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samedi, mai 09, 2009

FEMMES D’ALGER DANS MON APPARTEMENT

Femmes d'Alger dans mon appartement, huile sur toile, Gilles Chambon, 2009
Le tableau de Delacroix de 1834, représentant trois femmes algériennes dans leur appartement, a fasciné depuis l’origine les critiques et les artistes. Alors que Renoir trouvait, cinquante ans après, qu’«il n’y a pas de plus beau tableau au monde», Picasso, pendant la guerre d’Algérie, s’empara du thème pour produire une suite de compositions retournant la douceur, l’intimité et la mélancolie exprimées par Delacroix, en une violence âpre de femmes nues sous une lumière crue.

Assia Djebar dira que Picasso, en libérant les Femmes d’Alger de l’image des femmes soumises du harem, préfigurait les combattantes appelées "porteuses de feu", pendant la Bataille d’Alger.

Soit. Je reconnais bien volontiers le panache et l’à propos du peintre catalan. Mais je dois dire que je n’ai jamais eu le moindre désir d’avoir aucune de ses disgracieuses et inexpressives «femmes d’Alger» dans mon appartement, alors que je rêvais toujours d’avoir celles de Delacroix, si savamment mises en scène dans cet appartement clair-obscur.

Pour réaliser ce rêve, et ayant définitivement renoncé à voler au Louvre le chef d’œuvre orientaliste, j’ai finalement décidé d’incorporer son « eidolôn » au grand miroir de mon atelier. Ainsi les fumeuses de narguilé et leur esclave noire se retrouvent mêlées au reflet de jeunes femmes contemporaines au type méditerranéen, bien réelles celles-là, qui discutent, nonchalamment adossées sur mes tapis algériens.

Grâce au miroir magique de la peinture, j’ai donc bien réussi à mettre les femmes d’Alger de Delacroix dans mon appartement, et du même coup j’ai aussi mis en abîme, à presque deux siècles de distance, les ancêtres soumises du sérail et les libres filles de la modernité.

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