L’homme de la Renaissance, en redécouvrant la culture antique, s’ouvre à la philosophie platonicienne, recherche les lois de la nature derrière la science des nombres, et aspire à la vérité de la représentation ; celle du corps humain dont il étudie l’anatomie sur des cadavres, malgré l’interdit de l’église, et celle de la scène architecturale, qu’il recrée avec exactitude grâce à la construction de la perspective mathématique. En quelque sorte, il ne craint plus de prendre du champ par rapport aux vérités dogmatiques enseignées par le clergé, quitte à transgresser certains commandements jugés trop restrictifs et obscurantistes face à la lumière de la connaissance antique.
On a alors le sentiment que l’art de la Renaissance rejoue le mythe du péché originel, lorsque l’homme goutta au fruit défendu de l’arbre de connaissance du bien et du mal, transgressant le commandement divin et enclenchant la marche de l’histoire, avec son cortège de malheurs, de progrès, et d’espoirs.
C’est peut-être pourquoi les représentations de cette scène biblique ont été si populaires et se sont à ce point multipliées, de la fin du XVe siècle au milieu du XVIIe siècle.
On a alors le sentiment que l’art de la Renaissance rejoue le mythe du péché originel, lorsque l’homme goutta au fruit défendu de l’arbre de connaissance du bien et du mal, transgressant le commandement divin et enclenchant la marche de l’histoire, avec son cortège de malheurs, de progrès, et d’espoirs.
C’est peut-être pourquoi les représentations de cette scène biblique ont été si populaires et se sont à ce point multipliées, de la fin du XVe siècle au milieu du XVIIe siècle.
Adam et Eve, gravure de Cornelius Galle (conservée au Rijksmuseum d'Amsterdam), d'après un tableau - ou un dessin - de Giovanni Battista Paggi, entre 1587 et 1612 |
Dans la plupart de ces représentations, l’arbre de la connaissance du bien et du mal (qui est un pommier = malus en latin) est au centre, Adam et Eve sont nus à son pied, entourés d’animaux représentant les différents ordres de la création : fauve, cerf, oiseau, lapin, etc… mais la représentation du jardin d’Eden est aussi le moyen de montrer les progrès accomplis dans la connaissance de la nature et des espèces qui la peuplent.
Bien sûr il y a toujours aussi un animal particulier, le serpent, figure du démon qui s’enroule dans l’arbre de la connaissance et convainc Eve de manger les fruits défendus et d’en donner à Adam. À la fois répulsif et mystérieux, il est symbole d’énergie libidinale, et donc de désir et de tentation. On a le sentiment que derrière l’image pieuse d’Adam et Eve cueillant la pomme, il y a aussi une invitation aux plaisirs charnels et une sorte d’apologie de la beauté des corps, que les artistes avaient découverte dans la statuaire antique, et largement représentée depuis la fin du XVe siècle dans les scènes mythologiques comme la naissance de Vénus, Psyché et Cupidon, Diane et ses nymphes à leur toilette, Mars et Venus, le jugement de Pâris (où l’on retrouve aussi la pomme), les bacchanales, et autres festins des dieux… D’ailleurs entre les scènes de la mythologie gréco-romaine et la représentation d’Adam et Eve au jardin d’Eden, les anatomies et leurs chorégraphies se croisent souvent.
Dans la représentation ci-dessus, gravée par Cornélis Galle vers 1600 à partir d’une peinture originale (aujourd’hui perdue) de son ami le peintre génois maniériste Giovanni Battista Paggi, Adam et Eve nous livrent une chorégraphie particulière :
Eve, main gauche levée vers la frondaison, semble mimer la courbure du tronc de l’arbre, et s’identifier à lui, tandis qu’Adam, à demi allongé par terre, s’appuie au sol de sa main droite ; leurs deux autres mains s’unissent autour la pomme (que les feuilles associent clairement au sexe de l’homme, tout en servant de subterfuge pour le masquer). Le couple qu’ils forment ainsi relie le ciel et la terre, un peu comme dans le geste de la parousie, où la main droite du Christ prend les grâces au ciel et de la main gauche baissée, les verse sur la terre. Mais ici les choses sont inversées, indiquant la chute : c’est la main gauche de la femme qui pointe vers le haut (où se love le serpent) et la main droite de l’homme qui est dirigée vers la terre.
On voit aussi au premier plan, une panthère du côté d’Eve, animal au pelage couvert d’ocelles qui symbolise la concupiscence des yeux, et un lapin se désaltérant du côté d’Adam, qui est une claire allusion à l’acte de chair. En arrière plan, d’autres animaux évoquent, comme il se doit, la rédemption à venir : l’aigle d’abord, emblème du Christ conducteur des âmes vers Dieu, à côté duquel paît un mouton (l’agneau de Dieu). Puis une chèvre, incarnant dans la symbolique traditionnelle les fidèles chrétiens ; à sa droite un dromadaire, pouvant symboliser la soumission des infidèles. À côté, un cerf, qui est aussi un symbole du Sauveur (parce que cet animal était réputé pour sa haine du serpent), et enfin une autruche, emblème du retour vers Dieu de l’homme égaré. On voit aussi, en tout petit et à demi caché par l’arbre, un porc-épic, qui était symbole de courage.
Il existe (ci-dessous) une copie simplifiée du tableau disparu, sans doute faite à partir de la gravure, due soit à un peintre flamand, soit à l’atelier de Giovanni Battista Paggi lui-même.
Adam et Eve, huile sur toile, 1er quart du XVIIe s., suiveur de Giovanni Battista Paggi, Collection privée |
Mise à jour mars 2017 : il existe aussi à la Galerie Borghese de Rome une peinture attribuée à Rutilio Manetti (1571-1639) et datée de 1612-13, représentant Andromède libérée par Persée, qui semble très inspirée du tableau de Giovanni Battista Paggi :
La scénographie des personnages du peintre génois est aussi reprise dans un curieux tableau un peu naïf du musée de Flandre de Cassel, dans lequel l’artiste a composé un paradis terrestre en associant une gravure de Nicolas de Bruyn représentant Orphée charmant les animaux, avec notre gravure de Cornelis Galle représentant Adam et Eve.
Le paradis terrestre, anonyme, école flamande XVIIe s., Cassel, musée de Flandre |
Orphée charmant les animaux, gravure de Nicolas de Bruyn, XVIIe s.
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Un autre petit tableau sur bois qui vient d'être vendu à Amsterdam (nov 2012) reprend aussi la gravure de Cornelius Galle, mais à l'envers.
Une toile de grandes dimensions (134x100cm), vendue à Milan en 2008, attribuée à l'entourage d'Hendrick Goltzius, est une version la plus fidèle à la gravure; de même une autre, plus petite, de 47,5 x 31cm, attribuée à l'entourage de Jan Soens, est visible sur Arnet. Mais il est probable que Paggi n'ait jamais réalisé qu'un simple dessin pour l'édition d'une gravure, gravure ensuite utilisée par plusieurs peintres, italiens ou flamands.
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