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samedi, mars 06, 2010

Quelles peintures pour suspendre à nos murs ?

Hubert Robert, Projet d'aménagement de la Grande Galerie du Louvre, musée du Louvre
Dans les musées, mais aussi dans les appartements, on accroche toujours des images sur les murs. Cela va de l’affiche à la peinture encadrée, en passant par les photographies, les dessins, gravures et estampes de toute nature.

Eduard Gaertner, Appartement du Prince Wilhelm, Schlossmuseum, Darmstadt


Pourquoi la plupart des gens, aujourd’hui comme hier, ressentent-ils le besoin de s’entourer ainsi d’images ? Tradition décorative occidentale anti-zen ? Fétichisme des objets ou des représentations chargées de significations diverses ? Amour de l’art et désir de possession du collectionneur ? Mise en scène de notre vie quotidienne dans un décor souvenirs-rêves-désirs, offert à l’occasion avec orgueil aux yeux des hôtes de passage ?

 Intérieur privé contemporain

La réponse tient sans doute un peu de tout cela à la fois. Mais ce qui caractérise peut-être le mieux le temps présent est cette distorsion croissante entre les peintures produites en grand nombre par les créateurs d’images contemporains, et ce que recherchent les amateurs, pour garnir leurs cimaises, à titre professionnel ou privé.

Que recherchent en effet aujourd’hui les amateurs de tableaux ?

Il y a d’abord toutes les peintures anciennes (jusqu’aux années 50, peintres décédés), qui exercent une espèce de fascination magique, parce qu’elles nous rattachent de fait au monde des esprits, ou au monde de l’histoire, ce qui revient au même. Vestiges d’un temps disparu, nostalgie d’une époque révolue, celle des aïeux, enracinement du présent dans le passé.

Il y a ensuite tout ce qui a trait aux gens célèbres, ceux dont on parle dans les médias et dont on sera fier d’avoir une image autographe.

Il y a aussi les œuvres ethniques, qui nous parlent d’une culture traditionnelle exotique, d’un ailleurs chargé de valeur symbolique, comme sanctuarisée.

Hors de ces trois catégories, quelle place reste-t-il pour la grande majorité des œuvres produites, celles des artistes inconnus, vivants, et désespérément anonymes malgré leur signature fièrement apposée dans un coin du tableau ? Qui peuvent-elles séduire et comment ?
Si elles ne retiennent pas l’attention du marché officiel de l’art, elles peuvent cependant dans certains cas attirer le particulier :
  •     par leur aspect artisanal, soigné, et décoratif
  •     ou parce qu’elles ont trait à quelque chose qui nous est familier (portrait de nos proches, représentation de lieux où l’on a habité, ou que l’on a visités)
  •     ou encore par le développement d’une poétique qui nous touche particulièrement, par exemple les chats pour certaines femmes, ou les femmes dénudées pour certains hommes…


C’est la nature de ces poétiques multiples, et leur pertinence collective, qu’il semble intéressant d’explorer et de mieux comprendre. On voit en effet s’étaler dans les galeries ou sur les sites internet des milliers de poétiques individuelles dont on a le sentiment qu’elles sont à la fois trop particulières et trop banales:
  • Trop particulières, parce qu’elles semblent n’obéir qu’à la fantaisie ou aux marottes du peintre, sans autre signification qui puisse être rattachée à un imaginaire collectif. 
  • Trop banales, parce que la somme de toutes ces fantaisies individuelles produit une sorte de mouvement brownien, dans une équivalence globale malgré les différences, et dont l’image qui reste dans la mémoire est totalement insignifiante.

Les thèmes classiques de la peinture ancienne (peinture d’histoire, scènes de genre, paysage, nature morte, portrait), qui avaient un sens partagé par tous (et qui l’ont encore pour les peintures anciennes), ne sont plus aujourd’hui un repère de sens pour la peinture actuelle. Il faut trouver d’autres invariants en résonance avec l’imaginaire contemporain, et adaptés aux images peintes que l’on fixe aux murs.

J’ai personnellement proposé que le travail du peintre s’appuie sur les thèmes de la peinture classique et en détourne la signification, dans une démarche en accord avec l’esprit contemporain (ce qu’avaient déjà initié certains surréalistes comme Dali ou Ernst). Depuis Prévert, Vian, et Queneau, le détournement ironique et improbable de tel ou tel aspect de la réalité, constitue en effet une figure majeure et populaire de la poétique contemporaine.

Mais le champ reste ouvert et bien d’autres poétiques peuvent trouver une résonance positive dans l’imaginaire collectif, à condition qu’elles ne s’éparpillent pas et forment ensemble un corpus cohérent, un système de signification capable d’être intériorisé par la majorité, un système apte à cristalliser les désirs si divers et volatiles de l’homme contemporain, tout en les reliant aux grands invariants de l’inconscient humain.

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