« Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien »,
Socrate.
Qu’est-ce qu’une fourmi peut
comprendre à l’univers ? Elle ne comprend que la partie avec laquelle ses
quelques neurones, ses sens – et son activité pratique - sont connectés. Alors que
nous, humains, savons que la réalité est beaucoup plus vaste, englobant
étoiles, galaxies, et trous noirs, que nous décrivent si scientifiquement nos savants.
Mais la sagesse ne nous conseille-t-elle pas de nous voir aussi comme des
fourmis, ignorant une quantité incalculable de choses, qui échappent à nos sens
et à leurs prolongements technologiques ?
En fait, la compréhension, qui
est représentation, ne concerne toujours qu’une plus ou moins faible partie du
réel, et il ne pourra jamais en être autrement. On peut dire ainsi que par
définition, l’univers réel est hors de portée de la compréhension des êtres
vivants, quel que soit leur développent intellectuel.
On doit donc, pour se faire une
idée (le mot n’est pas vraiment approprié, mais je n’en ai pas trouvé d’autre)
de l’univers, s’appuyer sur autre chose que sur nos sens et nos sciences qui,
pour nous donner une représentation assez exacte de notre déjà vaste voisinage
spatio-temporel, nous enferment dans un microcosme propre à notre espèce. Il
faut plutôt se laisser pénétrer par tous les effluves spatio-temporels qui
imprègnent notre être… Il ne faut plus sentir, voir, analyser, répertorier,
mais simplement ressentir, s’abandonner aux impressions et aux images qui
naissent spontanément en nous du simple fait d’être là. C’est en ce sens que
les fables religieuses ou mythologiques sont potentiellement plus vraies que la
connaissance scientifique, concernant le réel absolu, parce qu’elles se sont construites sur un ressenti
universel, dont elles restent cependant une expression naïve.
Simplement
gardons-nous des certitudes : celles-ci ne s’appliquent jamais qu’à un
tout petit bout de la réalité.
La question qui taraude
l’entendement humain depuis ses tous premiers balbutiements, est celle de la
vie et de la mort individuelle. Quel sens donner à la dialectique
être/néant ? Qu’est le néant, si la conscience y prend naissance et y
retourne ? Dire que le monde matériel dans lequel nous mourront tous n’est
qu’une apparence, et qu’il existe un ou des arrières mondes réels où l’esprit
demeure, cela est-il un ressenti émanant d’une intuition plus profonde du réel,
ou simplement un espoir vain inventé pour calmer notre peur de la
disparition ?
Toutes les fibres du réel sont
connectées dans un enchevêtrement spatio-temporel d’une extrême complexité,
dont les tenants et les aboutissants nous resteront impénétrables. Le cerveau s’est
construit pendant des centaines de milliers d’années sur tous les retours et
ajustements de l’expérience humaine individuelle et collective, nécessaires à
la survie et à l’évolution de l’espèce. Mais pas pour nous livrer les clefs de
l’être. Notre raison est trop petite pour comprendre le réel absolu, et même notre
imagination est trop étroite pour ne serait-ce qu’esquisser cette réalité
profonde et vertigineuse, qui va bien au-delà des limites de ce qui est mentalement
représentable.
Alors, devant ce constat d’impuissance conceptuelle,
il nous reste l’intuition naïve, l’humilité, l’espoir, l’amour… et la poésie.