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jeudi, décembre 17, 2015

La peinture synchronistique comme art éco-responsable


Gilles Chambon, Métropole-mélodie, huile sur toile, 48x64cm, 2014
Une vérité irréfragable s’impose à nous depuis une trentaine d’années : l’humanité évolue dans un monde fini et globalisé, et on doit en tirer très vite les conséquences. Préservation du climat et des écosystèmes, économies d’énergie, régulation des crises et des conflits qui s’allument un peu partout sur le globe comme autant de clignotants rouges témoignant de l’urgence d’actions adaptées.
C’est que la civilisation « techno-capitaliste », en cause aujourd’hui, s’est appuyée essentiellement sur l’expansion (croissance, conquête, impérialisme) et sur une forme de myopie ethnocentrique (la finalité nationale semblant la plupart du temps un horizon indépassable, au détriment d’appartenances identitaires plus ouvertes).
Aujourd’hui, un changement de paradigme est en train de s’accomplir : le formidable développement de la conscience écologique a définitivement invalidé les modèles de croissance expansionniste de la société de consommation, et les instances internationales, même si elles peinent encore à s’imposer face aux intérêts égoïstes des nations, témoignent d’une aspiration de plus en plus partagée à l’émergence d’une gouvernance mondiale.

Il me semble que la répercussion de ces nouveaux paradigmes, dans le domaine de l’art, devrait nous interpeler, et porter la création contemporaine à se réformer au plus vite. En effet elle relève encore pour l’essentiel d’un besoin de nouveauté à tout prix, poussant jusqu’à l’absurde la fuite en avant initiée par l’art moderne, depuis l’apparition des avant-gardes. 
Cette conception de la création basée sur une logique de conquête perpétuelle de nouvelles facettes de la subjectivité, notamment par la transgression, est corrélée aux utopies progressistes-positivistes-révolutionnaires qui ont marqué tout le XXe siècle, et qui ont plusieurs fois conduit l’humanité au bord du gouffre.
En art, si la transgression avant-gardiste a pu un temps libérer les artistes du carcan académique, leur ouvrant de belles perspectives poétiques, elle ne devrait manifestement plus être d’actualité aujourd’hui. En effet le chaos délétère que les œuvre labellisées « art contemporain » produisent, dépasse maintenant largement les maigres intérêts que l’on peut encore leur trouver ici ou là. Et si l’AC s’est fait une spécialité du recyclage artistique des déchets et sous-produits de toutes natures issus de la société industrielle, cela n’a rien à voir avec une attitude écologique véritable. 

En effet, si rôle éco-responsable il doit y avoir pour les artistes,  ce n'est ni en participant au recyclage matériel des déchets (qui évidemment relève d’une autre échelle d’intervention), ni en portant la bonne parole écologique à l'aide de symboles simplistes. J’imaginerais plutôt ce rôle citoyen des artistes comme un engagement à préserver l’écosystème mental des individus auxquels ils adressent leurs propositions. Et là, de même que notre planète n’est pas indéfiniment transformable au gré des dynamiques techno-capitalistes, prenons acte que notre esprit ne l’est pas non plus au gré des pulsions révolutionnaires qui habitent les plus illuminés (ou allumés) d’entre nous, ou de la seule logique des machines désirantes qui travaillent les groupes humains.
Réfléchissons alors sérieusement à ce que pourrait être une écologie de l’esprit humain, soucieuse du maintien de son imago-diversité, et des équilibres psychiques indispensables à l'épanouissement personnel. L’esprit, pas plus que le corps, n’est malléable à l’infini, sauf à se placer dans une perspective transhumaniste (c’est un peu comme l’expansionnisme productif de la société de consommation qui n’est plus justifiable aujourd’hui, sauf à être considéré dans la perspective, très irréaliste, d’une conquête spatiale imminente repoussant toujours plus loin les limites de l’orbe d’intervention humaine).

Donc, en art,  plutôt que de chercher toujours à faire sauter des verrous pour découvrir des formes et des finalités nouvelles, au mépris absolu de notre « écologie cérébrale », il serait temps de marquer une pause, et de prendre conscience que le désir – ou le besoin d’art – loin d’être la quête d’un simple jeu intellectuel, participe à l’équilibre profond que chacun d’entre nous doit rechercher, notamment dans sa relation à l’Universel.

Face à l’impéritie et l’impertinence de beaucoup de créations d’aujourd’hui, renonçons momentanément à vouloir être dans le coup, arrêtons l’absorption purgative des inepties que nous vantent trop souvent les critiques et les médias spécialisés, et retournons-nous pour contempler la richesse et la pertinence poétiques des oeuvres artistiques élaborées au cours des siècles passés, XXe siècle compris, évidemment. 
C’est précisément le sens de ma peinture synchronistique : élaborer une création nouvelle en redécouvrant des œuvres oubliées, en les rapprochant bien qu’elles appartiennent à des univers picturaux en apparence éloignés, en débusquant leurs affinités secrètes, et en les métamorphosant dans une écriture picturale inédite.

La peinture synchronistique se veut donc un art réellement « éco-psycho-responsable », puisqu’au lieu de gaspiller les ressources mentales en inventant sans arrêt de nouvelles formes inutiles, il table sur une énergie imaginale renouvelable, et fait la preuve qu’on peut, par le recyclage et la mise en pot commun de notre patrimoine pictural, redynamiser l’imaginaire artistique contemporain, et lui retrouver un sens poétique inédit, riche d’évocations multiples et de résurgences imprévues.

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