans
Le Roman de Troie, et la description des faits est à peu près la même.
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Pieter Jalhea Furnius, après Gérard van Groeningen, L'enlèvement d'Hélène, gravure, c. 1571 |
En 1362 Boccace, dans son
De claris mulieribus (Des dames de renom), évoque l’enlèvement d’Hélène en ne laissant pour sa part aucun doute sur le fait qu’il s’agit de l’escapade de deux amants et non d’un enlèvement forcé :
« (Pâris) se souvenant de la promesse que Vénus lui avait faite de lui faire avoir la fleur de beauté à femme, en récompense de la sentence qu'il prononça pour elle contre Junon et Pallas, en la forêt d'Ida, monta sur mer en quelques vaisseaux qu'il fit faire du bois de la susdite forêt, accompagné de plusieurs grands seigneurs et barons, et passa en Grèce afin de ramener Hésione sa tante, jadis ravie par les Grecs. Étant arrivé en la maison de Ménélas, l'un des princes de Grèce, et illec aimablement logé, après avoir vu Hélène, douce de tant excellente beauté et pleine de civilité, qui ne prenait point à mal d'être souvent regardée, incontinent s'enamoura très âprement d'elle. Puis prenant bonne espérance de ses maintiens peu honnêtes, sut, ayant bien épié le temps, par ses plaisants et amoureux attraits, peu à peu allumer les amoureuses flammes au coeur impudique de cette Dame, par si forte manière qu'il la fit tomber en ce même désir auquel lui-même était chu ; et fut fortune tant favorable à ses desseins qu'ayant Ménélas affaire expresse en Grèce, s'y en alla, laissant ce bon hôte seul en sa maison. Par ainsi advint (comme assurent aucuns) que ces deux nouveaux amants, étant en pareille ardeur, firent en sorte que Pâris porta tôt après en son pays, selon l'ordonnance fatale, le feu qu'Hécube avait vu en dormant et en accomplit les pronostications.
Car Pâris, ayant pillé la plupart des trésors de Ménélas et, de complot fait, ravi Hélène par une nuit, pendant qu'elle étant attentive à faire quelque sacrifice, suivant leur coutume, en un temple sur le rivage de la mer Laconique ou de l'île de Cythère, ainsi que disent quelques autres, l'embarque en une nef par lui appostée à cet effet ; puis arriva finalement à Troie, où le roi Priam la reçut très honorablement, estimant par tel moyen être plutôt vengé de l'injure que lui faisait Télamon lui retenant Hésione sa soeur, que d'avoir accepté en son pays la finale ruine de son royaume. »
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Anonyme XVIIe s., L'enlèvement d'Hélène, origine inconnue |
Ajoutons à ces sources le petit poème sur l'Enlèvement d'Hélène de Collouthos, auteur grec antique, retrouvé et traduit au XVe siècle. Curieusement il ne décrit pas du tout l'enlèvement, se contentant de nous montrer qu'Hélène accepte de bon gré la volonté d'Aphrodite, et consent tout de suite à suivre Pâris à Troie.
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À la lumière de ces sources littéraires, tentons maintenant de voir comment se situent les peintres, et sur quels éléments ils appuient leur interprétation.
Au XVe siècle, les illustrations de cet épisode laissent généralement de côté le combat pour s'intéresser aux amants dont la représentation oublie parfois le contexte de l'enlèvement, comme dans cette enluminure d'un manuscrit des Métamorphoses d'Ovide (mais ne s'agirait-il pas plutôt ici de leur arrivée à Troie?) :
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L'enlèvement d'Hélène Métamorphoses, Livre XI, Flandre, vers 1450-1500. BnF, Manuscrits, français 137 fol. 165 |
Dans la peinture ci-dessous due à Zanobi Strozzi (collaborateur de Fra Angelico), l'accent est aussi mis sur l'aventure amoureuse; point de combat avec les Grecs :
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Zanobi Strozzi, L'enlèvement d'Hélène, vers 1450, National Gallery, Londres |
Pendant tout le XVIe siècle, comme on le voit sur la gravure de Pieter Jalhea Furnius (voir illustration plus haut) et comme nous le développerons plus loin, les peintres, sans doute plus attentifs aux circonstances décrites dans
Le roman de Troie et
L'Ovide moralisé qu'à l'idylle entre Pâris et Hélène, s'attachent plutôt à rendre le paysage de Cythère avec son temple, et les affrontements entre les barons troyens et la garde Grecque. Mais on voit réapparaître chez certains peintres des XVIIe et XVIIIe siècles une vision plus pacifique, dans laquelle Pâris, homme de cour courtois, invite la noble Hélène à le suivre sur sa nef. Voici trois exemples italiens pour le XVIIe siècle.
Guido Reni (dans son tableau, la présence de Cupidon montre clairement qu'il privilégie l'idylle; toutefois il a le pied sur un fragment de ruine, pour annoncer la chute de Troie),
Alessandro Turchi,
et Cesare Dandini:
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Guido Reni, L'Enlèvement d'Hélène, vers 1626 - 1629 ; 2,53 x 2,65 m, Louvre |
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Alessandro Turchi, L'enlèvement d'Hélène, huile sur marbre, 40,6 x 48,9 cm, musée d'art classique de Mougins, France
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Cesare Dandini, L'enlèvement d'Hélène de Troie, collection privée, Londres |
Au XVIIIe siècle, sous l'influence de la culture de la galanterie, cette interprétation idyllique de l'enlèvement d'Hélène va être confortée, et parfois, comme chez Christian Wilhelm Dietrich (voir ci-après, septième image), ne plus avoir beaucoup de rapport avec la légende historique - ici on semble être davantage dans la comedia del arte, notamment avec le costume de Pierrot dont est revêtu Pâris (il porte aussi des talons rouges, réservés à la noblesse dans les cours du XVIIIe s.; la peinture pourrait donc faire référence à une fête galante. Les sept exemples suivant sont dus aux peintres
Jacopo Amigoni,
Jean-Baptiste Deshays,
Laurent Pécheux,
Jean-Honoré Fragonard,
Gavin Hamilton - peintre écossais qui donne une version très néoclassique,
Angelica Kauffmann, et
Christian Wilhelm Dietrich; notons que Laurent Pécheux et Angelica Kauffmann coiffent Pâris d'un bonnet phrygien, Troie étant située en Phrygie :
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Jacopo Amigoni, Embarquement d'Hélène de Troie, huile sur toile 221x142cm, vente Sothesby's N-Y janvier 2012 |
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Jean-Baptiste Deshays, L'enlèvement d'Hélène, vers 1761, Fine Arts Museums de San Francisco |
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Laurent Pécheux, L'enlèvement d'Hélène, 1760, huile sur toile 65x85cm, collection privée |
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Jean-Honoré Fragonard (atelier ?), L'enlèvement d'Hélène, vers 1760, 34,5 x44,5 cm, Musée des Beaux Arts de Rouen |
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Gavin Hamilton, Pâris enlevant Hélène, C. 1782-84, Pushkin Museum of Fine Arts, Moscou |
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Angelica Kauffmann, Pâris et Hélène s'échappant de la cour de Ménélas, vers 1780, localisation inconnue, mais reprise sur plusieurs garvures |
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Christian Wilhelm Dietrich, Pâris et Hélène s'enfuyant, 76x63cm, passé en vente Stahl, Hambourg, 29/11/2014 |
Mais ces représentations "galantes" du mythe sont loin d'être majoritaires. Si nous retournons à la Renaissance, c'est Raphaël qui donne le ton au tout début du XVIe siècle, avec un dessin aujourd'hui perdu, mais dont Marcantonio Raimondi a tiré une gravure entre 1520 et 1527; elle même a été reprise par d'autres graveurs :
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Marcantonio Raimondi, après Raphaël, L'enlèvement d'Hélène, gravure 1520-27 |
Cette gravure a aussi été utilisée pour une tapisserie aujourd'hui à Cheverny (ci-dessous) et sa scénographie a inspiré de nombreux peintres jusqu'au XVIIe siècle, en voici quelques exemples:
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Tapisserie des Gobelins, Enlèvement d'Hélène, d'après Marcantonio Raimondi, Château de Cheverny |
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P-P Rubens, Enlèvement d'Hélène, département des arts graphiques du Louvre |
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Anonyme anversois XVIIe s., L'enlèvement d'Hélène, localisation inconnue |
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Frans II Francken (atelier), L'enlèvement d'Hélène, XVIIe s, localisation inconnue |
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Jean Mignon, L'enlèvement d'Hélène, d'après Luca Penni, première moitié du XVIe s., gravure 31.6 × 42.9 cm |
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Attribué à Scipione Compagno, L'enlèvement d'Hélène de Troie, XVIIe s., HST 90.8 x 142.9 cm, signature 'N. POUSSIN F.', vente Christie's N-Y 06/04/2006 |
Cependant d'autres peintres se sont totalement affranchis de la scénographie créée par Raphaël, en imposant leur style personnel, notamment Le Tintoret, qui se libère du paysage pour organiser le tableau uniquement sur le mouvement désordonné de la bataille avec les Grecs, en écrasant la scène comme s'il la voyait à travers un zoom puissant; Hélène, à la renverse, est hissée dans la barque, Pâris la retenant pas sa cape :
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Le Tintoret, Enlèvement d'Hélène, 1578 - 1579. HST, 186 x 307 cm, musée du Prado, Madrid |
Certains peintres ont mis l'accent sur le fait que le rapt et le combat près du temple de Vénus avait lieu à minuit:
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Gillis van Valckenborch, L'enlèvement d'Hélène, vers 1600, Muzeum Narodowe Warszawie, Warszawa, Pologne |
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Giovanni Paolo Panini, L'enlèvement d'Hélène, HST 99 x 136,7 cm, XVIIIe s., vente Sotheby's N-Y 29/01/2015 |
Citons aussi un peintre autrichien du XVIIIe s.,
Johann Georg Platzer, qui réalisait de petites compositions sur cuivre; son Enlèvement d'Hélène, qui foisonne de figurants, ressemble davantage à un spectacle de théâtre qu'à une vraie bataille (la représentation des fêtes était une de ses spécialités) :
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Johann Georg Platzer, L'enlèvement d'Hélène, huile sur cuivre, 40,7x59,7cm, Galerie Moravienne, Brno |
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Pour compléter ma réflexion sur l'interprétation qu'ont pu avoir les peintres de cet épisode mythologique, je vais maintenant montrer quelques représentations qui se focalisent sur les personnages principaux, tentant souvent de faire sentir, en particulier dans la gestuelle d'Hélène et dans l'expression de son visage, l'ambivalence entre la violence de l'enlèvement et l'inclination supposée de ses sentiments pour Pâris. Je commencerai par le peintre
Giovanni Francesco Romanelli, connu pour avoir décoré l'appartement de la Reine dans l'aile sud du Louvre, avec en particulier un magistral enlèvement des Sabines. Mais une dizaine d'années auparavant (1645-47), il était venu décorer le palais que Mazarin s'était fait construire (aujourd'hui Galerie Mazarine de la BNF). Sur les fresques de plafond de la grande galerie, deux peintures en vis-à-vis son consacrées au cycle de la guerre de Troie: un Énée fuyant Troie en flammes (à gauche, ci-dessous), et un Enlèvement d'Hélène (à droite) :
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Relevé fait par Frappaz de L'enlèvement d'Hélène de Romanelli décorant le plafond de la Galerie Mazarine |
Son atelier a réalisé par la suite un ou deux petits tableaux reprenant les mêmes personnages dans une scénographie plus concentrée:
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Giovanni Romanelli (atelier), l'enlèvement d'Hélène, HST 48,1x65,5 cm, Plymouth City Council Art Museum |
Dans cette composition, Romanelli a réutilisé la plupart des éléments qu'il avait déjà mis en place dans un premier tableau datant de 1631-32 :
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Giovanni Romanelli, L'enlèvement d'Hélène, 1631-32, HST , musée du Capitole, Rome |
La version du Palais Mazarin nous montre une Hélène levant les bras et les yeux vers le ciel prenant peut-être les dieux à témoin (attitude qu'il avait aussi adopté dans l'enlèvement des Sabines, reprise de son maître Pierre de Cortone); mais elle ne paraît pas vraiment opposer de résistance, alors que dans la version du Capitole, elle semble davantage se débattre...
Voyons maintenant les peintres qui ont choisi le gros plan, pour mieux exprimer l'ambivalence de sentiment des personnages. Déjà au XVIe siècle, un dessin de
Giuseppe Porta (Salviati) préfigure ce genre de représentation, qui s'épanouira à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe s., surtout en Italie, avec
Luca Giordano,
Antonio Zanchi,
Antonio Molinari,
Nicolo Bambini,
Sebastiano Ricci,
Giovanni Battista Piazzetta,
Giambattista Tiepolo:
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Giuseppe Porta dit Salviati, L'enlèvement d'Hélène, dessin plume, encre brune, lavis, et craie noire, 30,3x38,4cm, Metmuseum N-Y |
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Luca Giordano, Enlèvement d'Hélène, huile sur verre 28x34 cm |
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Luca Giordano, Enlèvement d'Hélène, vers 1680, HST, 1,39 x 2,49m, musée des Beaux-Arts de Caen |
Luca Giordano, dans les tableaux ci-dessus, dessine des visages aux expressions tendues, et une Hélène plutôt inquiète... Tandis que l'Hélène de Nicolo Bambini (ci-dessous), comme celle de Romanelli dont il a été question plus haut, met en scène une kidnappée qui joue un peu la comédie!
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Nicolo Bambini, L'enlèvement d'Hélène, collection privée |
Pour sa part, Sebastiano Ricci (ci-dessous) compose une petite troupe dont chaque protagoniste, Hélène comprise, semble essentiellement préoccupé par la délicate manœuvre d'embarquement, et concentré sur son équilibre instable :
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Sebastiano Ricci, L'enlèvement d'Hélène, Palazzo della Pilotta, Parme |
Antonio Zanchi et Antonio Molinari (ci-dessous) accentuent le drame moral qui se noue pour Hélène; celle-ci semble osciller entre abandon et remords...
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Antonio Zanchi, L'enlèvement d'Hélène, HST 120 x 137,5 cm, vente Dorotheum Antriche 13/10/2010 |
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Antonio Molinari, L'enlèvement d'Hélène, c. 1695-1704, HST 131 x 173 cm, Northampton Museums & Art Gallery, UK |
On retrouve le même type de préoccupations dans un dessin de Tiepolo du musée des Beaux Arts de Besançon :
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Giambattista Tiepolo, L'enlèvement d'Hélène, dernier quart du XVIIIe s., dessin plume et lavis, musée des beaux Arts et d'Archéologie, Bezançon |
Par contre, dans une peinture de Piazzetta et sur une fresque vénitienne anonyme du XVIIIe s. (ci-dessous), où le choix est aussi celui de la focalisation sur Pâris et Hélène, on reste dans la gesticulation théâtrale caractéristique du baroque, sans vraiment de psychologie dans l'expression des personnages :
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Piazzetta, L'enlèvement d'Hélène, c. 1715-18, huile sur toile 235x179cm, musée Granet, Aix-en-Provence (oeuvre actuellement au garde-meuble) |
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Anonyme vénitien du XVIIIe s., L'enlèvement d'Hélène, fresque murale de la villa Widmann Rezzonico, Mira, Province de Venise |
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Je terminerai cet article par deux tableaux singuliers, l'un de l'atelier du Primatice (XVIe siècle) et l'autre de l'atelier de Charles Le Brun (XVIIe siècle). Dans ces deux œuvres, Hélène présente une apparence étrange : elle est d’une grande blancheur, et son regard à l’air absent. Les peintres ne font-ils pas alors une allusion discrète aux versions de l'histoire rapportées par Euripide et par Hérodote, dans lesquelles Héra a substitué un fantôme à la véritable Hélène ?
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Le Primatice (atelier), L'enlèvement d'Hélène, entre 1533 et 1570, HST 156 x 189 cm, Barnard Castle, Bowes Museum, UK |
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Entourage de Charles Le Brun, L'enlèvement d'Hélène, HST 97,1 x 130,9cm, vente Christie's Londres 31/10/2013 |