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Gilles Chambon, Chère liberté, huile sur toile 100 x 150 cm, 20232 |
La liberté est un concept
beaucoup plus complexe et ambivalent qu’on ne le croit généralement… C’est,
comme nous le rappelle le sixième couplet de la Marseillaise, un combat
permanent, contre toutes les formes d’asservissement et de tyrannie ; on
la chérit, mais elle peut être chèrement payée.
Et puis elle n’est jamais totale.
Nous avons besoin aussi de nous créer nous-même des règles et des servitudes,
sans lesquelles la vie collective (et même la vie individuelle) serait
impossible.
Dali, qui aimait les métaphores
alimentaires, disait à ce propos qu’il détestait les épinards parce qu’« ils
sont informes, comme la liberté ».
Et en effet la liberté totale
peut être synonyme de conduite erratique et d’égarement. Toute forme structurée
est toujours contrainte, et sa beauté lui vient sans doute du jeu subtil entre
rigidité et souplesse, uniformité et diversité, ordre et liberté.
Pour citer encore Salvador Dali, il
affirmait : « Pas de chef-d'œuvre dans
la paresse ! ». Et donc la liberté d’une œuvre, comme la liberté
chérie conquise contre l’oppression, quelle que légère qu’elle puisse paraitre,
témoigne toujours d’un long effort, qui mêle combat, respect, et amour.
Ainsi mon tableau, synchronistiquement
composé, est libre et contraint, il glorifie la liberté, et met en garde contre
elle :
- D’abord
il fait un clin d’œil à l’abolition de l’esclavage (les deux femmes de gauche
sont reprises du détail d’un tableau de François-Auguste Biard "L'Abolition
de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848") ;
- Le
personnage central, provenant d’une « Etude de nègre d’après le modèle
de Joseph » de Chassériau (1838, faite pour Ingres qui voulait l’utiliser
pour la personnification du Démon dans une « Tentation du Christ »),
représente toute l’ambivalence de la liberté : liberté de la nudité, mais
aussi violence de l’état sauvage, non civilisé, cliché que j’ai tempéré en lui
mettant dans la main gauche le bouquet de fleurs de Banksy…
- L’ange
en haut à droite, qui est interprété d’un détail d’un St Jérôme d’Alonso Cano
(1601-1667), est là soit pour sonner l’espoir de la liberté, soit pour en
annoncer les dangers ;
- Quant
au fond, il provient de la réécriture d’un fragment du tableau « D’une
étrange cité », du Danois Mogens Balle (1921-1988), architecte à l’origine,
et qui comme moi s’est tourné vers la peinture pour se libérer de contraintes
constructives… Tout en utilisant son savoir constructif dans ses toiles abstraites!