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samedi, décembre 29, 2012

La transparence des arbres (l’arbre solitaire)



Claude Monet,  « Antibes », 1888, Courtauld Institute Galleries, Londres

L’arbre, depuis l’origine, a été un élément essentiel de la peinture de paysage. On peut même dire qu’il en est le protagoniste principal. Et hors la symphonie des forêts, l’arbre solitaire a souvent été pour les peintres un sujet à part entière. La dynamique tendue ou tortueuse du tronc, le jaillissement léger ou enveloppant des branchages, le feuillage dense et compact, porteur d’ombres profondes, ou fin comme une dentelle tamisant la lumière ; le chatoiement mobile des verts, des jaunes des bleus, et des bruns ; la matière morcelée et croûteuse ou lisse et fendue de l’écorce. Autant de jeux plastiques et de systèmes géométriques qui font de l’arbre un modèle idéal pour mesurer son pinceau aux forces naturelles.

Li-Cheng, au Xe siècle est sans doute un des premiers à avoir tenté de faire des arbres qui ne soient plus des figures anonyme ou stylisées,  mais de véritables portraits.
 
Peintures attribuées à Li-Cheng, actif à yingjiu, province du Shandong vers 960-990

En occident, il a fallu attendre beaucoup plus longtemps pour qu’émerge chez les artistes ce désir d’apprendre à percer la beauté intime des formes naturelles. C’est en Allemagne qu’émergea d’abord l’intérêt pictural pour l’arbre : Albrecht Dürer, cinq cents ans après Li-Cheng, donna aux arbres isolés leurs premières lettres de noblesse ; en témoignent deux petites gouaches, d’un superbe tilleul et un sapin, sans doute exécutées sur le motif.
Albrecht Dürer, « Tilleul », C. 1493-94, Musée Boymans-van Beuningen, Rotterdam ; « Sapin », 1495, British Museum, Londres
Albrecht Altdorfer, « Paysage avec bûcheron », c. 1522, Kupferstichkabinett, Berlin    
Au début du XVIe siècle, donc quelques décennies après, les compatriotes de Dürer, Hans Leu le Jeune, et Albrecht Altdorfer, fondateur de la peinture de paysage, exécutèrent aussi de petites peintures d’arbres sur papier, dans le même esprit naturaliste.
Hans Leu le Jeune, « Arbre », avant 1510, Staatliche Galerie, Dessau    



Un siècle après, le graveur et peintre néerlandais Hercule Seghers produisit aussi un étonnant portrait d’arbre, d’aspect très étrange et très moderne. Négligeant les détails pittoresques, il se concentre sur l’essence graphique du végétal, se rapprochant en cela de l’art paysagiste extrême oriental.
 

Hercules Segers. « Arbre moussu », c. 1620-30, gravure sur papier coloré, Rijksprentenkabinet, Amsterdam



Mais l’arbre singulier a aussi une charge symbolique très forte dans la tradition occidentale : n’oublions pas que dans la Bible, l’arbre primordial, planté au milieu du paradis terrestre, est « l’arbre de vie » ; il est accompagné du mystérieux « arbre de la connaissance du bien et du mal », dont Yahvé avait interdit les fruits à Adam et Eve (cet arbre a été assimilé à un pommier, malus en latin, rapproché de malum, qui signifie le mal).
 

Adam, Eve, et le serpent dans l’arbre de la connaissance du bien et du mal au jardin d’Eden, enluminure du Beatus de l’Escorial, Xe siècle



Comme on sait, le couple primordial ne respecta pas le commandement divin et fut banni, entraînant à sa suite la chute de toute l’humanité. Aucun homme ne put donc goûter le fruit de l’arbre de vie, qui rend immortel. Ainsi dans la mythologie judéo-chrétienne, le paradigme des arbres est un axe séparant le bien du mal, mais aussi un axe de vie et de mort. N’est-il donc pas alors en soi une représentation du Divin ?
Pendant la longue période protohistorique, le culte des arbres était presque universellement répandu. Les sanctuaires grecs où officiait un oracle en ont gardé longtemps le souvenir. Les arbres sacrés étaient adorés comme sièges de la divinité ; dans son « Rameau d’Or » : James Frazer note que « Le culte du chêne ou du dieu du chêne paraît avoir été pratiqué par toutes les branches de la race aryenne en Europe. Les Grecs, comme les Italiens, associaient l’arbre au nom du premier de leurs dieux, Zeus ou Jupiter, la divinité du ciel, de la pluie, et du tonnerre. Le plus ancien peut-être, et certainement l’un des plus fameux des sanctuaires de la Grèce était celui de Dodone, où Zeus était adoré dans le chêne oraculaire ». À Delphes, nous dit Ovide dans « Les métamorphoses », « L’Arbre Sacré d’Apollon était le laurier Daphnis, sorti de terre à l’endroit où la nymphe Daphné, fille de Gaïa fut engloutie, poursuivie par Apollon... ». Ailleurs en Europe on adorait d’autres arbres, comme le hêtre, l’aulne, le houx, et beaucoup d’autres essences (voir à ce sujet Robert Graves, Les Mythes celtes).


Ce symbolisme profondément ancré dans l’imaginaire européen a ressurgi à l’aube du XXe siècle, qui allait être un siècle de connaissance, de vie et de mort, à grande échelle. Et bien que les peintres se soient libérés de la tradition religieuse et aient délaissé le thème du paradis terrestre, ils n’en ont pas moins retrouvé dans leur travail cette éternelle symbolique de l’arbre de vie et de l’arbre de mort.

Klimt, qui fut le peintre jubilatoire de la vie bourgeoise exubérante d’avant 1914, est celui à qui revint la tâche de réactualiser l’arbre de vie, ce qu’il fit dans son esquisse pour la grande fresque du palais Stoclet ; un arbre de vie plein d’or et de volutes, joyeusement libéré des contraintes du naturalisme, un arbre stylisé, décoratif, réalisant une heureuse synthèse entre la naïveté de la tradition picturale médiévale, la tension graphique presque abstraite des surfaces, des motifs et des couleurs propre à la tradition japonaise, et l’inventivité expressive de l’Art Nouveau.


Gustav Klimt, « L’arbre de vie », esquisse pour la fresque du palais Stoclet, musée de Arts Appliqués de Vienne

On a débattu sur le symbolisme des personnages qui encadrent l’arbre, une femme à gauche (l’attente) et un couple enlacé à droite (l’accomplissement) ; ce qu’il faut peut-être retenir est cette ressemblance avec un arbre généalogique, indiquant que le mythe de la vie éternelle se résout dans le cycle des générations, dans lequel évidemment la femme joue le rôle prépondérant.

Piet Mondrian s’intéressa aussi aux arbres, et comme Klimt, se libéra assez tôt des contraintes du naturalisme. Mais à la force génésique qui conduisit le peintre viennois à imaginer un arbre fait de volutes décoratives, Piet Mondrian substitua une force spirituelle puritaine, antithétique, qui le poussa à vider les arbres de leur sève pour n’en garder que la charpente morte, dessinée en noir ou gris. Se rapprochant des cubistes, il finit, en 1912, par oublier l’arbre dans l’arbre, pour découvrir une sorte de géométrie désincarnée. 
 
Piet Mondrian, « L'arbre rouge », 1909, Gemeentemuseum, La Haye    

Piet Mondrian, « L'arbre gris », 1912, Gemeentemuseum, La Haye

Piet Mondrian, « L’arbre A », 1913, Tate Gallery, Londres



Il avait « éliminé de sa peinture le tragique de tout ce qui a trait à la nature », selon ses propres mots. Sa quête de pureté spirituelle à travers la peinture (celle du mouvement De Stijl), faite de lignes droites et de rectangles de couleurs primaires, refermait sa plastique picturale sur un jeu formel dont les règles axiologiques simplistes le conduisirent à une beauté froide et répétitive, vidée de sens, une beauté abstraite qui n’était plus qu’une sorte de fantôme de beauté. Ses arbres sans fruit et sans sève ne seraient-ils pas alors un calcul inconscient, dans l’esprit de ce fils de pasteur, pour réinventer, à travers sa peinture, un arbre de la connaissance du bien et du mal  que l’on pourrait enfin approcher parce qu’il serait exempt de fruits, et donc exempt de tentations ?

Vers le milieu du siècle, Dali et Magritte, que l’on peut qualifier respectivement d’inventeur et de vulgarisateur de la poésie picturale surréaliste, ont produit de nouvelles variantes de l’arbre symbolique :

Après la seconde guerre mondiale, en 1947, le maître de Cadaquès peint Les trois sphinx de Bikini, tableau qui fait explicitement référence aux essais nucléaires commencés l’année précédente sur l’atoll du pacifique, essais qui allaient durer plus de 10 ans, rendant définitivement la vie impossible dans cet avatar du jardin d’Eden (en 2010, l'atoll de Bikini a été classé sur la liste du patrimoine mondial en tant que « symbole de l'entrée dans l'âge nucléaire » de l'Humanité).

Salvador Dali, « Les trois sphinx de Bikini », 1947, Collection privée

Le tableau de Dali montre trois répliques (au sens des répliques d’un séisme) du gigantesque arbre de mort contemporain qu’est le champignon atomique ; elles ont la forme de deux têtes identiques vues de dos, sur lesquelles la chevelure blanche est à la fois cervelle et nuage ; entre les deux, la troisième tête est en fait un arbre… Mais un arbre dont le tronc est en train de disparaître. Dialectiques de l’apparition et de la disparition, du mou et du dur, du dehors et du dedans, du microcosme et du macrocosme, de la lumière et de l’ombre, de l’angélique et du démoniaque de l’intelligence et de la folie… Tout cet univers d’ambivalences et de métamorphoses propre à Dali se lit dans ce tableau-sphinx.

L’autre arbre remarquable du XXe siècle que j’ai souhaité retenir, est dû à Magritte, qui le peignit en deux versions ; d’abord en 1957, puis en 1959. Le premier tableau s’appelle « 16 septembre », et représente un grand arbre à la sombre frondaison, au milieu de laquelle brille le croissant de lune, qu’elle devrait normalement masquer. L’arbre apparaît alors comme transparence et opacité, de même que le titre du tableau, qui est insignifiant pour les uns, et crypté pour les autres. La lune qui s’accroche aux branches évoque aussi le fruit antique de l’arbre du bien et du mal, dont le symbolisme est transparent ou opaque, selon le point de vue à partir duquel on le considère.

René Magritte, « 16 septembre », 1956, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique
René Magritte, « Arbre», 1959, musée d’Art Moderne, Vienne    

L’autre variante de 1959, reprend à peu près la même mise en scène basique d’un grand arbre au milieu d’une plaine, et s’appelle tout simplement « L’arbre ». Ici plus de dialectique transparence / opacité, mais, selon le principe dalinien des personnages à « tiroirs secrets » d’où s’échappent « d’innombrables odeurs narcissiques » (Dali), trois placards apparaissent dans le tronc ; le premier reste fermé, le deuxième contient une boule blanche, et le troisième une petite maison aux fenêtres éclairées… Pourquoi ? La symbolique reste bien mystérieuse…
Mais c’est peut-être simplement cela qui est signifié par Magritte : l’arbre recèle des secrets, cachés derrière son écorce ; et quand on croit les découvrir en ouvrant une porte, on se retrouve face à une énigme nouvelle. Un peu comme le psychanalyste face aux « tiroirs » du conscient, du subconscient et de l’inconscient, introduits par Freud pour décrire le fonctionnement de l’esprit humain.


Du XXIe siècle, qui ne fait que commencer, je retiendrai seulement une illustration de la Divine Comédie de Dante, petite aquarelle de Barceló, qui représente un supplicié au purgatoire, « exhalant haine et colère » (chant XVII). Par la transformation de ses bras en rameaux verdissants, l’artiste catalan a sans doute voulu suggérer la rédemption en train de s’opérer, puisque le purgatoire est le lieu du rachat des fautes par la peine.
Miquel Barceló, Illustration pour La Divine Comédie de Dante Alighieri, Le Purgatoire, 2000-02 

La métamorphose de personnages en arbres est courante dans la mythologie gréco-romaine (elle tient une place importante notamment dans les métamorphoses d’Ovide) : Daphné se change en laurier pour échapper aux assiduités d’Apollon ; Myrrha, l’incestueuse fille du roi de Chypre, est transformée en balsamier avant d’accoucher, par la fente de son écorce, de son fils Adonis. 


Myrrha transformée en arbre accouchant d’Attis, in « La Métamorphose d'Ovide figurée », illustrations de Bernard Salomon, 1557, Lyon

Ciparissus « le plus beau des enfants de Cos », se métamorphose en cyprès, par déréliction, suite à son tir malheureux qui tua son ami le cerf (c’est pourquoi le cyprès est devenu symbole de deuil). Ainsi la transformation en arbre semble libérer l’âme des passions humaines et de leur cortège de souffrances. La vie solide, longue et immobile qu’il représente, est une transposition de l’éternelle sérénité espérée par certains après la mort. L’arbre premier est un arbre-de-vie-après-la-mort. Et le squelette-arbre qu’a esquissé Barceló pour illustrer Dante, montre la permanence de cette symbolique dans notre imaginaire collectif contemporain.

 

samedi, décembre 01, 2012

Le paradis terrestre illustré par Maerten de Vos

Parmi les peintres maniéristes flamands de la seconde moitié du XVIe siècle, Maerten de Vos, artiste anversois, occupe une place particulière : il est aujourd’hui d’abord connu comme peintre d’histoire ayant adopté la cause de la contre-réforme malgré son premier ancrage dans la religion protestante.
Elève de Frans Floris et ayant fait, entre 1552 et 1556 le voyage d’Italie, sans doute en compagnie de Pieter Bruegel, il peint des compositions narratives très denses et très structurées, riches en détails. La couleur chatoyante et précieuse (peut-être un souvenir de son hypothétique passage à Venise dans l’atelier du Tintoret), contribue à organiser une symphonie d’attitudes, à la fois élégantes et stéréotypées, où les scènes semblent être discrètement mimées, plutôt que surjouées, comme elles le sont généralement chez les peintres maniéristes. Il a aussi une façon particulière de faire ressortir les muscles et les plis des costumes, accusant la blancheur des bombés et amincissant les lignes d’ombre, toujours très colorées, ce qui accentue le caractère graphique.

Maerten de Vos, David et Abigail, huile sur panneau, Musée des Beaux-Arts de Rouen

Mais l’aspect le plus important de son travail, même s’il n’est pas très connu, est son extraordinaire production de dessins destinés à l’estampe, soit en vue de l’illustration de livres, soit simplement pour servir de cartons à toutes sortes d’objets d’art, depuis la vaisselle (Bernard Palissy a utilisé des compositions de M. de Vos), jusqu’à la tapisserie. Karel van Mander, dans son célèbre « Livre des peintres » (1604), dit de lui que «Les nombreuses estampes que divers graveurs ont exécutées d’après ses dessins nous montrent surabondamment sa facilité de composition, son adresse à grouper les figures, en un mot son génie. Ces planches sont en tel nombre qu’on peut dire que Martin de Vos égale, s’il ne surpasse en fécondité, l’autre Martin, je veux dire Martin Heemskerck. »

Il fit en particulier de nombreuses séries : « Les sept merveilles du monde », « les cinq sens », « les douze mois », « les vents », « les planètes », etc… Il illustra aussi abondamment la bible.

Maerten de Vos, L'odorat, encre brune et lavis brun, Collection de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris


Je m’intéresserai ici à une série d’illustrations de la Genèse, représentant le paradis terrestre.

Ce sont de petites images rondes, montrant les étapes de « la chute de l’homme ». Cinq ont été gravées par  Philippe Galle (on en trouve un exemplaire dans les collections du British Museum). 

Série de gravures "La chute de l'Homme", gravée par Ph. Galle, d'après des dessins de Maerten de Vos, collection British Museum


Cinq autres ont été gravées par Nicolas de Bruyn (exemplaires dans les collections du Rijksmuseum d’Amsterdam ; j’ai rajouté une sixième image, du même ensemble, ayant trait à la création des animaux). 

Série de gravures "La chute de l'Homme", gravée par Nicolas de Bruyn, d'après des dessins de Maerten de Vos, collection Rijksmuseum
Ces dernières sont plus intéressantes, par leur scénographie synthétique et néanmoins détaillée, montrant en particulier les animaux de la création. A la fin du XVIe et au XVIIe siècle, les représentations animalières dans le cadre d’un paradis terrestre de plus en plus exotique vont devenir une spécialité des peintres flamands (surtout Roelandt Savery, qui avait étudié les animaux exotiques à la cour de Rodolphe II, et Jan I Bruegel). Chez M. de Vos, bien que les dessins soient très petits, on dénombre pas moins de vingt cinq espèces, dont il faut savoir que toutes sont associées à une ou plusieurs significations symboliques, perceptibles pour le public cultivé de l’époque.

En vrac, nous découvrons, outre l’incontournable serpent, acteur de la chute, et les oiseaux volant dans le ciel dont on ne peut déterminer l’espèce, les animaux familiers que sont les chien, lapin, renard, cerf, chèvre, mouton, vache, cheval, sanglier, ours, dindon, cygne, héron, paon ; et presque autant d’animaux exotiques : autruche, girafe, chameau, lion, léopard, singe, éléphant, rhinocéros, porc-épic. Enfin deux espèces imaginaires, mais parlant à toutes les imaginations : la licorne et le griffon.

Rappelons quelques symboles : le mouton et le cerf sont associés au Christ, le léopard à la concupiscence, le lapin à l’acte de chair, la chèvre aux fidèles chrétiens, le porc-épic au courage, le lion à la force et à la royauté, etc..

Il existe une autre image ronde sur le même thème, encore plus petite (85mm de diamètre), gravée par Jean Théodore de Bry, qui surpasse toutes les autres en qualité : Dieu, symbolisé par les lettres hébraïques yod, hé vau, hé, s’adresse à Adam et Eve pour les mettre en garde ; ils sont dans une attitude déférente et respectueuse, légèrement craintive, les mains jointes (on découvre aussi au premier plan une tortue, un lézard, et une grenouille).

Dieu parle à Adam et Eve, gravure (contre-épreuve et restitution de l'épreuve) de Jean Théodore de Bry d'après un dessin de Maerten de Vos

Cette gravure unique, conservée au Rijksmuseum, est mystérieuse : c’est une contre-épreuve (le texte est à l’envers*), nous ne connaissons pas sa provenance, ni s’il y a d’autres gravures qui lui sont associées.

* Il s'agit peut-être d'un tirage définitif; en effet, dans une autre série de M. de Vos sur le thème de "L'histoire de Jonas", gravée au burin par Crispin de Passe le Vieux, les textes sont aussi restitués à l'envers. L'utilisation de l'écriture spéculaire avait sans doute alors une raison, mais je ne la connais pas.
Mise à jour Décembre 2014 et déc 1016 : j'ai retrouvé récemment, également dans les collections du Rijksmuseum , la gravure de Johann Sadeler faite d'après Maerten de Vos (format 197mm x 248mm; la mention D figuravit en bas à droite désigne Maerten de Vos - voir François Brulliot "Dictionnaire des monogrammes, marques figurées, lettres initiales ...," Volume 2, p.69), qui est à l'origine de la petite gravure de J-Th de Bry, et qui a donc servi de modèle direct pour le tableau dont il est question ci-après (notons que le singe et le renard en bas à droite sont empruntés à Marcus Gheeraerts, illustration du "De Warachtighe Fabulen" - Bruges 1567).
Dieu bénit Adam, Eve et les animaux, Johann Sadeler (I), d'après Maerten de Vos, ca.1587

Un grand tableau de bonne facture, vendu il y a peu de temps à Drouot, attribué à Jan Soens, et titré par erreur « Adam et Eve chassés du paradis », est la reprise de la gravure « Dieu bénit Adam, Eve, et les animaux » faite d’après un dessin de Maerten de Vos. Sur la toile au premier plan, un escargot vient compléter le bestiaire.

Dieu s'adressant à Adam et Eve, entourage de Maerten de Vos (Jan Soens ou Tobias Verhaecht), 98x108cm, collection privée

Sur cette peinture, Dieu est représenté en vieillard, comme sur la gravure du même thème de la série de Nicolas de Bruyn. Le tableau faisant 0,98m x 1,08m, il a été fait non à partir de la gravure ronde de 0,085m de diamètre, mais d'après la gravure de Sadeler, légèrement rognée sur les côtés; il pourrait être de Jans Soens, qui travaillait beaucoup d'après gravures; il en possédait 1077 à sa mort en 1611. Et cette toile est à rapprocher des six peintures de la Galleria Nazionale de Parme, exécutées par Soens entre 1580 et 1586, et qui traitent l'histoire d'Adam et Eve; leur format moyen de 112cm x 108cm, ainsi que leur réalisation sur toile, les rapprochent de notre tableau ; voir image ci-dessous. 



La facture, qui n'est en tout cas pas celle de Maerten de Vos, pourrait aussi être celle de son jeune collègue Tobias Verhaecht (on peut comparer le tableau étudié au Châtiment de Niobé, - image ci-dessous - attribué à Verhaecht - musée des Beaux-Arts de Valenciennes). Le tableau serait en tout cas issu d’un cercle proche de Tobias Verhaecht ou de Gillis van Coninxloo, le travail des couleurs et des lumières s'y apparentant. Tobias Verhaecht a notamment travaillé sous la direction de Maerten de Vos en 1593-1594 pour les décors de "La joyeuse entrée" à Anvers de l'archiduc Ernest d'Autriche. (texte complété et mis à jour en mai 2013, et réactualisé en décembre 2014).
 
Châtiment de Niobé, Tobias Verhaecht - musée des Beaux-Arts de Valenciennes
Gillis van Coninxloo, peintre de paysages réputé à Anvers, a un style et les scénographies qui ont été très diffusées par son atelier et sont assez proches de ceux du tableau étudié. (mise à jour décembre 2014)
Cercle de Gillis van Coninxloo, paysage forestier
Mise à Jour avril 2016 :
Dans une vente au Dorotheum de Vienne, le 19 avril, on retrouve aussi, dans une belle série de six grandes peintures sur cuivre (72 x 93 cm) représentant des scènes de la vie d'Adam et Eve, une réinterprétation de la gravure de Sadeler sur le dessin de Maerten de Vos. La scène de la création d'Eve et celle représentant Adam travaillant la terre après la chute viennent également de deux autres gravures de Sadeler / Maerten de Vos. La série est attribuée à Jan Bruegel le Jeune.

Jan Bruegel le Jeune (attr), scènes de la Genèse, huiles sur cuivre 72x93cm chacune
 
Jan II Bruegel, Adam et Eve au jardin d'Eden (Genèse, 2-23), huile sur cuivre 72x93 cm)
Mise à jour juillet 2017 : la composition de Maerten de Vos a aussi été reprise dans une gravure sur bois de Christoffel van Sichem, pour l'illustration d'une bible :