Gilles Chambon, Anne au bain, huile sur toile, 1989 |
Le très beau et très intéressant livre de Pascal Bonafoux, paru en octobre dernier, qui analyse cinq cents ans de représentation picturale des femmes à leur toilette (Indiscrétion, femmes à la toilette, édition du Seuil), part de la peinture comme métaphore du désir, mais d’un désir-pour-le-désir, un désir dont l’assouvissement n’est pas vraiment envisagé. Il rappelle que dans le premier traité occidental sur la peinture (De Pictura, 1436), Aberti attribue l’invention de cet art à Narcisse. C’est-à-dire a un être qui tomba amoureux, à travers sa propre image reflétée dans le miroir parfait d’une source, de sa réalité inaccessible.
Reprenant à son compte la phrase d’Edgar Degas «je veux regarder par le trou de la serrure», Bonafoux se pose donc en voyeur : le peintre, comme le spectateur de ces tableaux de toilette très privée, regardent toujours à la dérobée, s’invitant comme par une intrusion dans les coulisses de la séduction féminine.
Mais ne nous y trompons pas, P. Bonafoux, pas plus que les amateurs de peinture et les peintres eux-mêmes, ne confondent le réel et le représenté. Dina Vierny, qui fut le modèle de Maillol et posa occasionnellement pour Bonnard, rappelle que le peintre « regarde exactement la femme qui pose comme il regarde un vase… ». Si l’érotique du corps féminin et le plaisir de la peinture ont bien partie liée (voir mon article Erotique et esthétique), c’est à travers une distanciation, nécessaire d’ailleurs à toute émotion esthétique. « Ces femmes à la toilette n’ont rien à nous vendre, écrit Pascal Bonafoux, elles sont là pour redonner du sens à notre regard. »
Dans ce livre, il y a très peu de peintures contemporaines (Susanne Hay, Safet Zec), non par volonté de ne pas les prendre en compte, mais parce que rares sont aujourd’hui les peintres qui perpétuent la relation entre sensualité féminine et émotion artistique. Bonafoux déclarait d’ailleurs à une émission sur France Inter « On est tombé depuis quelques années […] dans les truismes les plus absurdes et les plus inconvenants, les plus indécents, d’un art contemporain qui est affligeant, pour la plupart des productions qu’il peut y avoir actuellement […] et donc j’admire, je vénère, j’ai un plaisir fou à retrouver les œuvres de ces peintres qui continuent désespérément, en dépit du mépris que même les institutions peuvent avoir à leur égard, à peindre. […] Ils ont ce rôle de dissidence qui est d’autant plus important à tenir aujourd’hui qu’on a affaire à un marché de l’art contemporain qui est devenu […] tout simplement uniquement soumis à la spéculation, ce qui est intolérable ! »
« Anne au bain » (peinture qui n’est plus vraiment contemporaine puisque je l’ai réalisée il y a vingt-quatre ans), aurait peut-être pu trouver sa place dans le livre de Bonafoux ?... Si tant est que l’auteur eût connu mon travail et qu’il lui eût trouvé quelque intérêt !
Elle est à la fois une image volée « par le trou de la serrure » (j’ai composée la toile en m’inspirant d’une photo noir et blanc que j’avais prise de ma femme à la dérobée, lors de vacances en Grèce), et une mise en scène picturale distanciée, se souvenant de la leçon des grands maîtres que furent Bonnard et Degas.
Mais ne nous y trompons pas, P. Bonafoux, pas plus que les amateurs de peinture et les peintres eux-mêmes, ne confondent le réel et le représenté. Dina Vierny, qui fut le modèle de Maillol et posa occasionnellement pour Bonnard, rappelle que le peintre « regarde exactement la femme qui pose comme il regarde un vase… ». Si l’érotique du corps féminin et le plaisir de la peinture ont bien partie liée (voir mon article Erotique et esthétique), c’est à travers une distanciation, nécessaire d’ailleurs à toute émotion esthétique. « Ces femmes à la toilette n’ont rien à nous vendre, écrit Pascal Bonafoux, elles sont là pour redonner du sens à notre regard. »
Dans ce livre, il y a très peu de peintures contemporaines (Susanne Hay, Safet Zec), non par volonté de ne pas les prendre en compte, mais parce que rares sont aujourd’hui les peintres qui perpétuent la relation entre sensualité féminine et émotion artistique. Bonafoux déclarait d’ailleurs à une émission sur France Inter « On est tombé depuis quelques années […] dans les truismes les plus absurdes et les plus inconvenants, les plus indécents, d’un art contemporain qui est affligeant, pour la plupart des productions qu’il peut y avoir actuellement […] et donc j’admire, je vénère, j’ai un plaisir fou à retrouver les œuvres de ces peintres qui continuent désespérément, en dépit du mépris que même les institutions peuvent avoir à leur égard, à peindre. […] Ils ont ce rôle de dissidence qui est d’autant plus important à tenir aujourd’hui qu’on a affaire à un marché de l’art contemporain qui est devenu […] tout simplement uniquement soumis à la spéculation, ce qui est intolérable ! »
« Anne au bain » (peinture qui n’est plus vraiment contemporaine puisque je l’ai réalisée il y a vingt-quatre ans), aurait peut-être pu trouver sa place dans le livre de Bonafoux ?... Si tant est que l’auteur eût connu mon travail et qu’il lui eût trouvé quelque intérêt !
Elle est à la fois une image volée « par le trou de la serrure » (j’ai composée la toile en m’inspirant d’une photo noir et blanc que j’avais prise de ma femme à la dérobée, lors de vacances en Grèce), et une mise en scène picturale distanciée, se souvenant de la leçon des grands maîtres que furent Bonnard et Degas.
Pierre Bonnard, Nu au miroir, 1931, Galleria d'Arte Moderna, Venise |
Edgar Degas, Bain du matin, 1883, Pastel sur papier, Art Institute of Chicago |
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