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jeudi, décembre 06, 2007

Villes imaginaires de Chirico

Les joies et les énigmes d'une heure étrange, G. de Chirico, 1913

Villes vides, endormies, électriquement chargées après une chaude journée ; attente, anxiété, prémonition d’un événement inconnu. Ombres longues et noires, exaspération des formes. Archétypes, villes en deçà - ou au delà - de la ville réelle, où circulent des âmes au corps incertain.
Ces lieux déserts, étranges et profonds, sont formés par des souvenirs qui ont quitté la référence temporelle pour devenir des oracles. Chirico invente un entre-mondes crépusculaire, baigné dans la lumière oxymorique d’un soleil nocturne. Evidence du mystère et mystère de l’évidence.

Les scénographies urbaines de Chirico sont aussi prégnantes et signifiantes que celles des trois fameux panneaux de villes idéales peints à la Renaissance, et conservés à Urbino, Berlin, et Baltimore.

Même impression de vide, propre à tout décor attendant un spectacle. Même force onirique, produite par une cohérence poétique sans faille. Mais si les scènes architecturales de la Renaissance italienne glorifient l’espace rationnel de la géométrie euclidienne, et l’âge d’or de l’architecture antique retrouvé, les décors urbains de Chirico brisent le point de fuite unique et annoncent la Relativité ; de façon beaucoup plus subtile d’ailleurs que les contorsions cubistes : on n’est pas devant un manifeste esthétique, mais devant une captation de la sensation diffuse de déséquilibre. Et l’architecture, au lieu de présenter une ville modèle, se replie sur quelques arcanes stylisés : statue, place à arcades, tour, gare avec horloge, mur cachant l’horizon, cheminée d’usine… et toujours un train qui passe. Ces éléments semblent provenir d’un mystérieux jeu de tarot. Comme si chaque peinture était une partie de cartes divinatoire, annonçant l’imminence d’on ne sait quelle attaque contre l’éternel urbain.

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