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Domenico Beccafumi, Sainte Catherine recevant les Stigmates, 1545 - 55 x 37.5 cm, musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam |
Les stigmates de la Passion du Christ, en tant que traces objectives du sacrifice divin, deviennent eux-mêmes objets d’une fascination et d’un culte mystique, exactement comme certains attributs de la féminité comme les vêtements intimes, les cheveux, les pieds, les chaussures, etc.. peuvent focaliser la passion érotique chez certains hommes. On nomme cela le fétichisme.
Et chez les saints comme chez les amoureux, la passion les pousse à s’approprier d’une façon ou d’une autre l’objet de leur désir ; soit par pénétration, soit par incorporation, soit par identification.
- Chez les saints du christianisme, si l’on prend l’exemple de Thomas, qui rentre ses doigts et sa main dans les blessures du Christ, il s’agit d’une sorte d’appropriation par pénétration.
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Duccio di Buoninsegna, L'incrédulité de St Thomas,
détail de la Maesta (retable de la cathédrale de Sienne, 1308), Museo
dell'Opera Metropolitana del Duomo, Sienne |
- Chez St François d’Assise ou Catherine de Sienne, qui ont reçu les stigmates, il s’agit plutôt d’identification.
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Vicente Carducho, St François recevant les stigmates, Madrid, Hospital de la Venerable Orden Tercera de San Francisco |
- Et chez la mystique
Marthe Robin, qui se nourrissait exclusivement d’hosties, il s’agit d’incorporation, comme d’ailleurs, symboliquement, chez tous les chrétiens qui communient et avalent métaphoriquement à chaque messe le corps du Christ.
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Luca Signorelli, la Communion avec les apôtres, 1512, _232 x 220 cm, Museo Diocesano, Cortone |
Tout rituel est une forme de fétichisme, qu’il soit rituel sexuel ou rituel religieux. Dans ce dernier domaine, disons que les idolâtres sont fétichistes au point de substituer entièrement l’amour de la trace (relique, représentation) à l’amour de l’entité à laquelle est associée cette trace. La situation religieuse « normale » étant plutôt le rôle facilitateur que doit prendre la trace ou le rituel. Ces éléments peuvent alors être considérés comme l’équivalent des préliminaires amoureux, qui favorisent la turgescence imaginative, propre aux amours humaines, qu’elles soient terrestres ou spirituelles.
En ce qui concerne l’acte d’amour sexuel, il est habituellement plutôt du type « pénétration » chez les hommes, et du type « incorporation » chez les femmes. Il devient aussi parfois identification, par exemple dans le travestisme. Et cette identification au sujet aimé, en ce qui concerne l’amour spirituel de l’homme-Dieu chrétien, se fait par l’apparition des stigmates sur le corps, qu’ils soient le résultat d’un miracle (paranormal), ou expression d’un inconscient névrotique de type manifestation hystérique, comme l’ont supposé les psychiatres freudiens.
Dans l’histoire de la peinture, l’illustration de Saint François d’Assise recevant les stigmates est en quelque sorte le paradigme de cet amour spirituel par identification.
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Giotto. Saint François recevant les stigmates, 314x162cm (détail), vers 1295-1300, Louvre, Paris |
Pour l’amour spirituel par incorporation, ce sont tous les tableaux qui montrent le corps du Christ assimilé à l’eucharistie. En premier lieu bien évidemment la cène (dont certaines variantes montrent d’ailleurs Jésus présentant l’eucharistie), mais aussi « la communion des apôtres », ou encore la représentation de « la messe de Grégoire le Grand », où le corps du Christ mort soutenu par des anges se confond en une vision miraculeuse avec l’eucharistie elle-même.
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Juan de Juanes, La dernière cène, 1555-62, huile sur panneau 116 x 191 cm, musée du Prado, Madrid |
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Luca Giordano, La communion des apôtres, vers 1700, huile sur toile 188 x 305 cm, museum of Fine Arts, Boston |
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Michael-Wolgemut, Epitaphe d’un membre de la famille Hehel avec la Messe de Saint Grégoire, vers 1481, Nuremberg église Saint-Laurent |
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Messe de Saint Grégoire, Heures à l’usage de Rome, XVe s, BM de Tours |
Enfin pour l’amour spirituel par pénétration, la représentation picturale paradigmatique est évidemment « l’incrédulité de Saint Thomas », qui fait allusion à un passage de l’évangile de St Jean : Thomas avait déclaré aux autres apôtres que pour croire en la résurrection du Christ, il lui faudrait non seulement voir Jésus ressuscité de ses propres yeux, mais pour être bien sûr qu’il ne s’agisse pas d’un sosie, il lui faudrait aussi pénétrer avec ses doigts dans les plaies causées par la crucifixion. Le Christ lui apparut donc lors d’une de leurs réunions, prit la main de Thomas, lui fit toucher les trous dans ses paumes et ses pieds, puis découvrit son flanc droit, et mis les doigts de Thomas dans la plaie causée par la lance. L’amour spirituel de Thomas envers l’homme-Dieu était donc lié à cette pénétration, semblable à un coït symbolique. La représentation picturale de Thomas touchant les plaies du Christ ressuscité eut en tout cas une singulière fortune, depuis les mosaïques orthodoxes du XIe siècle jusqu’au célèbre tableau du Caravage (1603, palais Sanssouci, Potsdam).
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Le Caravage, L'incrédulité de Saint Thomas, vers 1603, huile sur toile 107 x 146 cm, Palais de Sanssouci, Potsdam |
En voici quelques autres exemples :
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Incrédulité de Saint Thomas, Icône russe du deuxième quart du XVe siècle. |
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Cima da Conegliano, L'incrédulité de Saint Thomas, (détail) c. 1505, tempera et huile sur panneau 215 x 151 cm, Gallerie dell'Accademia, Venise |
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Wouter Pietersz. Crabeth II (Gouda, 1594 - 1644), L'incrédulité de Saint Thomas, c. 1628, Rijskmuseum Amsterdam |
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