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dimanche, janvier 05, 2014

Rétrospective Pierre Huyghe à Beaubourg, une exposition qui décoiffe… Les chauves !



« Il est rarissime qu’un plasticien contemporain aussi exigeant provoque une émotion tellement unanime ; rare de voir les visiteurs errer durant deux heures dans l’espace plutôt restreint de la salle Sud ; exceptionnelle, enfin, cette communion des générations, bambins enchantés et retraités fascinés. » (Emmanuelle Lequeux, Le Monde 30/12/13).

Les journalistes spécialisés n’arrêtent pas de s’émerveiller de l’affluence de spectateurs à une exposition dont l’artiste, prisé dans les milieux branchés Art Contemporain et bardé de distinctions institutionnelles, n’avait jusqu’aujourd’hui aucune véritable aura médiatique. Mais dans notre monde complexe où les médias et les réseaux sociaux titillent la curiosité de tout un chacun, l’affluence ne signifie nullement adhésion. J’en veux pour preuve ma propre visite et celle de quelques personnes croisées dans l’exposition, qui avouaient ne rien comprendre, et qui se jetaient sur le catalogue dans l’espoir de ne pas mourir idiots. Pour cela d’ailleurs, il vaut mieux se reporter à quelques blogs comme ceux de Maxence Alcade ou de Lunettes Rouges.

Comme le note justement Emmanuelle Lequeux, « L’accrochage est ardu, sans concession, pas séduisant pour un sou »… Bref, l’expo n’est pas très sexy. On y retrouve en particulier quelques poncifs de l’AC : le tas de sable (rose), des manteaux de fourrure posés sur le sol ; les cimaises blanches récupérées de l’expo précédente (juste ce qu’il faut de négligé) et placées sans logique apparente, avec fenêtre découpée donnant à voir la coulisse/débarras ; le recours à la technologie pour produire la glace d’une patinoire et celle d’un tas de glaçons, et en même temps la critique de la technologie par des commandes lumineuses factices (à moins qu’elle aient été en panne lors de ma visite) ; l’intégration d’entités vivantes dans les œuvres (poissons, araignées de mer, bernard-l’ermite, abeilles, tortue) et dans la scénographie de l’installation (chien à patte rose, pauvre type affublé d’une tête d’aigle en peluche) ; des vidéos « engagées » donnant au demeurant une lecture insipide et théâtrale d’événements ayant marqués jadis l’actualité politique, où d’autres, esthétisantes, et parfois plus convaincantes, montrant la nature et les souvenirs exotiques de Pierre Huyghe …. Pas de quoi fouetter un chat, me direz-vous, et rien qui puisse expliquer une fréquentation si assidue du public.
Il y a bien quelques beautés étranges, comme ces aquariums mystérieux, dans l’un desquels flotte une énorme pierre ponce.

Mais à mon sens, la clef du succès vient des gadgets animaliers : dame ! Un lévrier à patte rose, une statue à tête de ruche éventrée, dénommée "Alive entities and inanimate things, made and not made", un bernard-l’ermite voyageant dans une tête de Brancusi, et de très élégants Stenorhynchus seticornis en provenance des Caraïbes, arpentant l’eau diaphane des aquariums et semblant aussi égarés et faméliques que le pauvre toutou à patte rose déambulant dans l’exposition.
J’y vois donc la confirmation que l’AC est avant tout un art du gadget, où les artistes s’amusent à brouiller les cartes pour que le concept remplace la compréhension, pour que le décryptage de l’intention artistique remplace la recherche d’un savoir nouveau ou d’une émotion inédite.
Si vous êtes sans repère artistique et sans imagination, peut-être l’expo de Pierre Huyghe vous transportera, et si vous êtes chauve, sûrement elle vous décoiffera !

Dépêchez-vous, l’expo ferme le 6 janvier

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