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Jean Cocteau, fresques de la chapelle St Pierre à Villefranche-s-Mer, 1956, détail de l'abside représentant la citadelle
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La rade de Villefranche-sur-Mer, à côté de Nice, offre un site remarquable, une anse protégée par la presqu’île du Cap Ferrat, et surmontée au nord par les contreforts des Alpes. Elle fut utilisée dès l’antiquité par les Grecs et les Romains, sous la dénomination d’Olivula Portus.
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Plan de la rade de Villefranche, 1699, BNF, source Gallica |
Squattée par les pirates au début du Moyen-Âge, la rade est reprise et sécurisée par les comtes de Provence qui y installent une population fixe à la fin du XIIIe siècle, en créant une ville franche (exonérée de taxes), comme cela se pratiquait souvent à cette époque. Un siècle plus tard, après des guerres intestines entre les Anjou et les Duras, prétendants à la souveraineté des terres niçoises, une dédition est finalement accordée au duc de Savoie. Villefranche devient son port militaire et commerçant. La ville est la seule porte maritime des États de Savoie jusqu'à la construction du Port de Nice au XVIIIe siècle ; elle tire ses revenus de tous les navires marchands accostant au port (droit de Villefranche).
À la suite de l'occupation, en 1543, de la rade par la flotte franco-turque commandée par Khayr ad-Din Barberousse, le duc Emmanuel-Philibert de Savoie ordonne sa fortification. Le fort du mont Alban et la
citadelle Saint-Elme vont être mis en chantier. Le port de la Darse est aussi aménagé à côté pour abriter la flotte des galères. Le plan de la citadelle St Elme est confié au milanais Gian Maria Olgiati « supremo ingeniero » et principal architecte de Charles Quint, présent dans le comté de Nice dès 1550. Benedetto Ala, ingénieur et architecte, collaborateur d'Olgiati, est le principal artisan de la construction de la citadelle. Il est appuyé par une équipe d'ingénieurs : Domenico Ponsello, Pietro Boiero, Orazio et Francesco Paciotto.
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Plan ancien de villefranche et de la citadelle St Elme, source Gallica |
Le Mont Alban et la citadelle St-Elme sont construits selon les nouvelles normes de fortification. À partir de 1430 était intervenu en effet un élément déterminant et révolutionnaire pour la construction des forteresses : l'apparition à peu près simultanée de pièces d'artillerie légères et puissantes, d'affûts plus maniables et de projectiles en fonte ou en bronze, capables de disloquer rapidement la maçonnerie des murailles traditionnelles. Les ingénieurs, après de nombreux tâtonnements, élaborèrent un nouveau type de fortifications reposant sur deux grands principes : le rempart rempli de terre et le tracé bastionné sans angle mort ; deux principes qui s'illustrent parfaitement dans la citadelle St Elme et le Mont Alban.
La citadelle de Villefranche a été achevée en 1557, et elle marque encore aujourd’hui de manière magistrale le paysage de la rade. Si sa conception défensive s’est vite montrée obsolète, la façon subtile qu’elle a d’adapter un quadrilatère bastionné aux éléments topographiques en font un objet paysager complexe, riche de mille points de vue et perspectives, l’associant à la fois à la rade, à la cité, et aux montagnes voisines. Les murs inclinés des bastions, aux angles arrondis surmontés d’échauguettes, la composition en terrasses et en masses, les corps de bâtiments multiples, le fossé périphérique creusé comme un ravin, les contrescarpes offrant une multitude d’angles et de talus qui taillent des ombres obliques, tout concourt ici à la magie subtile qui fait converger l’art et le lieu.
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Vue aérienne de la citadelle St Elme, prise depuis de sud-ouest |
Mais cependant cette magie est moins perceptible aujourd’hui : l’urbanisation a mis une barrière entre les flancs de collines et la forteresse, le fossé est devenu une route, et les contrescarpes et les terrasses ont été envahies par les arbres. Du coup la plupart des perspectives ont disparu. Il faut donc se tourner vers les témoignages plus anciens, ceux des peintres et des photographes qui, depuis le début du XIXe siècle jusqu’à la seconde guerre mondiale, ont immortalisé Villefranche.
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Huile sur toile de Maxime Boulard de Villeneuve - datable entre 1920 et 1930. Elle montre la rade vue depuis la contrescarpe du bastion sud-ouest de la citadelle, dont la terrasse est plantée d’un bouquet de palmier caractéristique (on le retrouve notamment sur la fresque de Cocteau, montrée en début d’article) | |
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Carte postale 1926 prise du même endroit |
On trouve sur
Gallica, le site de la BNF, plusieurs photos anciennes de Villefranche et de sa citadelle. Les nombreuses cartes postales rendent compte aussi de l’attractivité qu’exerçait la rade où la flotte militaire a mouillé jusque dans les années 50. En voici quelques exemples :
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Bateaux de guerre français, anglais, et américains, en rade de Villefranche, en oct. 1879, source Gallica |
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Rade de Villefranche, photo de 1883, détail, source Gallica |
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Darse de Villefranche, hiver 1892, détail d’une photo, source Gallica |
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La citadelle St Elme, bastion nord-ouest, source wikimedia |
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Photo de la rade de Villefranche en 1914, détail, source Gallica |
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Combat naval fleuri, photo de 1931, détail, source Gallica |
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La rade de Villefranche, vue des hauteurs du Castellet, photo source Gallica |
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Le bouquet de palmiers de la citadelle St Elme, vu de la contre escarpe, photo 1914, source Gallica |
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Vue de la rade avec bateaux de guerre au mouillage, photo ancienne |
La première représentation picturale de la rade remonte sans doute au XVIIe siècle ; elle montre la citadelle Saint-Elme, la cité de Villefranche, et le fort du mont-Alban, en haut à gauche.
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Dessin de la rade de Villefranche, XVIIe s ?,origine inconnue |
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Gravure de 1812, source Gallica |
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Hercule Trachel, la rade de Villefranche, illustration d’un « voyage pittoresque » du XIXe s. |
Au XIXe siècle, les
peintres locaux Hercule Trachel, Augustin Carlone, Jacques Guiaud, Emmanuel Costa, et Victor Sabatier multiplieront les points de vue, souvent plus rapprochés, ne cherchant plus forcément à intégrer dans la même image l’ensemble des éléments emblématiques de la rade, mais, en bons peintres paysagistes, recherchant l'effet pictural.
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Hercule Trachel (1820-1872), la citadelle St Elme et la rade, aquarelle |
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Augustin Carlone (1812-1873), villefranche, aquarelle, Bibliothèque de Cessole, Nice |
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Jacques Guiaud (1810-1876), Villefranche, aquarelle |
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Emmanuel Costa (1833-1921), Villefranche, aquarelle |
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Victor Sabatier, Vue de Villefranche, 1879, Dessin à l'encre noire et lavis d'encre à la sépia |
À la fin du siècle,
Eugène Boudin, malade, alla s’installer à Villefranche. On lui doit plusieurs beaux tableaux qui mettent en scène la rade depuis quelques points du rivage, au pied de la cité ou à proximité immédiate.
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Eugène Boudin, Rade de Villefranche, le port |
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Eugène Boudin, Quai à Villefranche |
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Eugène Boudin, Rade de Villefranche,1885 |
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Eugène Boudin, Rade de Villefranche, et Rade vue du quai de la Marine, 1892 |
Les peintres post-impressionnistes seront ensuite nombreux à s’intéresser au paysage villefranchois. Quelques peintres du pays niçois comme Raymond Thibésart, Raymond Tournon, ou Augustin Carrera, et beaucoup de peintres de passage, ayant séjourné dans la région plus ou moins longtemps. Parmi eux
Henri Lebasque, devenu peintre de l’armée, la collectionneuse et artiste
Anna Boch,
Maxime Boulard de Villeneuve (peintre qui demanderait à être redécouvert), mais surtout
Henri le Sidaner, qui a su rendre avec un grand raffinement chromatique le scintillement lumineux de la rade vue depuis ses fenêtres.
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Raymond Thibésart vue de Villefranche |
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Anna Boch (1848-1936), Pêcheur devant le port de Villefranche-sur-mer, Huile sur toile |
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Augustin Carrera (1878-1952) Le port de Villefranche-sur-Mer, huile sur panneau |
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Raymond Tournon (1870-1919), Villefranche, la citadelle |
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Henri Lebasque (1865-1937), Rade de Villefranche vue de la fenêtre |
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Henri Le Sidaner (1862-1939), la rade de Villefranche vue de la citadelle |
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Henri Le Sidaner, Table et bouquet devant la rade de Villefranche |
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Henri Le Sidaner, Soleil dans la maison, Musée d’Orsay |