G. Chambon, La clairvoyance du cyclope, huile sur toile, 60x73cm, 2014 |
Le XXe siècle fut le siècle de l’ébullition humaine : mondialisation, progrès scientifique et technologique exponentiels, mais aussi massacres de masse, idéologies totalitaires, et prémices de catastrophes écologiques.
Le XXIe siècle doit donc être un siècle de prise de conscience, peut-être même un siècle réactionnaire, en ce sens qu’il doit s’inscrire en réaction salutaire aux excès du XXe siècle. Nous avons pris conscience que notre globe terrestre est un monde fini et fragile, qui ne peut supporter une expansion continue et insoucieuse de ses conséquences.
Dans le domaine de l’art, on retrouve le même schéma : depuis les avant-gardes du début du XXe siècle jusqu’à l’art conceptuel et ses avatars nommés « art contemporain », l’art occidental a voulu se lancer dans une course à la nouveauté, supprimant toutes les frontières, submergeant comme un stunami les anciennes disciplines artistiques, et se lançant à corps perdu dans une fuite en avant, sa seule finalité semblant être dorénavant d’affirmer sa contemporanéité, c’est-à-dire sa rupture avec le passé, avec la mesure humaine, avec la permanence esthétique des messages délivrés.
Le résultat est terrible : la sensibilité artistique collective se délite peu à peu, d’autant qu’elle est aussi victime des ravages produits par la culture consumériste et ses publicités, qui la tirent sans cesse vers le bas. Heureusement, le goût pour les musées, les concerts, les spectacles, qui pérennisent les arts traditionnels et savants, n’a pas disparu, et tempère la déliquescence de notre sens artistique.
Il est donc temps, en art aussi, de prendre conscience des effets pervers de la marche en avant sans limite, et de réaliser que notre imaginaire, notre sens poétique, ne sont pas malléables à l’infini. D’autant que les sollicitations disruptives de l’art contemporain ne reposent sur aucune nécessité, ni sur aucun projet humaniste.
L’esprit ressemble à un écosystème : si on rompt de manière trop brutale un équilibre, c’est l’ensemble qui ne parvient plus à se réguler. Cela ne signifie pas qu’il faut abandonner toute idée de progrès et d’évolution, mais qu’ils doivent se faire en respectant un certain nombre d’équilibres métastables.
En art plastique, et particulièrement en peinture, il est intéressant de constater que les changements volontairement recherchés, depuis les impressionnistes jusqu’aux abstraits, ont fait sauter successivement plusieurs verrous, mais ont gardé, jusqu’aux années 60, le grand système régulateur qu’était l’expressivité propre aux nuances de la peinture et de la composition picturale, préservant ainsi leur valeur poétique. Mais la boite de pandore s’étant entr’ouverte, Marcel Duchamp et ses épigones de la fin du XXe siècle ont définitivement fait sauter le couvercle, pulvérisant volontairement (et sous forme d’injonctions idéologiques) toute velléité de régulation esthétique. Depuis, le thermomètre n’a cessé de monter, à tel point que bon nombre d’esprits affûtés n’arrivent même plus à comprendre qu’il y a supercherie, et sont prêts à tout absorber, pourvu que l’estampille « art » apposée sur tout et n’importe quoi (par exemple une banane ou des excréments) soit cooptée par les élites financières.
Cette folie ne rend pas service à l’évolution civilisationnelle. Croyant se libérer de toutes les chaînes, l’esprit contemporain ne fait qu’éteindre une à une les lampes qui éclairaient son imaginaire, de sorte qu’il finit par errer sans but dans un univers mental obscur et chaotique.
L’art doit donc aujourd’hui être repris en main par tous ceux qui croient en son pouvoir d’enchantement du monde. Exactement comme l’écologie croit, d’une certaine manière, à la nécessité de préserver la nature, enchantée par la foisonnante richesse autorégulatrice de ses formes vivantes.
Il est vrai que dans une dynamique mondiale hostile, où le matérialisme recroqueville les êtres sur leur quotidien, et où le spirituel quitte la métaphysique pour s’enkyster dans des poches d’obscurantisme et de haine religieuse, il paraît de plus en plus difficile de forger des odes artistiques à la poésie du monde.
Et pourtant cette poésie ne demande qu’à renaître. Alors comme pour la végétation, paralysée dans les frimas hivernaux, c’est en puisant une sève épaisse dans ses racines profondes que l’art pourra à nouveau bourgeonner et offrir un printemps prometteur à tous ceux qui veulent croire encore en l’avenir…
Et pour le peintre, puiser dans les racines de son art, c’est tirer de toutes ces œuvres qui irriguent collections et musées, témoignages magnifiques de plusieurs siècles d’art savant, véritables sources de notre imaginaire pictural, une poésie inédite propre à nourrir notre désir de ré-enchantement.
1 commentaire:
Je souscris entièrement , et adhère à cet élan , pour l instant minoritaire, qui ne vise pas que l esthétique , mais agrège et promeut systématiquement au rang de créations artistiques , toute fantaisie personnelle . qui ne se dépasse pas .
Si j ai bien compris , l art synchronique , met en perspective , les courants picturaux, dès éléments qui se répondent , ou servent de cadre
Les sources sont si diverses qu elles ont toutes les chances de rencontrer une foule d interlocuteur de notre petit monde .
Des amateurs , des praticiens saisis par le désir d utiliser qd faire se peut , ce langage , cette forme différente et plus riches en theme que ne lurent les siècles précédents .
Et le audace a l utiliser , lui ,vient peut de ces n importe quoi , en boîte scellées pour la fortune , mais peut être aussi pour frayer violemment une voie libertaire .
Notre monde a un besoin urgent d être réanchanté ,et cette proposition peut aller ds ce sens mais il doit pouvoir être non seulement un sujet d admiration , mais aussi l objet d’un dialogue , une agora esthétique ,et sans se renier , accessible .
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