G. Chambon, Vue de St Emilion, huile sur carton toilé, 2013 |
Le village de Saint Émilion est
bâti à flan de coteau, dans une échancrure qui forme un petit cirque
s’ouvrant face au sud, sur la plaine de la Dordogne. Le charme de ce paysage
urbain imbriqué dans les vignes tient à son relief, à son histoire, à son
échelle en phase avec les terrasses cultivées, et au matériau de ses édifices, une
pierre blonde directement tirée des carrières de son sous-sol.
On est loin des grandes figures
monumentales de l’architecture classique. Ici l’histoire à laissé beaucoup de
fragments éparses, que le temps et l’usage ont finalement ressoudé dans un ensemble irrégulier. Paysage
pittoresque, que l’on peut aussi qualifier de fractal (voir mon étude « Lepaysage urbain dans la peinture au Moyen-âge et à la Renaissance, l’émergenced’une esthétique fractale »).
Il trouve son harmonie dans un désordre ordonné (op. cit.) :
« parallélisme des verticales,
rythmes des percements, hérissements des souches de cheminées, des pignons et
des clochetons, réseau des toitures en fines lamelles parallèles, mouchetis aléatoire des arbres
dépassant le mur des jardins, clivages d'ombres s'écoulant en fonction du
relief et des rues invisibles. Il s'agit bien là de qualités de type fractal :
l'organisation n'y apparaît pas comme une forme globale, mais plutôt comme une
caractéristique de texture,
comme un emboîtement de systèmes réticulés, souples, définissant le type et la
densité du paysage d'un lieu particulier, mais pouvant admettre une infinité de
variations aléatoires sans en modifier le contenu esthétique. On est, avec
cette esthétique fractale, à l'exact opposé de l'esthétique géométrique
Albertienne dans laquelle "la beaulté est une convenance raisonnable
(concinnitas) gardée en toutes les parties pour l'effect à quoy on les veut
appliquez, si bien que l'on y
scauroit rien ajouter, diminuer ou rechanger sans faire merveilleux tord à
l'ouvrage" (Alberti, De Re Aedificatoria, traduction de Jan
Martin, Paris, 1553) ».