|
Gilles Chambon, " Atlas et le poids du monde", huile sur toile 46 x 65 cm, 2022
|
La mythologie est cruelle :
il y a toujours les vainqueurs et les vaincus. Dans le combat des Titans contre
les Dieux olympiens conduits par Zeus, la défaite des Titans les condamne à
diverses peines éternelles. Pour Atlas, il est exilé à l’ouest du monde, et
doit jusqu’à la fin des temps soutenir sur ses épaules la lourde sphère céleste.
Άτλας, en grec, signifie d’ailleurs le « porteur ». Cette tâche est
rude, Atlas se fatigue et voudrait se libérer de ce poids, qu’il cherche, par
une vaine ruse, à confier à Héraclès.
Atlas portant le monde en fardeau
est donc depuis longtemps dans nos imaginaires occidentaux. En architecture, ce
sont des Atlantes (terme qui dérive d’Atlas), qui dans l’Antiquité et surtout depuis
la Renaissance soutiennent les corniches ou les grands balcons de pierre. L’Atlante
se dédouble souvent de part et d’autre d’une porte monumentale, ou comme l’Atlas
de la Pointe de la Douane à Venise, dédoublé dans la grande sculpture en bronze
de Giuseppe Benoni, ces deux Atlas jumeaux portant un monde dominé par la
girouette de la Fortune.
Que signifie alors la métaphore
de la fatigue d’Atlas ? Sans doute que les forces primordiales sur
lesquelles se sont bâties l’évolution et la complexification du monde finissent
par s’éroder peu à peu. Et le poids du monde transformé par l’humanité commence
à faire chanceler les piliers de la Nature ; le jardin aux pommes d’or des
Hespérides, filles d’Atlas, commence lui aussi à mourir.
Pour cette composition synchronistique, j’ai rapproché
et réinterprété un dessin d’Atlas de Baldassare Peruzzi (1481-1537), Metropolitan
Museum of Art, et une aquarelle de Christine Boumeester (1904-1971).