La chaîne Himalayenne vue de Nagarkot |
Le Népal, coincé entre les deux
grands monstres que sont la Chine et l’Inde, était encore un royaume
inaccessible aux étrangers il y a à peine cinquante ans. S’ouvrant enfin au
monde dans les années soixante, il devint pour un temps l’El Dorado des hippies
à la recherche de psychotropes et de zenitude bouddhiste.
C’est aujourd’hui un simple état
du tiers-monde, parmi les plus pauvres, semblable sous beaucoup d’aspects à
tant d’autres pays démunis : infrastructures approximatives, institutions
politiques précaires, ville centre tentaculaire et polluée, accueillant l’exode
rural poussé par la misère des campagnes.
Katmandou |
Katmandou, avec ses axes routiers
saturés, ses bus pourris crachant une fumée noire ; avec le vacarme
incessant des klaxons remédiant tant bien que mal à l’absence quasi totale de
code de la route ; avec ses réseaux de fils électriques et téléphoniques
formant d’improbables écheveaux sur lesquels circulent de grands
macaques ; avec la poussière déposée le long des rues sans trottoirs, qui
s’accroche aux buissons et que le soir les tenanciers d’échoppes tentent de
circonvenir, devant leur pas de porte, à l’aide de petits ballets de paille qui
la fond voler plus qu’ils ne la chassent ; avec ses chemins déglingués
traversant des quartiers où pullulent les nouvelles maisons en briques à
ossatures de poteaux béton, laissant les fers en attente ; avec ses
terrains vagues et ses rivières qui sentent l’égout ; avec ses bazars
congestionnés déroulant à perte de vue de minuscules boutiques vendant toutes à
peu près les mêmes choses, que ce soit les épices, les tissus, les ustensiles
ménagers, ou les pashminas, les tankhas, les masques de dieux grimaçants, et les
statuettes pour touristes.
Katmandou donc, sous ces aspects
de ville générique du tiers-monde, m’évoque immanquablement d’autres villes
parcourues au Sahel ou au Maghreb.
Et pourtant il serait injuste de
ne pas voir aussi ce qui fait son caractère purement asiatique et son
impressionnante beauté :
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D’abord il y a les trois centres historiques
monumentaux, Durbar Squares de Patan, de
Bhaktapur, et de Katmandou. On trouve là trois joyaux de l’art urbain newar,
organisant de façon libre mais équilibrée les palais et temples des XVe au
XVIIIe siècles, faits de briques et de bois de sal, sculpté comme de la
dentelle, et surmontés de toit multiples en pagodes, soutenus par de grand
jambages inclinés couverts de scènes érotiques. En contrepoint de ces
majestueuses façades, les bassins-fontaines encaissés et protégés par les
ondulations de pierre représentant le corps de Nâga, le dieu serpent ;
quelques colonnes surmontées de statues, face à l’entrée des temples ; de
petits autels de dévotion, toujours bariolés d’offrandes de pétales de fleurs
et de prashad rouge, et parfois montés sur des socles pyramidaux ;
d’insolites temples hindous de style shikhara, tout en pierre, couverts de
toits à la fois lourds et élancés, aux formes caractéristiques en épis de
blé ; quelques grosses cloches de bronze, aussi, suspendues sous des portiques ; et enfin ces curieuses
petites loggia urbaines en bois, appelées pati, où dorment souvent les vagabonds.
Palais de Patan, illustration extraite de "The traditional architecture of the Kathmandu valley", Wolfgang Korn, ed. Bibliotheca Himalayica, reprint 2010 |
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Ensuite il y a les monastères et les stupas bouddhistes
qui parsèment la ville (les plus célèbres sont le grand stupa de Bodhnath,
immortalisé par le film Little Bouddha,
et celui de Swayambunath qui surplombe la ville, et où ont élu domicile des
nombreuses bandes de singes).
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Et partout ces vaches qui déambulent, et les chiens
galeux qui dorment sous les péristyles des temples, en attendant la nuit pour roder
à la recherche de poubelles ou de restes d’offrandes.
Aspects de Katmandou : Durdar Square de Bhaktapur et rue de Thamel |
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Enfin il y a le splendide écrin de montagnes qui
enserre Katmandou : si les grands sommets enneigés de l’Himalaya ne sont
perceptibles que dans le lointain, les contreforts de collines s’avancent dans
la plaine comme de longues racines géantes, chargées de forêts et de cultures en
terrasses.
G. Chambon, Nargarkot, aquarelle, 2012 |
Ces reliefs
particuliers, au demeurant très habités et pourvus de nombreux villages
perchés, sont la matière constitutive des paysages népalais ; ils rendent
assez difficiles les communications routières. Il est donc préférable
d’utiliser l’avion pour se rendre à Pokhara, au pied des Annapurnas.
Pokhara, jadis
bourg provincial, a pris en quelques décennies une allure de ville champignon.
C’est une destination de premier ordre pour les trekkers, et de nouveaux hôtels
surgissent du sol chaque année ; le centre commerçant a ainsi délaissé
l’ancien bourg pour se réimplanter à proximité de la rive du lac, où se
concentrent les mânes touristiques chinoise, japonaise, coréenne, indienne, et
occidentale. Mais dès que l’on quitte la grande rue, les chemins qui desservent
les hôtels rappellent encore le caractère villageois : quelques
maisonnettes basses au toit de tôles et aux murs badigeonnés de rose indien ou
de vert lagon, avec leur petit jardin potager, subsistent entre les bâtisses
des établissements hôteliers, plus hautes et bordées de balcons ;
quelques échoppes de quartier,
aussi, où les didis tiennent
conversation, à coté de grands ficus majestueux ; et toujours les vaches
en liberté, les enfants qui s’approprient la voie pour une partie de foot, et
quelques champs de mil qui survivent ça et là, avant que de nouveaux hôtels ne
repoussent la campagne dans les collines voisines.
G. Chambon, Pokhara, aquarelle, 2012 |
Vol au-dessus de Pokhara |
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