L’homme a toujours eu un rapport très ambivalent à la violence. Les sociétés modernes la condamnent et la répriment, mais en font cependant usage sous des formes indirectes, ou hypocrites. Ainsi, au quotidien, les animaux d’élevage vivant dans de véritables camps de concentration, et abattus en masse et sans remords lorsque se profile la plus minime alerte épizootique. Ou encore notre impuissance coupable, dédouanée par une compassion affectée, devant la misère persistante des plus démunis ou les sordides conditions d’incarcération des prisonniers. Mais aussi, et le siècle passé nous l’a montré, la puissante technologie de mort élaborée par nos industries d’armement, et l’utilisation dévastatrice qui en est faite en cas de conflit entre états.
Les sociétés traditionnelles ou archaïsantes, généralement moins pusillanimes devant l’idée de la violence, la canalisaient cependant. Pratiques initiatiques mutilantes; codes pénaux inflexibles, détaillant les châtiments corporels les plus atroces; rituels sacrés, aussi, dans lesquels la sauvagerie des sacrifices concentrait la violence sur un bouc émissaire désigné, sorte de paratonnerre permettant aux nuées humaines de se délester momentanément de leur charge de haine.
En vérité, la maladie et la mort se profilent toujours à l’horizon de chaque destin individuel, et nous voyons bien que nous ne pouvons échapper à la cruauté du monde.
C’est pourquoi je ne crois pas que la civilisation ait pour vocation d’éradiquer la violence. Son rôle est plutôt, selon moi, de lui donner un sens, de séparer la violence rédemptrice de la violence destructrice. En un mot de la mettre en scène, pour qu’elle structure positivement notre imaginaire collectif.
Avons-nous bien conscience, nous autres chrétiens, que nous sommes capables d’admirer et de montrer à nos petits enfants la représentation du Christ torturé sur la croix, quand nous ne supportons pas qu’ils voient au journal télévisé des scènes de violence ordinaire ? C’est que l’art, justement, a le pouvoir de transcender le réel en lui donnant une dimension mythique universelle. L’histoire sainte relate cataclysmes, crimes, trahisons, tortures, et martyrs ; mais, grâce à l’art qui la représente, qu’il soit peinture, sculpture, musique, ou psaume, cette histoire si violente devient une sorte de conte enchanté. L’horreur disparaît derrière la grâce, l’événement sordide devient légende, aventure, ou manifestation de justice divine, la souffrance se commue en émotion, l’écœurement cède la place au mystère sacré.
Comme le langage, en nommant les choses, permet de s’en détacher et de les maîtriser, l’art, en sublimant le réel qu’il représente, permet d’en apprivoiser les forces maléfiques. Enchanter le monde, ce n’est pas en faire un univers insipide où tout serait beau et gentil, comme le croient trop souvent les écologistes et les pacifistes, mais c’est y reconnaître la poésie, la profonde beauté, et derrière la mort, la part d’éternité.
Le massacre des innocents, sous le pinceau des artistes du XVIIe siècle, devenait ainsi une sorte de danse sacrée, où l’expressivité gracieuse et irréelle des corps déchirés, transformait l'acte sanglant en une sorte de joute rédemptrice, sublimant le terrible deuil naturel qui touchait alors la plupart des parents: rappelons-nous qu'à cette époque, deux enfants sur trois mouraient en bas âge.
Ce post a donné lieu à un article plus poussé, publié dans "the litarco"; voici le lien
Les sociétés traditionnelles ou archaïsantes, généralement moins pusillanimes devant l’idée de la violence, la canalisaient cependant. Pratiques initiatiques mutilantes; codes pénaux inflexibles, détaillant les châtiments corporels les plus atroces; rituels sacrés, aussi, dans lesquels la sauvagerie des sacrifices concentrait la violence sur un bouc émissaire désigné, sorte de paratonnerre permettant aux nuées humaines de se délester momentanément de leur charge de haine.
En vérité, la maladie et la mort se profilent toujours à l’horizon de chaque destin individuel, et nous voyons bien que nous ne pouvons échapper à la cruauté du monde.
C’est pourquoi je ne crois pas que la civilisation ait pour vocation d’éradiquer la violence. Son rôle est plutôt, selon moi, de lui donner un sens, de séparer la violence rédemptrice de la violence destructrice. En un mot de la mettre en scène, pour qu’elle structure positivement notre imaginaire collectif.
Avons-nous bien conscience, nous autres chrétiens, que nous sommes capables d’admirer et de montrer à nos petits enfants la représentation du Christ torturé sur la croix, quand nous ne supportons pas qu’ils voient au journal télévisé des scènes de violence ordinaire ? C’est que l’art, justement, a le pouvoir de transcender le réel en lui donnant une dimension mythique universelle. L’histoire sainte relate cataclysmes, crimes, trahisons, tortures, et martyrs ; mais, grâce à l’art qui la représente, qu’il soit peinture, sculpture, musique, ou psaume, cette histoire si violente devient une sorte de conte enchanté. L’horreur disparaît derrière la grâce, l’événement sordide devient légende, aventure, ou manifestation de justice divine, la souffrance se commue en émotion, l’écœurement cède la place au mystère sacré.
Comme le langage, en nommant les choses, permet de s’en détacher et de les maîtriser, l’art, en sublimant le réel qu’il représente, permet d’en apprivoiser les forces maléfiques. Enchanter le monde, ce n’est pas en faire un univers insipide où tout serait beau et gentil, comme le croient trop souvent les écologistes et les pacifistes, mais c’est y reconnaître la poésie, la profonde beauté, et derrière la mort, la part d’éternité.
Le massacre des innocents, sous le pinceau des artistes du XVIIe siècle, devenait ainsi une sorte de danse sacrée, où l’expressivité gracieuse et irréelle des corps déchirés, transformait l'acte sanglant en une sorte de joute rédemptrice, sublimant le terrible deuil naturel qui touchait alors la plupart des parents: rappelons-nous qu'à cette époque, deux enfants sur trois mouraient en bas âge.
Ce post a donné lieu à un article plus poussé, publié dans "the litarco"; voici le lien
Mon cher papa,
RépondreSupprimersache que les écologistes ne souhaitent pas rendre le monde tout beau et tout gentil (ça c'est la quête des bisounours), ils proposent simplement des solutions pour prolonger l'espérance de vie de la planète, en responsabilisant chacun de ces habitants.
Quand au rôle de l'art, il n'est pas que de sublimer ou embellir le réel, il est aussi de questionner notre monde, notre existence. Il offre alors un point de vue, un regard, qu'il soit dans la contemplation ou dans le dégoût. Il véhicule une émotion, un ressenti de l'artiste, que ce soit dans l'éros ou dans le pathos.
Et j'aime bien ta dernière acquisition, belle peinture pour l'époque...!
Ma fillotte,
RépondreSupprimerJe sens poindre dans ton commentaire une divergence de points de vue entre nous qui ne me surprend pas ; sur l’utopie écologique, tu as raison de penser qu’elle responsabilise les décideurs (on le voit bien depuis quelques années) et je crois comme toi qu’elle a dans ce sens un rôle positif, même si je suis sceptique sur beaucoup de points de la doctrine.
Pour l’art, je ne pense pas qu’il ait pour vocation de questionner le monde ; la philosophie et la science ont ce rôle. A vrai dire, je ne sais pas très bien quelle est sa vocation ; elle est devenue pour moi assez mystérieuse dans l’époque contemporaine ; peut-être même qu’il n’en a plus. Alors, s’il ne peut plus se définir par son but, disons simplement qu’il se manifeste quand les choses ordinaires sont faites de façon extraordinaire, et quand les choses extraordinaires sont rendues accessibles à tous.