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vendredi, novembre 27, 2020

Corps-à-corps, hommage à Gustave Courbet

 

Gilles Chambon, Corps-à-corps, hommage à Courbet, huile sur toile 80 x 80 cm, 2020

Ma façon synchronistique de rendre hommage à Courbet est très différente de celle de Yan Pei-Ming, et le titre de ma toile ne se réfère pas à l’exposition récente de ce peintre, conçue pour le bicentenaire de la naissance du maître d’Ornans.

 

Pour moi, Courbet le réaliste, qui rêve d’une peinture « démocratique », est avant tout un peintre de la matérialité, de la substance lourde, parfois sale. 

 

Il met amoureusement les mains dans le cambouis du réel, geste qu’il préfigure d’ailleurs avant de peindre, en enduisant ses toiles de goudron noir. Il est au corps-à-corps avec une humanité crue. Et pendant les dix dernières années de sa vie, il est aussi au corps-à-corps avec le paysage et ses caprices atmosphériques, accompagnant ainsi les impressionnistes dans leur découverte du réel in situ.

 

J’ai rapproché ici deux toiles de Courbet qui expriment chacune le corps-à-corps, mais dans des visions antithétiques et sexualisées à l’extrême :

 

-       D’abord l’empoignade violente de ses lutteurs (1853), dont la musculature bandée et les contorsions indiquent cette fraternité agressive de l’effort et de la sueur, qui signe la virilité dans ce qu’elle a de plus rude et ancestral.

 

-       Ensuite l’enlacement délicat et doux des deux amies (1866), qui s’abandonnent mollement au sommeil, laissant planer au-dessus d’elles les fantasmes érotiques liés à une féminité exacerbée (le commanditaire turc de ce tableau est le même qui commanda « l’origine du monde »).

 

Mes deux couples antagonistes sont transplantés sur un rivage, marqué lui aussi par le contraste : calme horizontal de la grève à marée basse, et mouvement déchaîné des nuages à l’approche de l’orage (interprété d’un tableau de Courbet et de son atelier – vente Sotheby’s du 23 juin 2011).

 

Le corps-à-corps, qui peut donc signifier tantôt la confrontation violente et le combat, tantôt l’abandon sensuel et l’étreinte amoureuse, est un moment essentiel et paroxystique des relations humaines, dont la « distanciation sociale » nous prive depuis bientôt une année. C’est peut-être ce manque qui m’a inconsciemment poussé à faire ce tableau.

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