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jeudi, octobre 22, 2015

Danse villageoise


Gilles Chambon, Danse villageoise, huile sur toile 45x55cm, 2015

J’ai imaginé cette « rhapsodie visuelle » sur des paroles de Francisco Goya et une musique de Paul Klee.

La métaphore musicale m’a été suggérée par Klee lui-même. En effet, le paysage de ma peinture se calque sur l’une des aquarelles que Paul Klee exécuta du paysage de St Germain près de Tunis, en 1914. « Klee utilisait alors des couleurs transparentes qu’il superposait. Sa peinture est composée d’éléments qui sont un peu comme des notes sur une portée musicale. Ces éléments se juxtaposent, se croisent, s’interpénètrent, se mélangent pour finalement composer un paysage. » (texte repris des éditions VisiMuz).


Le peintre était allé en Tunisie avec ses amis August Macke et Charles Moilliet en avril. « Ils y avaient été invités par un ami de Moilliet, le docteur Ernst Jäggi (1878-1941), qui possédait une maison de campagne à Saint-Germain, à cette époque un quartier européen au sud de Tunis, créé en 1909, et aujourd’hui appelé Ezzahra. Klee et Macke peignirent énormément. Ils avaient rencontré Robert Delaunay deux ans auparavant et avaient étudié ses théories sur la couleur (les couleurs remplacent les objets…). Leur expérience tunisienne leur permit de tester une manière nouvelle pour eux. Leur but était de mieux appréhender la couleur. Paul Klee écrivit dans son journal lors de leur visite de Kairouan : « La couleur me possède. Point n’est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède. Voilà le sens de ce moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre ».

Vue de Saint-Germain (1914), aquarelle sur papier, Columbus Museum of Art, Columbus.

Quant à la ronde du premier plan, elle est transposée à partir d’une petite gravure de la série des Disparates de Goya (1816-1823). Ces gravures m’ont toujours fasciné par la force de leur expressivité et par la liberté décalée, onirique, et quelque peu obscure de leurs compositions. 


Le « Disparate Joyeux » nous montre trois hommes et trois femmes qui dansent en rond, pantins aux sourires grimaçants et aux mouvements saccadés, comme envoûtés par une étrange mélodie inaudible (rappelons qu’à cette époque Goya était sourd). La musique intérieure de Goya est certes plus grinçante que celle de Klee, mais leur rencontre synchronistique engendre une mélodie visuelle nouvelle, qui marie consonances et dissonances, modérant la sérénité de Klee et redonnant un peu d’allégresse aux visions enfiévrées de Goya.

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