présentation des peintures synchronistiques

vendredi, janvier 19, 2018

La malédiction du centaure Nessus

Gilles Chambon, La malédiction du centaure Nessus, huile sur toile 54x65cm, 2018
Nessus, comme tous ses congénères, était parfois la proie de pulsions sexuelles violentes et irrépressibles. 

Il occupait dans la Grèce antique la paisible fonction de passeur au bord du fleuve Événos, chargeant sur son dos ceux qui souhaitaient traverser, contre rémunération. 
Jusqu’au jour maudit où Hercule vînt sur la berge et lui confia sa femme, la belle princesse Déjanire, pour la porter sur l’autre rive. Le contact des cuisses juvéniles sur l’échine du centaure ralluma sa lubricité, et il ne put résister : une fois de l’autre côté, il tenta d’abuser de sa cavalière. C’était sans compter sur la puissance et la promptitude du héros vainqueur des plus terribles monstres ; dans l’instant, Hercule saisit son arc et décocha au centaure une de ses flèches empoisonnées dans le sang de l’hydre. Touché, Nessus comprit qu’il était perdu, mais voulu par un stratagème entraîner le fils de Zeus dans la mort avec lui. Il portait sur ses épaules une légère tunique, qu’il ôta et trempa dans son sang envenimé par le poison. Puis il confia le vêtement à Déjanire, et lui demanda de l’offrir à Hercule son époux, le jour où elle commencerait à douter de sa fidélité. La tunique était censée opérer comme un filtre d’amour. Quand ce jour arriva, elle l’offrit à Hercule, qui la passa sans se méfier. Aussitôt il ressentit d’atroces douleurs et ne put retirer le tissu empoisonné qui collait à sa peau. Pour se libérer de ce mal insupportable, il finit par s’immoler dans les flammes d’un brasier. 

Cette légende, comme d’ailleurs celle du combat des Centaures et des Lapithes, nous rappelle que ces êtres hybrides, mi hommes mi chevaux, ont l’intelligence des humains, mais l’animalité primitive des étalons. Ils peuvent, comme Chiron, être de remarquables savants, mais lorsque les circonstances les y poussent, ils sont incapables de résister aux pulsions de leur partie animale, ce qui est à coup sûr pour eux une malédiction. Nessus en fait les frais, tué par le sang venimeux d’un autre monstre hybride, l’hydre de Lernes. Ce sang venimeux, qui par ricochet tue aussi Hercule, est une sorte de métaphore de la force animale, délétère quand elle ne peut être dominée.  


Dans mon tableau synchronistique, le centaure et sa cavalière sont inspirés d’une gravure de 1897 d’après un dessin de Rodin (fonds Goupil, Bordeaux):


Le paysage abstrait dans lequel ils évoluent (qui évoque pour moi le sang contaminé par le noir venin) est adapté d’une composition abstraite au pastel et à l’encre (31x23,5 cm, c. 1950), de Christine Boumeester: