Table des articles passés (depuis 2012)

lundi, juin 20, 2022

Narcisse

 

Gilles Chambon, Narcisse, huile sur toile 46 x 61 cm, 2022

Que nous dit la légende de Narcisse ? Laissons de côté les célèbres « pervers narcissiques » de la psychanalyse, et déprenons-nous de l’interprétation éculée qui voit dans la légende grecque la métaphore d’un égotisme exacerbé et morbide.

Concentrons-nous plutôt sur le mystère de l’image réfléchie à la surface de l’eau. Elle n’a pas la netteté de celle du miroir, elle se trouble et se déforme au moindre souffle d’air, et  derrière le reflet de surface, le monde étrange et sombre qui vit dans l’eau profonde se mêle au scintillement éphémère de l’image réfléchie. L’eau est un miroir fluant que l’on peut pénétrer, et dans lequel on peut se perdre.

Narcisse, en se regardant dans la source, fait un rêve immobile, et comprend que sa beauté est évanescente, comme celle des fleurs, qui renaissent chaque printemps parce qu’elles s’enracinent dans la terre humide. Alors il décide d’arrêter le temps, et de prendre lui aussi racine auprès de la source vive.

C’est ce que cherche à exprimer cette toile synchronistique qui transpose un Narcisse inspiré de Pier Franscesco Mola (1612-1666), dans un paysage où le reflet se mêle, renverse, et recolore le « voyage dans le temps », toile abstraite (1959) de Michelangelo Conte (1913-1996).

vendredi, juin 10, 2022

La danse des anges

 

Gilles Chambon, La danse des anges, huile sur toile 60 x 86 cm, 2022

Deux anges dansent sur un pont au-dessus de l’enfer…

Dans la tradition musulmane, le sirât est le pont qui surplombe l’enfer, dans lequel chacun risque un jour de verser. Les anges Harout et Marout, qui dérivent des dieux mazdéens Haurvatat et Ameratat (qui protégeaient de la faim et de la soif), personnifient ceux qui succombent à la tentation érotique, notamment à cause de l’ivresse (d’où l’interdiction du vin dans l’Islam).

Mais dans l’imaginaire occidental, surtout depuis le mouvement hippie, les anges préfèrent céder à la tentation, en dansant pacifiquement et amoureusement au-dessus du gouffre, plutôt que de combattre l’ennemi qu’un Dieu belliqueux leur inventa pour qu’ils cèdent à l’autre grande tentation, celle de la violence.

 

Cette composition synchronistique détourne deux anges de Goya (extraits de « L'Adoration du nom de Dieu » fresque de 1772 qui orne le dôme de la Basilique de Nuestra Señora del Pilar à Saragosse) et les inscrit dans un paysage mouvant et turgescent, fait de la rencontre entre « Paysage au viaduc Gryon », de Rodolphe-Théophile Bosshard (1889-1960), et une aquarelle de 2003 de Bernard Schultze (1915-2005), titrée « Ce n’est pas un profil ».

mardi, juin 07, 2022

Est-ce parce que je ne crois pas à ce que je sais que je dois croire à ce que je ne sais pas ?

 


« Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien », Socrate.

 

Qu’est-ce qu’une fourmi peut comprendre à l’univers ? Elle ne comprend que la partie avec laquelle ses quelques neurones, ses sens – et son activité pratique - sont connectés. Alors que nous, humains, savons que la réalité est beaucoup plus vaste, englobant étoiles, galaxies, et trous noirs, que nous décrivent si scientifiquement nos savants. Mais la sagesse ne nous conseille-t-elle pas de nous voir aussi comme des fourmis, ignorant une quantité incalculable de choses, qui échappent à nos sens et à leurs prolongements technologiques ?

 

En fait, la compréhension, qui est représentation, ne concerne toujours qu’une plus ou moins faible partie du réel, et il ne pourra jamais en être autrement. On peut dire ainsi que par définition, l’univers réel est hors de portée de la compréhension des êtres vivants, quel que soit leur développent intellectuel.

 

On doit donc, pour se faire une idée (le mot n’est pas vraiment approprié, mais je n’en ai pas trouvé d’autre) de l’univers, s’appuyer sur autre chose que sur nos sens et nos sciences qui, pour nous donner une représentation assez exacte de notre déjà vaste voisinage spatio-temporel, nous enferment dans un microcosme propre à notre espèce. Il faut plutôt se laisser pénétrer par tous les effluves spatio-temporels qui imprègnent notre être… Il ne faut plus sentir, voir, analyser, répertorier, mais simplement ressentir, s’abandonner aux impressions et aux images qui naissent spontanément en nous du simple fait d’être là. C’est en ce sens que les fables religieuses ou mythologiques sont potentiellement plus vraies que la connaissance scientifique, concernant le réel absolu, parce qu’elles se sont construites sur un ressenti universel, dont elles restent cependant une expression naïve. 

Simplement gardons-nous des certitudes : celles-ci ne s’appliquent jamais qu’à un tout petit bout de la réalité.

 

La question qui taraude l’entendement humain depuis ses tous premiers balbutiements, est celle de la vie et de la mort individuelle. Quel sens donner à la dialectique être/néant ? Qu’est le néant, si la conscience y prend naissance et y retourne ? Dire que le monde matériel dans lequel nous mourront tous n’est qu’une apparence, et qu’il existe un ou des arrières mondes réels où l’esprit demeure, cela est-il un ressenti émanant d’une intuition plus profonde du réel, ou simplement un espoir vain inventé pour calmer notre peur de la disparition ?

Toutes les fibres du réel sont connectées dans un enchevêtrement spatio-temporel d’une extrême complexité, dont les tenants et les aboutissants nous resteront impénétrables. Le cerveau s’est construit pendant des centaines de milliers d’années sur tous les retours et ajustements de l’expérience humaine individuelle et collective, nécessaires à la survie et à l’évolution de l’espèce. Mais pas pour nous livrer les clefs de l’être. Notre raison est trop petite pour comprendre le réel absolu, et même notre imagination est trop étroite pour ne serait-ce qu’esquisser cette réalité profonde et vertigineuse, qui va bien au-delà des limites de ce qui est mentalement représentable.

 

Alors, devant ce constat d’impuissance conceptuelle, il nous reste l’intuition naïve, l’humilité, l’espoir, l’amour… et la poésie.

jeudi, juin 02, 2022

Perspective philosophique

 

Gilles Chambon, Perspective philosophique, huile sur toile 45 x 70 cm, 2022

La philosophie s’est construite en Grèce, au contact de la Méditerranée, des oliviers, des collines desséchées de soleil, et des femmes harmonieusement enveloppées dans leur chiton. C’est la beauté qui seule a procuré l’énergie nécessaire à l’esprit humain pour réfléchir au monde en s’affranchissant de toutes les peurs et de tous les tabous.

 

Ce tableau est perspective philosophique, dans la mesure où il révèle synchronistiquement la transformation miraculeuse du contexte méditerranéen antique en concepts abstraits et géométrie pure. Les collines en terrasse sont inspirées de Joseph Inguimberty (1896-1971), la géométrie de Georges Collignon (1923-2002), et les sculptures de Giorgio de Chirico (1888-1978).